Adepte de la démarche de l'analyse philosophique prônée par les tenants du « déconstructivisme », nourri de pyrrhonisme et lecteur attentif des Nietzsche, Foucault, Arkoun, Harb et Adonis, avec lequel il entretient une relation d'amitié depuis des années, Ahmed Dellabani, né à Biskra en 1968, formé à l'université de Constantine, est un professeur de philosophie s'imposant comme l'un des plus entreprenants de sa génération. Il a déjà quatre livres à son actif : « Le banquet du labyrinthe » qui est un recueil d'essais, « La symphonie inachevée », édité avec l'aide du ministère de la Culture mais « qui a été mal distribué et n'a donc eu aucun impact sur le public », selon l'auteur lui-même, « Elévations métamorphiques », préfacé par Adonis et publié par une maison d'édition damascène, encore indisponible pour le lectorat algérien, dans lequel il tente de vulgariser les concepts et piliers de la philosophie soufie et enfin « L'exode », également publié à Damas et où, en usant d'une langue arabe déliée, sans fioritures et libérée du carcan académique, il trace et définit les contours de l'idéologie arabe contemporaine. Il estime, à ce propos, que l'idéologie arabe contemporaine est « fondée sur des préjugés et de supposés pré- acquis mythologiques, n'existant que dans l'imaginaire et n'ayant, de ce fait, aucune prise sur la réalité. » Portant un regard sans concession sur l'état de « la pensée arabe » qui est, à son sens, « gangrenée par les dogmatismes stérilisants dont elle doit s'affranchir pour pouvoir s'élever », cet intellectuel n'a pour seul sacerdoce que la philosophie moderne. Soucieux de mettre à la portée du grand public les grands concepts et courants, ses ouvrages sont autant des écrits de vulgarisation de la philosophie que des pistes de recherche en sciences humaines. « L'objectif est de réfléchir sur notre état et sur celui du monde et de stimuler l'éclosion d'une nouvelle pensée arabe qui soit critique et efficiente. Pour cela, il faut la délester, à la fois, des scories de l'intégrisme religieux et de celles de la laïcité », expliquera-t-il. Fustigeant les pouvoirs publics, « ne faisant rien » pour que sa matière de prédilection ait plus de place au sein de la population algérienne « qui n'est pas aussi étanche qu'on pourrait le croire », soutiendra-t-il, il désigne l'école, l'université, les centres culturels et la télévision nationale, de « trop apathiques et figés », selon lui, comme étant les principaux responsables de la déliquescence des valeurs régissant la société d'aujourd'hui.