Il convient de restituer cette date dans la conjoncture révolutionnaire de l'époque. Cette date est devenue naturellement la Journée nationale de l'étudiant. Quelle était la situation politique à la veille du 19 Mai 1956 ? – Le cabinet du président Edgar Faure est renversé. – Il est suivi par la dissolution de l'Assemblée nationale française et des élections ont eu lieu le 2 janvier 1956. Le Front Républicain remporte la victoire. Le socialiste Guy Mollet a été chargé de former le gouvernement. Les événements prennent une tournure dans une ambiance d'hystérie générale. C'est ainsi que le 6 février, Guy Mollet est conspué à Alger. «Il est reçu à coup de tomates par les pieds-noirs. Robert Lacoste est nommé à Alger en qualité de ministre résident. Des pouvoirs spéciaux sont votés par l'Assemblée nationale. La situation est tendue. Le 24 mai eut lieu l'arrestation et l'expulsion du professeur Mandouze. Pourtant, en contrepartie, il y a eu une nouvelle réjouissante, c'est le ralliement officiel de Ferhat Abbas au FLN le 31 mai. Pour la France de cette époque, la guerre d'indépendance algérienne fut d'un type nouveau, que les officiers français revenus d'Indochine qualifièrent de «révolutionnaire» car aux révoltes tribales, sans coordination, succédèrent des actions planifiées, coordonnées à l'échelle nationale et maghrébine, voire internationale, et organisées pour durer jusqu'au succès final. Quel était l'état des étudiants algériens ? Il faut rappeler que les associations d'étudiants nord-africains dépassaient le cadre national, puisqu'elles rassemblaient les trois pays du Maghreb. Mais paradoxalement, en France, dans chaque ville universitaire, les étudiants musulmans formaient une association indépendante (ou filiale de celle de Paris). En Algérie, nous avons tenté, en 1953, de constituer une organisation maghrébine unifiée, rassemblant les trois organisations nationales autonomes. Elle devait rassembler les étudiants et les élèves de première et de terminale des lycées et collèges. A cet effet, un appel avait été lancé. Il avait été signé par Abdessalem pour les étudiants et par moi-même au nom des lycéens. La tentation a échoué du fait de la création d'une Union générale des étudiants tunisiens. Dès lors, la formation d'une union estudiantine algérienne était à l'ordre du jour. Sur l'initiative de l'AEMAN d'Alger, une conférence préparatoire réunit à Paris du 4 au 7 avril 1955 des délégués algériens de toutes les universités françaises et décide de constituer une union des étudiants. Ce sera alors en juillet 1955 que l'Ugéma sera créée par des étudiants. Le «M» a son importance, car il marque l'identité de l'association et, de ce fait, il se démarque de toutes les autres associations. Il a été imposé après de longs débats houleux en dépit de l'opposition des étudiants marxistes qui voulaient ouvrir cette association à tous les Algériens sans distinction de religion et de croyances philosophiques. Cependant, ce M n'avait pas une connotation confessionnelle mais nationale. l'Ugéma veut rester en communion avec son peuple qui refuse résolument d'abdiquer sa personnalité, de renier son passé et de trahir sa vocation historique. L'Université d'Alger, la seule de toute l'Algérie, comptait 525 étudiants algériens pour une population de 9 millions contre 4500 Européens ou pieds-noirs pour une population d'un million. Cette information a été donnée par le gouverneur général de l'époque Robert Lacoste. Il est à signaler que le FLN a formé des centaines d'étudiants. Ferhat Abbas a dit à ce sujet : «En six ans, la Révolution algérienne a formé plus d'étudiants que le régime colonial n'en a formé en 130 ans d'occupation.» Certains de ceux qui ont fait la grève du 19 Mai ont représenté le peuple algérien lors des négociations qui ont abouti au cessez-le-feu du 19 Mars 1962. La grève avait été décidée par la section d'Alger de l'Ugéma qui demanda aux étudiants de rejoindre leurs frères dans les rangs de l'ALN. L'ordre de grève a été suivi par la grande majorité des étudiants algériens qui cessèrent les cours le 19 Mai 1956. Les étudiants de la section de l'Ugéma d'Alger lance l'Appel de ne plus assister aux cours et boycottèrent les examens de juin 1956. Nous relevons ce passage dans l'appel des étudiants : «Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! A quoi serviraient ces diplômes qu'on continue à nous offrir pendant que notre peuple lutte héroïquement.» Le vendredi 25 mai, le comité directeur de l'Ugéma à Paris reprend l'Appel d'Alger et étend le mot d'ordre de grève générale des cours et des examens à tous les étudiants algériens de France, de Tunisie et du Maroc. Il est à signaler ce message du 8 mars 1956 du colonel Amirouche adressé aux étudiants qui les appelle à s'engager dans la Révolution. Il leur dit notamment : «Servir la patrie est la seule devise de tous les Algériens. Vous qui êtes dans les villes, dans les universités, dans les lycées, chaque chose autour de vous sent la Révolution qui vous incite à penser, à tous les instants, à votre devoir.» Dans ce contexte, l'Ugéma conduit les étudiants vers la guerre révolutionnaire. Son deuxième congrès réunit à Paris vote une motion à l'unanimité : • Considérant que le colonialisme, source de misère et d'analphabétisme, est la négation même de la dignité d'un peuple (…), le congrès demande : • La proclamation de l'indépendance de l'Algérie, • la libération de tous les patriotes, • des négociations avec le Front de libération nationale. L'Ugéma n'a jamais cessé de jouer un rôle important pendant la guerre de Libération nationale en mobilisant tous les étudiants et lycéens et en leur inculquant les grands idéaux de la Révolution.