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Mohamed Saïd Ziad, journaliste-Meddah : Don Quichotte S'haridj
Publié dans El Watan le 05 - 04 - 2014

Le premier par son talent avéré et la ressemblance que je lui ai toujours attribuée avec le personnage de Cervantès ; le second par tout ce qu'il était dans son existence mais aussi une ressemblance encore plus forte avec le Chevalier à la Triste-Figure. Le premier l'aurait interprété brillamment ; le second l'aurait incarné merveilleusement.
La première fois où j'ai rencontré Mohand-Saïd Ziad, dans les couloirs d'Algérie-Actualités, au 3e étage du 20, rue de la Liberté, c'est la pensée qui m'était venue. Si Don Quichotte avait été conçu lors de la captivité de son créateur à Alger, à la fin du XVIe siècle, peut-être y avait-il croisé un aïeul de Ziad, longiligne, osseux, les mains longues et racées, le port digne et ce visage émouvant, toujours marqué par une vague mélancolie, ce regard enfin, un peu perdu, un peu illuminé, celui de l'humilité et de la grandeur mêlées. Et, plus que tout cela encore, la présence persistante en lui de l'enfant qu'il restait au mitan de sa vie. Il avait le physique de Don Quichotte et il en avait le moral, le calme et les emportements, la lucidité et la fantaisie.
Je crois bien que l'on peut rentrer dans la presse autant par passion de ce métier que dans l'espoir d'y croiser de tels personnages, à l'image de Mohand-Saïd Ziad ou encore de Aïtou qui tenait une rubrique gastronomique à Algérie-Actualités et se faisait parfois poursuivre en pleine rue par les propriétaires de restaurants mécontents de ses critiques. Etait-ce le patron du Berry qui l'avait pris en chasse, rue Abane Ramdane, parce qu'il avait porté le doute sur sa blanquette de veau, dans une mémorable cavalcade algéroise ? On pouvait encore rencontrer dans la presse des années 80' de tels spécimens d'humanité qui étaient nés entre les deux guerres mondiales, avaient connu les années de disette, de dysenterie et de typhus, ensuite contribué à la guerre de Libération nationale, connu plusieurs exils, métiers et misères.
Des gens en mesure de vous citer, de tête, Victor Hugo ou Rabindranàth Tagore, de vous disséquer la Sonate au clair de lune de Beethoven ou de vous commenter La naissance de Vénus de Botticelli, et qui étaient incollables sur notre patrimoine ancestral, bu au lait de leurs enfances souvent paysannes. Ils avaient une amplitude culturelle impressionnante, autant pour leurs compatriotes que les étrangers. Mais surtout une humilité monumentale, tellement qu'on avait envie de les bousculer, de leur dire : «Eh ! Mais vous n'avez pas à vous cacher d'être si profonds et talentueux !»
Mohand-Saïd Ziad était un champion en la matière. Un médaillé olympique à vie de la simplicité. Il glissait dans les espaces, arrivait à se faire tout petit en dépit de sa grande taille. Il fallait lui arracher les informations sur sa vie et sa carrière. Parfois, au détour d'une conversation, il vous lançait — comme s'il vous annonçait que les oranges étaient trop chères ou qu'il allait pleuvoir — un petit indice personnel. Mais son caractère réservé, sa répugnance à se mettre en avant, peut-être aussi ses pertes de mémoire, nous laissaient toujours sur notre faim. Ce sont donc souvent des approximations qui tracent son parcours, faute de biographie établie ou d'autobiographie, celle-ci impensable avec sa pudeur.
Même avec son frère aîné, Rabah, il s'avère difficile de reconstituer ce puzzle existentiel. La douleur de perdre l'être le plus proche avec lequel il vivait, l'âge aussi… Autant de raisons. Mais c'est aussi parce que Mohand-Saïd était farouchement indépendant et que sa vie, loin d'un long fleuve tranquille, ressemblait plutôt à nos oueds sinusoïdaux et imprévisibles.
Né le 10 février 1934 à Djemaa S'haridj, près de Mekla, à quelque 30 km de Tizi-Ouzou, il nous avait souvent parlé au journal de son village, l'antique Bida romaine qui avait pris le nom du marché hebdomadaire qui se tenait le vendredi (djemaa) près d'un grand bassin (S'haridj). Après l'école communale, Mohand-Saïd Ziad est entré au collège moderne de Tizi Ouzou où deux passions concomitantes, le sport et l'écriture, vont l'amener, à l'âge de 16 ans, à devenir correspondant sportif. Il couvrait les matches de football de la région pour La Dépêche Quotidienne, dit-on. S'il a donc commencé en 1950, il devait être jusqu'à la semaine dernière le doyen des journalistes, autant par l'ancienneté de sa carrière que son âge.
Certains articles biographiques affirment qu'il se serait installé à Alger en 1955 pour y suivre des formations et qu'il aurait continué à exercer le journalisme sportif. Mais, selon son frère, qui avait émigré trois ans plus tôt, Mohand-Saïd l'avait déjà rejoint à Paris, car c'est lui qui le logeait. Mais comme le cadet informait rarement l'aîné de ses activités, on peut supposer qu'avant de s'exiler, il avait pu travailler, comme affirmé çà et là, en tant qu'animateur à la section kabyle de Radio Alger et fréquenter les milieux de la musique algérienne. Ce qui paraît indubitable, c'est la rencontre dans l'exil parisien avec le peintre Issiakhem, alors étudiant aux Beaux-arts et, dans le sillage de celui-ci, de Mohamed Zinet et de Kateb Yacine.
Période de bohême et de militantisme encore marquée par le flou. S'ensuit un autre exil, plus au nord, où les trois compères, Ziad, Isssiakhem et Zinet gagnent Leipzig, dans l'ex-République démocratique allemande (RDA) qui soutenait l'indépendance algérienne. «Il y était réfugié», nous dit sobrement Rabah Ziad, ignorant lui-même les détails de ce séjour germanique. Il se rappelle pourtant que cela «a duré un bon moment», que Mohand-Saïd ne travaillait pas, «qu'il vivait avec une dame allemande qu'il devait épouser» mais «qu'il était trop indépendant et instable pour cela».
Le trio devait détonner dans l'austérité d'une ville encore marquée par les ravages de la guerre et s'accoutumant à la soviétisation.
C'est là, en 1959, qu'a eu lieu la première exposition personnelle d'Issiakhem. De la promiscuité des trois personnages — réels et pourtant improbables — plusieurs anecdotes à la limite du surréalisme nous sont parvenues par Mohand-Ziad. Telle cette convocation de Zinet à une réunion de l'UGEMA (Union générale des étudiants musulmans algériens), à Berlin-Est ou ailleurs, qu'il n'aurait pas honorée, invoquant une souris blanche qu'il avait adoptée et qu'il ne pouvait ni emporter ni laisser seule.
Par la suite, il aurait trouvé dans sa chambre une convocation à une autre assemblée, posée par terre et, dessus, le cadavre de la souris. Le cinéaste-poète aurait été persuadé que c'était l'œuvre d'un «commando» envoyé par Belaïd Abdesslam, responsable de l'UGEMA ! Plus encore, Zinet, la souris entre les mains et la larme à l'œil, aurait alors dit : «Awah ! Une révolution qui tue une souris ne peut pas réussir !» Ainsi, Da Mohand égrenait-il des histoires qui tenaient en haleine les jeunes journalistes que nous étions sans discerner jamais le bien-fondé du trait d'humour.
Toujours selon son aîné, M. S. Ziad serait ensuite revenu à Paris où, grâce au réalisateur Abder Isker, il aurait travaillé à la section kabylophone de l'ORTF. De là, il aurait rejoint le pays à l'indépendance, entamant un parcours professionnel unique en son genre. A notre connaissance, il est le seul à avoir travaillé dans les trois pôles médiatiques que comptait l'Algérie après l'indépendance : Constantine, dès 1965 (journal Enasr) ; Oran, en 1970 (La République), Alger au début des années 80' (Algérie-Actualités). Il a collaboré également à l'hebdomadaire Révolution Africaine. Ce bourlingage géographique lui a donné un champ relationnel unique dans les milieux de la presse.
Si l'on ajoute qu'il fréquentait les gens de toutes conditions, et notamment les défavorisés, on peut dire qu'il connaissait tout le monde et que tout le monde le connaissait d'un bout à l'autre du pays. Autre particularité de sa carrière, la pratique de la radio et de la presse écrite. Et enfin, le fait qu'il se soit fait connaître par des chroniques qui paraissaient «secondaires» mais qui, par son esprit et sa plume, ont pris une dimension insoupçonnée.
Son père, Si Larbi, avait consacré sa retraite à l'horticulture. Le jardin familial de Djemaa S'haridj était devenu un laboratoire vivant de la nature référencé dans les réseaux internationaux. Il recevait des boutures de collègues étrangers et ses fleurs faisaient l'admiration des nombreux visiteurs. Mohand Saïd avait pris le relais de cette passion. Ce qui avait donné sa chronique «Le Jardin de Mohand Saïd» au début des années 90', lorsque Kheiredine Ameyar l'avait repris à Algérie-Actualités, d'où il avait été éjecté en 1985, à cause d'une autre chronique, «Sagesse du terroir»* comprenant contes anciens ou modernes, repris ou inventés. Celui qui lui valut d'être embastillé et interrogé une semaine dans les geôles de la Sécurité Militaire, s'intitulait «L'âne devenu lionceau» (voir texte dans El Watan du 01/04/14).
La rumeur d'Alger prétendait à l'époque qu'il avait voulu ridiculiser le Président Chadli. Etait-ce le cas ? Certains à qui il se serait confié affirment que oui et d'autres que non. Nul ne le saura jamais maintenant. Mais est-ce bien important ? Avec ses petits contes, Mohand Ziad avait réussi une opération culturelle inédite, à savoir transposer dans le monde du journalisme moderne la tradition ancestrale des meddah et goual.
Il est sûr que ceux-ci ont, de tout temps, pratiqué un langage à tiroirs à l'encontre des régnants, multipliant les sous-entendus, les allusions, les symboles… Mais, il faut bien considérer le contexte de l'époque où l'expression libre était encore bannie, y compris dans les discussions privées en lieu public. Si bien que chacun y allait de sa double lecture, même quand il n'y avait pas lieu. A la même période, le Président défunt était l'objet de blagues quotidiennes chuchotées sous le manteau. Même une série historique sur l'empereur romain, Claudius, qui passait pourtant à la télévision officielle, était interprétée en fonction du microcosme politique dirigeant. Ziad aurait-il été le bouc émissaire d'une pratique sociale alors généralisée ?Quand la parole n'est pas libre, toute parole devient suspecte, même la plus anodine. C'est la grande leçon que nous laisse Mohamed-Saïd Ziad, journaliste-meddah et journaliste-jardinier, maintenant qu'il s'en est allé vers le jardin éternel où l'on peut tout dire.

* Notre confrère, Saïd Mecherri de Mekla, a publié un recueil de chroniques intitulé «Da Mohand Saïd Ziad raconte : La sagesse du terroir» (Ed. El Amel, Tizi-Ouzou, 2011). Espérons sa réédition.


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