Les essais nucléaires menés par la France coloniale en Algérie se sont imposés comme le thème central du film inaugurant la première édition du festival international du court métrage de Timimoun (TIFSS). Vendredi soir, dans la salle de cinéma Malek-Bennabi, le public a découvert en hors compétition Boomerang Atomic, la plus récente réalisation de Rachid Bouchareb, accueillie par de longues salves d'applaudissements. Œuvre poignante et profondément anxiogène, le court métrage rappelle que la mort semée par ces explosions continue de planer, portée par une radioactivité toujours présente dans les sols du Sud-Ouest algérien. Après une avant-première mondiale remarquée à Venise, cette projection – première africaine – a condensé, en seulement vingt-et-une minutes, l'un des chapitres les plus traumatisants de l'histoire contemporaine du pays, dont les effets marquent encore les paysages et les habitants Bouchareb ancre son récit dans les archives, qui deviennent la matière première de sa narration. Elles permettent de retracer la tragédie du 13 février 1960, jour où la première bombe atomique française, baptisée « Gerboise bleue », explose à Reggane, dans la wilaya d'Adrar. Le film déroule ensuite l'enchaînement macabre des autres essais : gerboises blanche, rouge et verte, autant de déflagrations dont les retombées silencieuses, notamment des malformations, touchent encore les populations locales. Le réalisateur compose un montage d'images télévisées rarement vues, filmées au moment même du lancement du programme atomique. Scientifiques et spécialistes y décrivent la violence du procédé, sa portée criminelle et ses conséquences sanitaires irréparables. Le film met aussi en lumière le discours politique de l'époque, en reprenant les prises de parole de responsables français qui justifiaient ces expérimentations au nom du progrès scientifique. En contraste, Bouchareb nous ramène 65 ans plus tard, dans la ville de Reggane, où l'on constate l'empreinte durable de ces explosions sur l'homme, la faune et la flore. Fidèle à son engagement mémoriel, le cinéaste poursuit son travail de dévoilement des pages occultées du colonialisme, comme il l'avait déjà fait en portant à l'écran les essais nucléaires souterrains d'In Ekker, menés le 1er mai 1962 au nord de Tamanrasset. Boomerang Atomic s'annonce par ailleurs comme le prélude à un futur long-métrage de fiction consacré au même sujet. Une perspective qui réjouit les amoureux du cinéma historique, tant cette œuvre confirme, depuis Timimoun, la force et la maîtrise d'un réalisateur qui ne cesse d'interroger les blessures du passé.