Malgré l'imposition par l'ONU, depuis 2011, d'un embargo sur les armes, la Libye continue d'être inondée d'armes de guerre. Les experts onusiens signalent que de nombreuses livraisons d'armes à des factions libyennes viennent du Soudan, d'Egypte, de Turquie ou des Emirats arabes unis. Les autorités libyennes ont encore saisi lundi, dans le port de la ville de Misrata, un conteneur comprenant plus de 20 000 armes à feu en provenance de Turquie. Cette prise intervient quelques semaines après la saisie, dans le port de la ville de Khoms, dans l'ouest du pays, d'une importante quantité d'armes provenant également de Turquie. En septembre 2015, la marine grecque avait intercepté un navire turc chargé d'armes et de munitions, qui avait mis le cap sur la Libye. En juin de l'année suivante, des agences de renseignements européennes avaient en outre lancé une recherche en Méditerranée, pour la localisation d'un navire-cargo battant pavillon turc, qui transportait des armes pour les combattants de l'Etat islamique en Libye. Face à l'évolution de la situation, la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul) a annoncé, fin décembre 2018, qu'un groupe d'experts onusiens allait enquêter sur ce trafic d'armes. «Les rapports faisant état d'importantes cargaisons d'armes arrivant sur des côtes libyennes sont extrêmement déconcertants», ont regretté les responsables de la Manul. Les autorités libyennes de Tripoli ont, de leur côté, ordonné l'ouverture d'une enquête approfondie sur ce trafic et annoncé qu'elles contacteraient les autorités turques pour clarifier les circonstances. Mais depuis, rien. En revanche, le gouvernement parallèle de l'est du pays s'est montré plus offensif sur cette question de trafic d'armes. Il n'a pas hésité à nommer les parties qui, selon lui, sont derrière ce trafic. Le commandant en chef de l'armée libyenne, le maréchal Khalifa Haftar, ne cesse d'accuser nommément, depuis 2014, la Turquie et son allié régional, le Qatar, de s'ingérer dans les affaires internes de la Libye et d'inonder le pays d'armes afin de renforcer les milices islamistes et les groupes terroristes locaux. Ces tentatives d'introduction d'importantes quantités d'armes sur le territoire libyen interviennent au moment où l'ONU tente désespérément de relancer le processus de règlement de la crise afin de permettre aux Libyens de retrouver le chemin des urnes. Mais la tâche s'annonce difficile. En plus des nombreuses divergences opposant Tripoli et Tobrouk et le poids des milices, ce processus de réconciliation interlibyens est contrarié par la dégradation de la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays. Le ministre de l'Intérieur du gouvernement d'union nationale (GNA) a admis à ce propos, le 25 décembre dernier, l'existence d'un «chaos sécuritaire» dans son pays qui reste, selon lui, un «terrain fertile» pour Daech. «La situation de sécurité est bonne en apparence, mais en réalité elle ne l'est pas», a avoué Fathi Bach Agha, lors d'une conférence de presse avec le chef de la diplomatie, Tahar Siala, quelques heures après une attaque terroriste contre le ministère des Affaires étrangères. Ce «chaos (…) est hors de notre contrôle», a-t-il dit, avouant ainsi la faiblesse du GNA face aux groupes armés qui font la loi dans tout le pays, en particulier dans la capitale Tripoli. M. Bach Agha a déploré en outre le manque de moyens, affirmant avoir trouvé «zéro arme, zéro véhicule» dans les dépôts de son ministère à sa prise de fonction, en octobre 2018. Le ministre libyen des Affaires étrangères, M. Siala, avait «renouvelé de son côté» l'appel du GNA à une levée partielle de l'embargo sur les armes imposé par l'ONU à son pays depuis 2011. «La stabilité ne peut pas être rétablie (…) sans une levée partielle de l'embargo pour assurer la sécurité et combattre le terrorisme», a-t-il soutenu. Mais depuis, rien n'a bougé aussi.