Le projet du 4e découpage administratif depuis 1962 a été plusieurs fois différé par manque de moyens, d'encadrement et d'infrastructures, à croire les déclarations faites en 2009 par Daho Ould Kablia, alors ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, lors d'un entretien accordé à la Télévision nationale.Auparavant, l'ex-chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, avait sciemment bloqué le projet. «Je ne suis pas contre le découpage administratif, mais si l'on m'avait demandé, j'aurais dit qu'il est encore tôt», s'était-il justifié en 2006 lors d'un point de presse animé en marge d'une rencontre avec les cadres du RND à Tébessa. Depuis quelques semaines, une véritable guéguerre s'est déclenchée entre les populations des plus grandes daïras de la wilaya pour arracher le ticket de la promotion. A Ouenza, à Bir El Ater, à Chéria et à Bir Mokadem, les populations attendent impatiemment la proclamation des noms des nouvelles wilayas. Le nouveau découpage administratif est devenu le sujet de discussion dans toutes les chaumières. Il fait aussi l'objet d'une grande polémique sur les réseaux sociaux. Le sujet devient la pomme de discorde entre des centaines de commentateurs déchaînés suite au partage d'un article de presse sur facebook annonçant un éventuel découpage administratif. Pour les uns, il s'agit d'une course insensée, car les daïras qui seront promues obéissent à des critères bien déterminés, alors que pour les autres, il faut y croire et tous les moyens sont bons pour plaire au gouvernement. Ainsi, à Ouenza (90 km de Tébessa), les 90 000 habitants environ espèrent que leur daïra soit promue au rang de nouvelle wilaya lors du prochain découpage administratif. Poussés par un sénateur de la région, ces derniers ont sollicité dans une lettre publiée sous forme d'encart publicitaire, dans un journal arabophone, le président Abdelaziz Bouteflika pour promouvoir leur daïra en une wilaya surtout que, selon eux, tous les critères sont remplis pour l'être. «Demander publiquement ça au Président était le seul moyen pour se faire entendre», s'est justifié un jeune. «Espérons que notre demande soit prise en considération», a-t-il ajouté. Cette ville minière, où le taux de chômage est très élevé, a été plusieurs fois secouée par une vive tension sociale, la dernière date de décembre 2013. «Nous voulons à tout prix nous détacher de la wilaya de Tébessa. Les autorités ont toujours mis à l'écart cette région riche par son fer», nous a déclaré un jeune architecte exerçant dans un bureau d'études. Abderrahmane, encore étudiant en sociologie, soutient l'idée que seule la commune de Ouenza, par sa richesse et son cosmopolitisme, mérite d'être vraiment parmi les nouvelles wilayas. En dépit de ses atouts, une population de plus de 120 000 habitants, de bonnes potentialités économiques et une position géographique intéressante, Bir El Ater (89 km à l'extrême sud de la wilaya) est cependant divisée entre partisans et opposants à une éventuelle promotion de leur daïra. Ainsi, profitant de notre présence, un débat passionné s'est enclenché à ce sujet entre les protagonistes, chacun voulant défendre sa thèse. Pour les partisans, la plupart de jeunes diplômés, «promouvoir la daïra de Bir El Ater avec de telles richesses apportera beaucoup d'améliorations à la situation socioéconomique», a fait savoir Mohamed. Pour Karim, un étudiant en sciences commerciales, désigner cette région en wilaya va booster les secteurs de l'agriculture, du tourisme et de l'éducation, et du coup créer des postes d'emploi sécuriser davantage la frontière. Un argument rejeté par Ahmed, la trentaine, qui s'adonne à la contrebande depuis plus d'une décennie : «Si l'on sécurise la frontière, qu'est-ce qu'on fera, nous, les chômeurs, sans diplôme ni ressource ?» «Tant qu'il y a des magnats de la contrebande, la région ne sera jamais promue», soutient Seifeddine, lui aussi contrebandier. La ville de Bir El Ater est gangrenée par la contrebande et d'autres fléaux. Depuis plus d'une décennie, elle est devenue un «Etat» à part où la loi du plus fort est dictée par des magnats de la contrebande. L'Etat obéira-t-il aux desiderata des uns et des autres ?