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Après le terrorisme, le poison
Publié dans El Watan le 17 - 06 - 2016

Saïfeddine Boufateh, 38 ans, père de six enfants, est l'un des 150 gardes communaux qui ont assuré la garde d'un entrepôt de produits toxiques entre 1995 et 2004, à Bordj Nili, à plus de 60 km au sud de la wilaya de Laghouat. Dépêchés de Hassi Delaa, de Hassi R'mel, de Nacer Ben Chohra et de Ksar El hiran, communes voisines du sud de Laghouat, ces gardes communaux racontent qu'«ils passaient parfois plus de 20 jours sans la moindre protection dans cet endroit implanté au milieu du désert».
Ignorant à l'époque la nature de ces produits stockés, laissés à ciel ouvert après que l'Algérie ait décidé de s'en débarrasser, ils découvrent dix ans plus tard qu'une cinquantaine d'entre eux ont été atteints de maladies similaires telles «la perte de vue, l'allergie, la stérilité ou le cancer». «Je souffre d'une allergie, de la prostate et d'une complication aux poumons», grogne Saïfeddine, porte-parole des victimes, enrôlé dans les rangs de ce corps constitué, créé en 1994 dans le cadre de la lutte antiterroriste, à l'âge de 17 ans.
Son ancien collègue, Abdellah Djemiaa, 50 ans, père de deux enfants, transféré à cet entrepôt en 1998, souffre, quant à lui, d'«une pathologie neurologique, d'un syndrome pyramidal et d'une thyroïdite pseudomodulaire associées à des céphalées». Rencontrés au centre-ville, Abdellah et Saïfeddine introduisent Mohamed Naoui, l'homme qui était leur responsable. A 49 ans, Mohamed se plaint déjà d'«une pathologie dermatologique, d'une amylose pigmentaire maculeuse et d'un syndrome métabolique perturbé avec une hypertrophie prostatique».
Selon leurs certificats médicaux délivrés par les médecins de travail, dont El Watan Week-end détient des copies, ces anciens gardes communaux ont tous contracté ces maladies pendant «l'exercice de leurs fonctions». «Même mes enfants et mes deux petits frères que j'ai embauchés avec moi de peur qu'ils rejoignent les islamistes sont malades. Mon frère cadet me le reproche jusqu'à aujourd'hui. Il ne me parle plus», regrette Mohamed. Est-ce le fait du hasard ? Ou cela a-t-il un lien avec cet endroit ? Les gardes communaux rencontrés sont convaincus : «Nous avons été contaminés par ces produits toxiques. Personne ne nous a expliqué ce que c'était.
Tout ce que ne savions, c'est que ces produits ne devaient pas être mélangés à de l'eau, raison pour laquelle nous avons sécurisé le lieu afin d'empêcher les terroristes de les jeter dans les châteaux d'eau des villages environnants.» Produits entre 1930 et 1980 avant d'être interdits de production et d'utilisation en 1986, les PCB ou l'huile d'Askarel, sont des produits toxiques utilisés dans le refroidissement et l'isolation dans les transformateurs électriques. Peu biodégradables, ces produits risquent de «polluer l'air, le sol, l'eau, les sédiments et de contaminer les plantes, les animaux et même l'homme» s'ils sont jetés dans l'environnement.
Dioxines
C'est le ministère de l'Environnement français qui l'explique sur son site officiel. «Une exposition accidentelle de courte durée aux PCB (Askarel) n'a pas de conséquence grave contrairement aux expositions aiguës à forte dose qui peuvent engendrer des irritations de la peau ou des troubles plus graves. Par contre, les effets chroniques entraînent des dommages du foie, des effets sur la reproduction et la croissance. Les PCB sont classés en tant que substances probablement cancérigènes pour l'homme.
En outre, la combustion des PCB peut se traduire par le dégagement de composés à forte toxicité, les «furannes» (PCDF) et «dioxines» (PCDD), qui sont surtout connus pour leurs effets cancérigènes», lit-on sur le même site. Après avoir ratifié la convention de Bâle (Suisse) en 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et leur élimination, l'Algérie initie la loi sur la gestion, le contrôle et l'élimination des déchets en décembre 2001 après sa participation à la convention de Stockholm, puis engage tout un plan national de gestion des déchets spéciaux en 2003.
Le projet de décontamination et d'élimination de ces déchets dont les PCB a été entamé en 2004. Mais depuis, «seules quelques centaines de tonnes ont été neutralisées», confie Philippe Dubourgnon, président de Newtech International, entreprise chargée de l'opération (voir encadré). Rencontré à Alger, un ingénieur algérien qui a travaillé dans plusieurs wilayas, entre 2010 et 2012, sur la décontamination des huiles PCB témoigne sous couvert d'anonymat : «Les conditions de stockage n'étaient pas conformes aux normes réglementaires.
Ces produits toxiques sont souvent stockés à l'air libre, exposant les humains non protégés au danger. Les surfaces où ils sont entreposés sont parfois non étanches, ce qui augmente le risque de contamination des sols et des eaux souterraines.» «Nous avons pris conscience du danger de ces produits toxiques lorsque nous avons vu faire les agents de Sonelgaz. Ils portaient tous des masques et des tenues spéciales qu'ils brûlaient à la fin de chaque opération d'inspection, se souvient Abdellah. Lorsque certains, dont moi-même, se sont plaints auprès de l'administration, ils ont été directement révoqués.»
Barils
Entouré par des murs en parpaing soutenus par du sable, il ne reste de cet entrepôt que les miradors des grades communaux, le support du drapeau et les centaines de barils où étaient dissimulés les produits toxiques dont les PCB. Plusieurs sont usés, écrasés ou abandonnés par terre. Ici, l'odeur est suffocante, comme nous l'ont décrit nos trois accompagnateurs, Saïfeddine, Abdellah et Mohamed. Les traces des huiles absorbées par le sol sont encore visibles aujourd'hui. Certains barils contiennent encore du liquide.
Les gardes communaux présents ici assurent qu'il s'agit des huiles PCB. Pour ces derniers, seul un baril trouvé parmi les décombres porte encore la marque des PCB, sur lequel est mentionné en langues française et arabe «Danger». «Les autres barils ont été écrasés pour dissimuler les preuves», craint Abdellah. Difficile pour ces anciens gardes communaux de revenir sur ce lieu plein de souvenirs. «Neuf de nos anciens collègues sont morts, dont quatre d'un cancer, s'indigne Saïfeddine. Nous demandons à ce qu'ils soient reconnus comme martyrs du devoir national.
Quant à nous, nous revendiquons des indemnités et une prise en charge totale par l'Etat qui doit aujourd'hui assumer ses responsabilités.» L'un d'entre eux est Amar Laâmri, décédé en décembre 2014 à l'âge de 55 ans, à la suite d'«un cancer hépatique». Le document médical présenté par sa famille confirme «la relation entre le cancer et la carrière professionnelle du défunt». «A l'époque, nous étions menacés par les terroristes, chose qui nous a obligés à changer de domicile à plusieurs reprises. Par mesure de sécurité, mon père ne revenait qu'une fois tous les six mois.
Il passait tout son temps dans cet entrepôt», témoigne Brahim, 27 ans, fils cadet de Amar, en présence de sa grand-mère Messaouda, sa mère, ses 6 frères et ses deux sœurs jumelles, Khadidja et Meroua (6 ans), rencontrés dans leur maison délabrée à Nacer Bendjohra. Maçons de métier, c'est Brahim et son frère aîné Mohamed, 31 ans, qui subviennent aujourd'hui aux besoins de toute la famille. Mais ce n'est pas le cas de Bkhiti Belmokhtar Bouabdellah, une autre «victime» des huiles PCB. A 81 ans, cet ancien garde communal nourrit encore sa famille grâce à la somme de 16 000 DA, comptabilisée par la Casnos sur l'ensemble de ses maladies contractées pendant l'exercice de ses fonctions.
Ancien militant du PPA pendant la guerre de libération, puis garde communal depuis 1995, la carrière de Bkhiti s'achève soudainement quand il perd l'usage de ses yeux dans cet entrepôt en 1997. Titubant le long du couloir menant au salon de sa demeure de fortune, Bkhiti s'arrête entre deux épisodes de la glorieuse histoire de la révolution pour nous montrer la peau, déformée, de ses hanches et de ses deux épaules. Selon son certificat médical, il souffre de «pathologie oculaire, glaucome et de pulmo dyspnéisante», de «problème d'hormones et de prostate».
«Dieu merci, nous vivons encore en Algérie et pas ailleurs, insiste-t-il. Malheureusement, nous constatons aujourd'hui que ceux qui étaient ennemis sont devenus amis, et ceux qui ont défendu la République ont été privés de tous les droits.» Les paroles de Bkhiti chargées de sens n'ont laissé personne indifférent. Dans son salon où ses anciens collègues, moins âgés que lui, sont réunis, personne n'a pu retenir ses larmes devant les chants patriotiques récités à haute voix par le vieux révolutionnaire.
Prise en charge
Aujourd'hui radiés, retraités ou poussés à la retraite anticipée, ces anciens gardes communaux n'attendent qu'une seule chose : «la prise en charge de l'Etat.» Les deux chargés de communication du ministère de la Santé et celui de l'Intérieur (tutelle des grades communaux avant la dissolution de ce corps en 2012) affirment que leurs institutions «ignorent encore s'il a ou non réellement un lien entre les maladies et les PCB ou l'Askarel». Selon ces derniers, «les conclusions du rapport médical ne sont pas encore connues».
«Ce que je sais, c'est qu'à un moment donné dans l'histoire de notre pays nous avons décidé d'éradiquer les transformateurs à base d'Askarel (PCB), mais nous avons mal décidé en matière de stockage», avoue Selim Belkessam, chargé de communication au ministère de la Santé. 103 agents sont reconnus par le ministère de l'Intérieur, dont «50 sont avérés indemnes de toute affection», selon Salah Hamdane Bellarbi, le chargé du dossier auprès de cette institution. «Sur les 53 ayant contracté des maladies, 37 sont suivis pour des troubles hépatobiliaires et seuls 16 présentent des affections plus ou moins lourdes d'origine dermatologique, endocrinienne, digestive ou urologique», explique-t-il.
Pour le ministère de l'Intérieur, le dossier de ces gardes communaux est pris en charge depuis huit mois. «Les maladies contractées sont considérées, exceptionnellement, comme maladies professionnelles alors qu'elles ne figuraient pas dans les dispositifs réglementaires, affirme Salah Hamdane Bellarbi. S'il s'avère que ces pathologies ont été contractées effectivement à cet endroit, les gardes communaux contaminés auront droit à tout ce que prévoit la loi.» Ce discours ne convainc guère les grades communaux. «Ici, les certificats médicaux délivrés par les médecins du travail ne servent en réalité qu'aux indemnisations de la Casnos.
Dans mon cas, je n'ai eu droit qu'à 2000 DA, s'indigne Saïfeddine. Où est cette prise en charge dont ils parlent ?» Afin de manifester leur solidarité avec leurs anciens collègues victimes des PCB, plus de 1000 gardes communaux ont participé à la marche organisée au centre-ville de Laghouat, le mercredi 4 juin dernier. En présence des deux leaders du mouvement, Lahlou Aliouat et Hakim Chaaïb, une plateforme de revendications a été remise au wali par le porte-parole des victimes. «Le ministère de l'Intérieur n'a géré le dossier que sur le plan administratif.
Ce sont les ministères du Travail et celui de l'Energie qui partagent la responsabilité. Nous allons les poursuivre en justice pour crime contre l'humanité. Comment peut-on employer quelqu'un sans lui donner les consignes de sécurité ?» s'indigne Lahlou Aliouat, président du mouvement des gardes communaux libres, en marge de son intervention. Et d'ajouter : «Nos collègues doivent être dédommagés et reconnus en tant que victimes du devoir national.» Pour rappel, une autre action de solidarité a été organisée, dimanche dernier, par les grades communaux à Tizi Ouzou.


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