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Héritage : Le couscous par les papilles et les neurones
Publié dans El Watan le 14 - 06 - 2014

Le couscous fait tellement partie du vécu quotidien, ou du moins hebdomadaire, de chaque Algérien que nous en oublions de creuser le masque de l'évidence pour découvrir la richesse de ce patrimoine culturel. D'ailleurs, ne désigne-t-on pas ce plat par les génériques taâm, naâma ou ‘aïch qui signifient tous «nourriture» ? Hamida Agsous, commissaire du festival, n'hésite pas à parler de «coup de génie» pour évoquer cette hypothétique première femme qui a pensé à «mélanger 2/3 de semoule de blé dur avec de l'eau salée et 1/3 de farine, puis à rouler ces éléments dans un grand plat de terre ou de bois (guessaâ ou djefna) pour obtenir des graines de 1 mm environ après plusieurs passages à travers différents tamis». Ajoutez à cela la cuisson à la vapeur, autre coup de génie, et vous obtenez le couscous.
Ce festival a permis d'entrevoir des dimensions insoupçonnées de notre plat national grâce aux différentes approches abordées. Très bonne surprise en ouverture du catalogue avec des extraits d'un ouvrage à paraître du sociologue Rachid Sidi Boumediène sur l'art culinaire algérien où il esquisse une typologie et une hiérarchie des couscous, du repas familial aux mets des grandes occasions. A chaque occasion son couscous et il serait impensable, par exemple, de le servir sans viandes à des invités de marque. C'est d'ailleurs l'argument d'un conte berbère, immortalisé par Taous Amrouche dans son célèbre recueil, Le Grain magique, où une malheureuse est amenée à égorger son fils pour le servir aux invités !
En visitant les salles du Bastion 23, embaumant des spécialités de toutes les régions, c'est un véritable voyage gustatif que proposait le Festival de la création féminine durant une semaine. Du couscous au mérou de Jijel à la seffa de Tlemcen en passant par les «s'rayer» de Ouargla, ce fut véritablement le festival du palais au Palais des Raïs. L'Algérie a, semble-t-il, cet avantage géographique de la centralité qui lui permet de rassembler des recettes qu'on retrouve dans l'ensemble du Maghreb, ajoutées évidemment aux préparations qui lui sont propres. C'est, en tout cas, la thèse défendue par Houria Cherid, directrice du Musée national des antiquités d'Alger, dans sa conférence où elle a détaillé par le menu les particularités régionales ainsi que les références historiques et archéologiques du couscous. Il serait hasardeux de trancher la question de l'origine du couscous mais son histoire est très fortement liée à celle de l'Afrique du Nord.
Dès le règne de Massinissa, des traces d'ustensiles attestent de la présence de ce plat. La Numidie étant le «grenier à blé de Rome», les ingrédients étaient bien là pour rouler le fameux grain. Plus tard, les auteurs arabes témoigneront largement, et souvent avec admiration, de cette spécificité maghrébine. Certes, avec les aléas de la vie moderne, la tradition du roulage se perd parmi les femmes algériennes d'aujourd'hui, mais sa consommation reste au beau fixe. Pour éviter le couscous fabriqué à la machine, le grain roulé se vend désormais en sachets, en partie grâce à Sid Ali Lahlou. Cet entrepreneur de Tizi Ouzou a su adapter la tradition ancestrale aux nouveaux comportements des consommateurs. Mais pas question pour cet homme qui a appris à rouler le couscous auprès de sa mère, de faire dans l'industriel. La préparation reste à l'ancienne. Toutefois, Lahlou n'hésite pas à explorer d'autres voies comme le couscous à base de riz, de gland ou encore de maïs (tel qu'il se consomme, d'ailleurs, au Brésil).
Le couscous est, aujourd'hui, apprécié aux quatre coins du monde grâce, notamment, au talent des cuisiniers maghrébins. Ce destin international du couscous ne date pas d'hier. En effet, de l'autre côté de la Méditerranée, en Sicile, la préparation du couscous est une tradition séculaire. C'est ce que nous avons découvert avec la passionnante conférence de Marilù Terrasi. Diplômée de philosophie, elle se consacre actuellement, avec son restaurant et ses nombreux ateliers, à la promotion de la tradition «couscoussière» en Sicile et dans toute l'Italie. Elle n'abandonne pas pour autant son penchant littéraire en collectant les poèmes et autres expressions de circonstance liées à l'Incocciata (préparation du couscous), véritable art populaire, affirme-t-elle. Elle nous apprend que la culture du couscous est tellement implantée dans la province de Trapani, et plus précisément à San Vito lo Capo où elle gère son restaurant, que les maçons en sont arrivés à donner son nom à un ciment d'une texture similaire. Ce plat est décidément le ciment du bassin méditerranéen ! L'implantation du couscous en Sicile remonte à la présence arabo-musulmane (qui, faut-il le rappeler, était aussi et surtout maghrébine).
Ce mets, qui peut littéralement se préparer à toutes les sauces, a rapidement conquis les Siciliens. Amateurs de pêche, ces derniers le préparent accompagné le plus souvent de produits de la mer. Le cuscusu se déguste habituellement avec du rouget mais il peut également s'accommoder d'escargots, de sanglier ou même d'algues ! Il existe également un équivalent sicilien du berkoukes (couscous à gros grain mélangé de farine) appelé frascatoli, servi avec de la soupe de poisson. Bref, le couscous est chez lui au pays des pâtes. Pour preuve, la province de Trapani accueille chaque année le seul et unique Festival international du couscous ! Le couscous est aussi ce plat rassembleur par excellence qui, dit-on, peut nourrir tout un village par sa baraka. C'est cette symbolique qu'explorera brillamment notre consœur Leïla Boukli Hacene Tani dans une conférence intitulée «Le plat du partage», inspiré de l'ouvrage éponyme paru en deux volumes à l'occasion de l'Année de l'Algérie en France. C'est une approche quelque peu anthropologique qu'elle emprunte, rappelant l'omniprésence de ce plat dans les sociétés maghrébines, de la naissance à la mort en passant par les mariages. Le grain est évidemment signe de fertilité et la conférencière décèle même dans le mouvement circulaire du roulage une dimension cosmique. Anthropologie certes mais anthropologie amoureuse teintée, à l'occasion, de nostalgie. En effet, Mme Boukli citera quelques-unes des belles plumes ayant contribué à son ouvrage pour dire leur vécu du couscous. Elle se remémore elle-même : «Je revois ma mère assise sur une peau de mouton, la guessaâ en bois entre ses jambes écartées. Ma mère chantait toujours quand elle préparait le couscous. La marmite en terre chantait aussi dans l'âtre. Quand la couscoussière dégageait les dernières vapeurs, elle la renversait sur le plat en bois. Elle nous appelait nous, les filles, pour mettre notre visage au-dessus pour avoir un joli teint…». Mme Boukli avance que la cuisine est certes un lien avec la mère mais que le goût, comme le nom, se transmet par le père.
Preuve par l'exemple : elle se rappellera comment sa mère andalouse a appris à rouler le couscous auprès de la famille tlemcénienne de son père. Plus largement, elle note que cette spécialité berbère a la particularité de dépasser les clivages sociaux. Du frugal couscous aux glands des villages isolés durant la guerre d'Algérie à l'opulent couscous des grands restaurants, c'est le même grain qui fait la joie du riche comme du pauvre et c'est là une des fortes symboliques de ce plat du partage. Par ses rites, ses valeurs et sa transmission dans le temps, le couscous procure à l'Algérien, comme à tout maghrébin, un sentiment de continuité et d'appartenance à une communauté qui apporte son génie à celui des peuples et des nations. C'est là, la définition presque littérale du patrimoine culturel immatériel selon l'Unesco.Qu'attendons-nous donc pour le classer ?


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