Lécole parallèle, avec ses cours de soutien, dispensés parfois dans des locaux insalubres, sans aération, et vers laquelle se ruent les jours de repos des dizaines, voire des centaines, d'élèves, est-elle le remède efficace contre les insuffisances dont souffre le secteur éducatif dans son ensemble ? Depuis quelques années, on incrimine, on condamne, on affuble de tous les maux l'institution scolaire. Les enseignants sont cloués au pilori et considérés comme des incapables. Y-a-t-il un vrai marasme pour que l'on redouble de gesticulations dans tous les sens ? La rue va sans doute nous édifier sur ce qui se passe réellement. C'est vendredi. Bien avant huit heures, des nuées d'enfants se dirigent déjà vers ces lieux censés corriger ou compléter les cours dispensés dans les établissements scolaires. Cela se passe à Aïn Beida, mais cela est aussi valable pour les autres localités de la wilaya, comme Aïn M'lila, Oum El Bouaghi, Meskiana et Aïn Fakroun. Des professeurs et même des maîtres d'école se chargent d'accueillir les élèves — ce sont souvent leurs propres élèves. Des parents, désemparés de constater le retard scolaire de leur progéniture, se hâtent de la confier à ce qui s'apparente à une école privée. Mais ce sont leurs propres enseignants qui les accueillent dans des garages désaffectés pour leur dispenser les mêmes cours que ceux reçus en classe, suivis d'une batterie d'exercices. «Je n'ai pas le choix», nous confie un parent qui a constaté le retard scolaire de son fils collégien. «Presque tous ses camarades se sont inscrits, qui pour compléter des cours de maths, qui pour améliorer les langues étrangères, qui pour apprendre les sciences naturelles. Devant cet état de fait, j'ai dû l'inscrire chez un prof connu pour sa maîtrise en physique», poursuit-il. Mais là où le bât blesse, c'est que des maîtres d'école proposent eux aussi des cours à de jeunes écoliers. D'où vient cet esprit d'émulation qui anime tout le corps enseignant ? Est-ce que les professeurs en font montre pour booster le niveau de leurs apprenants ou au contraire cherchent-ils à arrondir leurs fins de mois ? C'est cette thèse qui semble la plus plausible aux yeux du commun de nos concitoyens. Tous s'accordent à dire que si l'on s'échine à multiplier les séances d'études en dehors de l'emploi du temps de l'institution, c'est expressément pour réaliser un autre traitement. Durant l'exercice précédent, le ministère de l'Education avait interdit cette pratique, mais l'instruction avait eu peu d'effet sur le terrain. Les cours de soutien sont pour beaucoup de parents une panacée, puisqu'ils donnent l'occasion aux enfants souffrant de quelque retard de rejoindre le peloton des bons élèves. Mais si beaucoup de parents consentent le sacrifice de se saigner pour leur progéniture, ce n'est pas le cas pour les ménages pauvres. Ces derniers tirent d'ailleurs le diable par la queue pour subvenir aux besoins élémentaires de la famille. Donc pas question pour eux de consentir un sacrifice supplémentaire pour payer à leurs enfants des cours extrascolaires. «Par le passé, nos enseignants nous dispensaient gracieusement des leçons de rattrapage au sein même de l'école. Et gare à celui qui sèche les cours. Les maîtres d'alors avaient à cœur d'améliorer le niveau de leurs élèves et de leur assurer le succès aux examens de sixième ou du brevet», nous rappelle Rachid, un père de famille Autrestemps, autres mœurs, aujourd'hui, les cours sont dispensés dans des lieux peu sûrs et payés rubis sur l'ongle.