Aux jeunes de tous bords et de toutes conditions, l'équipe nationale a apporté un bien inestimable : l'amour de la patrie et la passion du drapeau national, ce que n'ont pas réussi à faire leurs aînés, spécialement les élites politiques – souvent intellectuelles – au pouvoir, parmi elles la famille autoproclamée « révolutionnaire » dont le bilan de cinquante années de règne absolu s'est avéré désastreux. La génération de la guerre de Libération n'a pas su protéger la jeunesse post-indépendance. Elle ne lui a pas évité de s'impliquer dans la révolte du 5 octobre 1988 et d'en payer le prix fort. Elle ne lui a pas préparé un pays en mesure d'assurer des moyens d'existence pouvant lui épargner l'exil forcé (la harga). Enfin, elle ne l'a pas prémunie du piège intégriste et de la boucherie du terrorisme. Un jeune kamikaze de quinze années n'est pas sorti du néant, il est le fruit du dérèglement de toutes les valeurs essentielles pouvant construire une nation : dès l'indépendance, l'école s'est vu confier un rôle de propagande au service des puissants de la politique. Dans l'enseignement de l'histoire, tout esprit critique a été banni et les faits communiqués aux élèves étaient strictement sélectionnés pour ne refléter que le parcours et « la vision politique » des dirigeants. Une entreprise de déculturation systématique a été entreprise pour que soit gommé tout l'héritage multi-millénaire de l'Algérie – et du Maghreb. Le point de départ de l'histoire de l'Algérie devait coïncider avec l'arrivée des Arabes dans le pays. Les jeunes Algériens ne renouèrent, timidement, avec l'héritage amazigh qu'à la suite des révoltes berbères forçant les autorités à la constitutionnalisation de la langue des ancêtres. Enfin, la mauvaise gouvernance qui a appauvri le pays a semé le désespoir chez les jeunes contraints, pour revendiquer leur droit au logement, à la nourriture et au travail, à d'incessantes émeutes, marches et grèves s'achevant la plupart du temps par des confrontations avec les forces de sécurité ou des traductions en justice. La qualification de l'équipe nationale de football au Mondial 2010 et l'épreuve qu'elle dut subir en Egypte – avec elle tout le peuple algérien insulté dans sa mémoire et ses martyrs – ont été un déclic salvateur : face à l'adversité, les Algériens ont mis spontanément en avant ce qu'ils avaient d'essentiel : la terre, le drapeau et l'histoire. Au fil des victoires, les jeunes Fennecs sont apparus comme un miroir d'une nouvelle Algérie, jeune, profonde et saine, qui ne ressemble pas à l'Algérie des aînés, sclérosée, pervertie et corrompue. Aux hommes politiques, la jeunesse dit : « Ecoutez-nous, changez ou partez. » Un message lourd de sens qui ressemble à celui lancé le 5 octobre 1988, à la seule différence qu'à ce moment-là ce furent des pavés et des cocktails Molotov qui étaient lancés contre l'autorité et ses symboles. Aujourd'hui, c'est le drapeau national qui est brandi dans une ambiance de chants et de klaxons. Une petite révolution de velours.