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Etape égyptienne, du côté de Naguib Mahfouz
Le temps d'un parallèle
Publié dans El Watan le 17 - 03 - 2005

c'est charmant de rencontrer quelques Nobel de la planète. De les entendre parler et sentir leurs mots justes et forts.
Une joie de découvrir ces hommes qui sont si différents, mais si importants pour l'équilibre de l'imaginaire universel. Au-delà des jugements qu'on peut avoir sur chacun d'eux, c'est magnifique de se retrouver en face d'un Günter Grass brassant d'une main de maître toutes les difficultés d'un siècle qui a détruit ses propres repères, d'une Nadine Gordimer qui réussit un tour de force en dévoilant les tensions et les injustices d'une société raciste, d'un Wole Soyinka acquis inconditionnel au métissage culturel ou d'un Gao, qui a fait des grands mythes de la Chine antique son terrain d'investigation, et j'en passe... Mais, chaque fois que je rencontre Naguib Mahfouz, c'est quelque chose de bizarre qui s'installe en moi, un mélange de fierté et d'injustice. C'est vrai que l'intelligence ne se calcule pas par rapport à la géographie ou l'étendue d'un tel ou tel pays. Mais j'imagine qu'un espace de trois cents millions d'Arabes et une histoire ancestrale qui a changé le visage du monde et bouleversé l'humanité par un Averroès, un Avicenne ou un Maimonide (penseur andalou de confession juif, écrivant en langue arabe) ne peut pas produire que des abrutis. Même le rêve de voir Assia Djebbar couronnée s'était vite estompé. Un bon finaliste, mais jamais un mauvais premier. C'est la règle. Un ami, écrivain français, me disait en plaisantant, une nuit avant l'annonce du lauréat 2004, qui d'ailleurs n'a pas démérité ce grand prix -Elfriede Jelinek, femme étonnante et ludique par son écriture, qui n'a jamais cessé de dénoncer les mythes de la vie quotidienne et le gigantesque sur-moi qu'est l'univers de la télévision avec tout son lot de mensonges - : « Ne demandez pas trop, le monde arabe a déjà eu son Nobel, reconnaissez que ce n'est pas rien ! D'ailleurs Mahfouz restera l'unique lauréat, et pour longtemps. » Je ne sais pas si mon ami avait raison de dire ça ou non, mais jusqu'à preuve du contraire, rien ne le dément. La dernière rencontre du roman arabe, la troisième du genre, qui s'était déroulée au Caire (du 26 février au 2 mars 2005) a été une grande occasion de sentir les dernières vibrations du roman arabe et les derniers chantiers ouverts par celui-ci. Pour la première fois, le roman ne se voile pas la face et pose ses vrais problèmes et ceux de son époque. Un arrêt radioscopique sur son fonctionnement durant tout un siècle d'histoire. C'est quoi une modernité romanesque ? L'arabité d'une forme à tendance universelle ? S'agit-il de personnages citoyens ou de personnages sujets dans un monde arabe où la citoyenneté fait toujours défaut ?... Comme toujours, le Caire, avec ses merveilles, offre un monde très contradictoire. Une ville pleine à craquer. Des routes labyrinthiques qui ne finissent jamais. Des pyramides et un Nil toujours lumineux, qui défient le temps. Un musée national qui n'arrive plus à contenir les nouvelles découvertes et qui gorgent d'un patrimoine ancestral... Et un Naguib Mahfouz que tous les Egyptiens associent à une nouvelle pyramide. Voir Mahfouz à l'occasion, c'était, pour moi, rendre hommage à une valeur sûre qui a tout simplement fait du roman arabe une réalité culturelle. Seulement pour le voir, c'est le parcours du combattant, d'abord à cause de la fragilité de sa santé, l'âge et les conditions de son rythme de vie. Pourtant, ça n'a pas été aussi difficile que ça. C'était le mardi 1er mars 2005. A 20 h tapantes, Affaf, critique littéraire très dynamique, qui avait organisé cette rencontre avec les deux grands écrivains, El Ghitani et Al Qa'id, vint nous récupérer, moi et ma femme, au Haut-Conseil national de la culture, pour foncer tout droit vers la rive gauche du Nil au Farah Boot (bateau de Farah), un beau yacht d'un des amis du grand écrivain. Youcef Al Qa'id nous reçut à la descente des escaliers. Et puis c'était au tour de Djamel El Ghitani, un ami de longue date, de nous annoncer à Naguib Mahfouz : « C'est Waciny et sa femme, la poétesse, Zineb » avant que Youcef Al Qa'id n'ajouta sur une réplique ironique, typiquement égyptienne : « C'est lui dont les romans coûtent très chers et qui ne daigne pas nous les offrir. » Mahfouz souriait. Une grande convivialité. Je regardais, et pendant longtemps, cette personne qui a traversé le siècle de bout en bout et qui, malgré les trahisons du corps et de l'âge, n'a jamais cessé d'écrire, ni de penser. Toujours dans sa tenue élégante, un costume gris et une belle cravate, comme au bon vieux temps. Tout comme ses personnages que l'administration kafkaïenne n'a pu effacer les bons réflexes. Une personne collée aux vieux quartiers du Caire, qui ne voyageait presque jamais. Même le prix Nobel ne l'a pas secoué de Khane El Khalili, Café Riche ou Fichaoui ; il a été remis à sa fille qui a fait le déplacement. Un monument vivant, même s'il a beaucoup changé et amaigri, avec une barbe grisonnante qui couvre généreusement la partie inférieure de son visage. Toute la soirée, Mahfouz est resté maître de sa parole et de ses gestes. Un petit mot de bienvenue, une cigarette à la main gauche qu'on lui alluma gentiment. Puis une gorgée de café dont l'odeur remplissait l'espace du yacht Farah Boot. Il était un peu triste parce qu'il ne pouvait plus lire comme il le faisait auparavant, on lui lit. Il n'écrivait plus de sa main, ses yeux et ses mains lui font défaut, mais il apprend ses paroles en les répétant avant de les dicter à autrui. Une seule chose est restée intacte, sa lucidité et sa profondeur. Un homme qui ressemble fortement à ses mots et qui fait de l'écriture sa raison de vie. En parlant du troisième congrès du roman arabe, il insista sur deux choses, « de donner le prix du roman à celle ou à celui qui le mérite, venant d'Egypte ou d'ailleurs, sans censure aucune, mais de ne jamais oublier de consacrer une rencontre parallèle à la poésie. Quand l'humanité se détache de la poésie, elle suffoque ». Derrière nous, le Nil offrait un beau décor de silence, d'histoire et de splendeur. Certes, avec ses 95 ans, la force de l'âge s'impose, mais à aucun moment, Nadjib Mahfouz ne s'était senti diminué. Entouré de grands écrivains tels Djamal El Ghitani, Youcef Al Qa'id et d'une dizaine d'autres amis parmi les plus intimes. Une prise en charge totale dans le sens le plus noble du mot. Un Etat qui voit en lui une fierté nationale et une valeur irremplaçable. Un ministère de la Culture, digne de ce nom, qui ne cesse de promouvoir la littérature de Mahfouz en la rendant accessible à un public très large. Sans parler de l'université américaine qui décerne chaque année un grand prix qui porte son nom... Cet intérêt me rappelle une réaction à chaud de mon ami Merrahi du HCA, évoquant la mort de feu Djamel Amrani, il disait cela : « Non, ce n'est pas la maladie qui a eu raison de lui. Djamel est mort d'une overdose de solitude. » Juste un parallèle avec une situation qui ne cesse de dégrader et de mettre nos intellectuels face à un destin douloureux et une reconnaissance qui ne prendra effet que le jour de leur enterrement, suivant la devise « Meurs et tu vivras ». Une vision cynique des choses. Juste le temps d'une rencontre culturo-funéraire où tout brille autour de la dépouille, où tout le monde insiste sur la nécessité de préserver la mémoire et de rééditer l'œuvre complète du défunt écrivain. Mais à la première marche de l'escalier qui donne sur l'extérieur, l'amnésie s'installe avec tout son lot d'hypocrisie. Seuls les plus proches, retranchés dans la pénombre, continuent à se battre contre les moulins à vent et à redécouvrir, sans grand étonnement, que l'oubli chez nous n'est pas juste une pratique individuelle, mais c'est plus : une institution.

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