Se distinguant par une voix timbrée et inimitable, selon les connaisseurs, Zerrouki Allaoua était l'un des chanteurs les plus célèbres dans le monde de la chanson algérienne à partir des années 1940 et a bercé les mélomanes de l'époque et inspiré plusieurs artistes. Son talent et sa manière incomparable de jouer de la guitare, sa voix puissante et sublime lui ont valu d'occuper une place de choix dans le milieu artistique parmi les autres chanteurs de sa génération. «Zerrouki jouissait d'une voix remarquablement timbrée, juste et souple, et d'une technique de jeu de guitare incomparable», a souligné dans une déclaration à l'APS, Mehenna Mahfoufi, spécialiste en ethnomusicologie, auteur d'un ouvrage intitulé «Poèmes et chants de Kabylie dans la lutte de libération». «La beauté de sa voix, la charge émotionnelle de ses mélodies et la simplicité et la sincérité de ses textes ont fait de lui un chanteur authentique et moderne», a-t-il dit. Le chanteur et Commissaire du festival culturel local de la chanson et musique kabyles de Béjaïa, Abdi Lyazid, de son nom d'artiste Azifas, a estimé, de son côté, que Zerrouki Allaoua avait laissé un «grand patrimoine musical», même s'il n'avait à son actif qu'une trentaine de chansons. «C'était un artiste complet et irremplaçable qui avait chanté, avec sa voix unique, la vie, l'immigration, l'exil et l'indépendance de l'Algérie», a ajouté M. Abdi. Après 1956, Allaoua Zerrouki, à l'instar de plusieurs autres artistes algériens vivant en France, mettait ses talents de chanteur au service de la cause nationale en militant au sein de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), utilisant la chanson pour mobiliser autour de la cause nationale, a souligné, par ailleurs, M. Mehenna. «Le Rossignol avait écrit une chanson engagée «A yitbir» (Ô pigeon) qui a été censurée par la radio de Paris à cette époque-là», souligne l'ethnomusicologue. Ses compositions avaient pour thématique générale les affres de l'exil, la nostalgie du pays et des proches, et le tiers d'elles était pour l'Algérie, a-t-il ajouté. Le premier enregistrement de Zerrouki Allaoua, en 1948, comprenait une chanson, en arabe, appelant à la lutte contre l'occupant français, intitulée «Lahbab elyoum el kifah» (mes amis, il est temps de combattre). Né le 5 juillet 1915 à Akourma, un village de la commune d'Amalou, dans la wilaya de Bejaia, Zerrouki Allaoua avait un penchant pour la musique et le chant à partir de 12 ans, période durant laquelle il confectionnait déjà des flûtes. Il quitta son village natal vers les années 1930 pour travailler à Akbou et à Bejaia, ville où il a exercé comme coiffeur. Sa rencontre, à cette période de sa vie, avec le maitre de la chanson andalouse Cheikh Sadek Abdjaoui, fut déterminante dans sa carrière d'artiste. Il l'avait encouragé dans sa passion pour la musique. Au début des années 1940, Zerrouki Allaoua émigre en France où il côtoie plusieurs artistes algériens, à l'image de Slimane Azem, Cheikh El Hasnaoui, Dahmane El Harrachi, Akli Yahiaten, Youcef Abjaoui, Sadaoui Salah, Farid Ali et Kamal Hamadi. Durant sa courte carrière artistique, l'enfant d'Amalou a chanté une dizaine de tubes pour l'Algérie, dont «Laâlam ldzair» (Le drapeau de l'Algérie) à l'indépendance, et a rendu hommage au colonel Amirouche, tombé au champ d'honneur le 29 mars 1959, dans l'éternelle chanson «Lewjab n wassen» (Supplice de ce jour). Parmi les plus célèbres de ses autres chansons, Sidi Aïch (Région de Béjaïa), Yellis N Tmurt (fille du pays), El Babour (le bateau), a tassekkurt (O perdrix), Zhar ulach (pas de chance), Tskhilek attir (Je t'en prie oiseau), Dacu iguervah (Qu'a-t-il gagné) qui est sa dernière chanson enregistrée. Plus d'un demi-siècle après sa disparition, le 17 novembre 1968, l'œuvre musicale de Zerrouki Allaoua, un nom inscrit en lettres d'or dans les pages d'histoire de la musique algérienne, et qui a profondément marqué plusieurs générations, continue d'inspirer les jeunes talents.