Témoin, depuis 1956, des grands événements qui ont marqué la glorieuse Révolution de Novembre 1954, témoin et parfois acteur de ceux qui ont influé, après l'indépendance nationale, sur l'édification nationale et sur la vie politique, économique et sociale du peuple, mûri aussi par les drames que le pays et le peuple ont connus depuis son indépendance, par les échecs des différentes formes de luttes engagées contre l'ordre établi après l'indépendance du pays, par les différents courants politiques et idéologiques d'hier, du temps du régime étatique du président Boumediène ou du temps de ceux libéraux prônés par Chadli Bendjedid et Bouteflika, j'ai fini par comprendre, au terme de ma réflexion sur ce passé tumultueux, que le seul moyen dont disposerait le peuple pour sortir de cette ornière, pour se libérer du joug de toutes ces formes de dictature, c'est la récupération, tout d'abord, de sa souveraineté entière, une et indivisible. Pour ce faire, il doit se départir, en premier lieu, du piège de l'antagonisme idéologique d'hier, libéralisme, socialisme, et ceux d'aujourd'hui islamisme, nationalisme etc., toutes ces idéologies secrétées par le capitalisme naissant du XVIIIe siècle, le communisme du XXe siècle, par l'ultra libéralisme de la mondialisation et l'intégrisme religieux de notre temps qui ont participé à la division et l'effritement de la souveraineté du peuple et à l'affaiblissement de son pouvoir de décision, rendant ainsi dérisoire sa participation à la décision politique engageant son devenir. Cet état des lieux de la situation nationale et internationale que j'ai exposé dans mon essai intitulé Une Nouvelle République pour Une Nouvelle Société paru en 2012 aux éditions de la SNED, vient d'être confirmé, en quelque sorte, par ce mouvement révolutionnaire déclenché par notre jeunesse. Le soulèvement historique du peuple, auquel nous assistons, est unique par sa spontanéité et sa généralisation à toutes les couches de la société. Transcendant les clivages idéologiques caractérisant le paysage politique algérien, il revêt tous les traits d'un mouvement souverainiste sociétal dont la finalité sera couronnée, inéluctablement, par un projet de société qui épouse son temps et réponde aux aspirations individuelles et collectives du citoyen et de la société. Si je suis convaincu de la maturité politique et intellectuelle de notre magnifique jeunesse pour éviter tous les pièges que le régime lui tend pour la détourner de ses objectifs majeurs, il est de mon devoir de citoyen et de militant d'attirer, tout de même, son attention sur les objectifs visés par le pouvoir à travers la feuille de route préconisée pour le changement de cap qu'il s'est fixé autant pour répondre positivement, certes, à certaines doléances du peuple que pour sauvegarder, surtout, ses intérêts majeurs. La nouvelle République revendiquée par le peuple ne peut voir le jour, à mon sens, que si les animateurs de ce mouvement d'émancipation refusent l'inclusion des partis politiques dans le dialogue et surtout leur participation à l'Assemblée constituante qui va présider aux destinées du peuple et du pays. Si le peuple tient à l'instauration de la nouvelle République qui réponde le mieux à ses attentes matérielles et immatérielles, il doit bannir de sa Loi fondamentale la référence à toute appartenance idéologique qui nuise à l'unité de sa souveraineté et porte préjudice aux intérêts majeurs de son être collectif. La meilleure manière de consigner dans la nouvelle Constitution les nouveaux principes et idéaux sur lesquels doit être érigée la nouvelle maison républicaine c'est de réinventer l'organisation démocratique de la société, à la base, de manière à promouvoir la véritable démocratie qui permettra au citoyen de participer concrètement à la formulation, à l'application et au contrôle de la décision qui déterminera son devenir. Ces sujets développés dans l'essai sus-mentionné méritent, je le pense humblement, votre attention car ils constituent le cadre de réflexion et de décision sur un sujet qui, au vu de ce qui se passe dans le monde occidental que nous avons tendance à imiter, préoccupent tous les mouvements souverainistes qui militent, eux aussi, pour l'instauration de la nouvelle République à laquelle aspire le citoyen du monde qui circule sur les autoroutes du savoir de l'information A toute cette avant-garde révolutionnaire de la jeunesse qui vient de reprendre le flambeau de son aînée de 1954, je dois tout d'abord la féliciter pour ce moment de bonheur que vous me permettez de vivre. Je dois féliciter tous ces millions de jeunes qui ont réanimé la flamme de Novembre. Il faut cependant garder la tête froide dans ces cruciaux moments pour le devenir de notre Nation, car pour mener à bien une telle Révolution, il vous faut nécessairement réinventer Novembre en méditant ses leçons. Vous devez, donc, prendre l'exemple sur vos aînés qui ont déclenché la grande Révolution de Novembre 1954, celle qui a libéré non seulement le peuple algérien du joug colonial, mais aussi tous les peuples colonisés d'Afrique et d'ailleurs, une Révolution qui a influé sur les changements survenus dans l'ordre mondial, dominé jusqu'alors par les puissances coloniales, impérialistes. Vous venez, vous aussi, il est vrai, de déclencher une autre grande Révolution qui va libérer le peuple algérien du régime dictatorial actuel et qui, elle aussi, si elle est menée à bon port, marquera, encore une fois, de son empreinte, l'histoire de la lutte des peuples pour la liberté, le progrès, la justice, la fraternité et la paix, et donnera un nouvel élan et une force à la lutte de tous les mouvements contestataires et revendicatifs des sociétés visant l'instauration d'un nouvel ordre national et mondial souhaité par les citoyens du monde de ce XXIe siècle qui transcendent les frontières et circulent librement sur les autoroutes du savoir, de l'information et de la communication. Aussi, pour être à la hauteur de ces nobles idéaux de la Révolution que vous venez de valoriser, il faut vous prémunir des dangers qui menacent l'unité de votre mouvement, ceux découlant des pesanteurs idéologiques et politiques qui peuvent détourner le cours de votre Révolution de la voie qu'elle s'est tracée et des objectifs qu'elle s'est fixés. Il faut, donc, prendre pleinement conscience que votre mouvement est un mouvement représentatif de toutes les couches de la population. A ce titre, il est l'expression de la souveraineté une et indivisible de tout le peuple. C'est donc un mouvement souverainiste qui transcende les partis politiques et les idéologies qu'ils véhiculent. Et la meilleure manière de sauvegarder cette l'unité de cette souveraineté, c'est de vous référer à la décision salutaire prise par les promoteurs de la glorieuse Révolution de Novembre 54, celle de passer outre les divisions des partis de l'époque et les nocivités de l'antagonisme idéologique dominant qui a retardé le déclenchement de la lutte armée pour libérer le pays et le peuple de joug colonial. Aujourd'hui, il s'agit aussi de protéger la Révolution du peuple des antagonismes idéologiques qui, par leurs entrismes dans ce mouvement révolutionnaire de révolte, ne pourront que fragmenter de nouveau cette souveraineté et porteront un coup fatal au projet de société porté par cette Révolution de dimension planétaire. S'agissant de la feuille de route à suivre pour entamer le processus de transition de l'ancien au nouveau régime politique qui doit caractériser la nouvelle République souhaitée par le peuple, il faut savoir que dès lors que ce mouvement de contestation incarne la souveraineté du peuple, cela lui donne toute la légitimité et le droit d'user de cette souveraineté pour établir la feuille de route qui lui permettra d'entamer, librement et souverainement, le processus de cette transition Cette feuille de route implique l'émergence d'une représentation nationale du mouvement. Cette représentation peut être dégagée rapidement par l'élection au niveau de toutes les associations, les syndicats et les organisations professionnelles à caractère économique, scientifique, éducatif, culturel, informatif, etc. existants à l'échelle nationale. Les élus mandatés après cette consultation formeront le Conseil national qui mènera, dans cette période transitoire, les différentes opérations inscrites dans la feuille de route qu'il aura retenues. Les plus importantes et les plus urgentes concernent la nomination d'un gouvernement de gestion des affaires courantes du pays, l'élection d'un président de transition et celle d'une Assemblée constituante. Pour garantir le bon fonctionnement de ce Conseil et le respect de la souveraineté une et indivisible du peuple, il faut que ses membres rejettent toutes les tentatives d'intrusion ou d'influence des représentants des courants politiques et idéologiques existants dont l'activisme cherchera de détourner, par tous les moyens, cette Révolution du peuple du cours qu'il veut lui imposer. D'autant que celui-ci s'est fixé comme objectif le changement radical de l'architecture institutionnelle de la nouvelle maison républicaine qu'il veut construire. Cette architecture institutionnelle ne peut être que le couronnement de la nouvelle organisation démocratique de la société. Organisation dont les modalités doivent être édictées dans la nouvelle Constitution qui sera adoptée par le peuple avant d'être concrétisée sur le terrain. En tous les cas, cette organisation démocratique de la société doit éviter la représentativité partisane, idéologique et politique de la population, et le mode électoral qui s'y rapporte, que le citoyen rejette aujourd'hui, et promouvoir la libre participation du citoyen dans la ou les associations à même de prendre en charge ses préoccupations et défendre ses intérêts dans les instances, de la base au sommet, des institutions de l'Etat. Cette organisation de la société selon le modèle associatif, politiquement et idéologiquement non partisan, constitue le moyen le plus judicieux qui donnera le droit au citoyen de participer librement et effectivement à l'élaboration de la décision qui doit déterminer son devenir matériel et immatériel, au suivi et au contrôle de sa réalisation. Ceci ne peut que conforter la place et le rôle de sa représentation dans les différentes instances de la gouvernance de l'Etat. Ce sont là, brièvement, les points sur lesquels j'ai voulu attirer votre attention pour que le mouvement révolutionnaire que vous avez engagé soit non seulement à la hauteur du projet de société initié hier par les héros et martyres de la grande Révolution de Novembre 54, mais aussi et surtout à la hauteur et à la dimension des attentes d'un peuple dont les soulèvements historiques ont toujours influé sur le développement politique, économique et sociétal de biens de pays, ont marqué de leurs empreintes le devenir de bien de nations et de peuples du pourtour méditerranéen, du monde arabe, de l'Afrique et pesé de leur poids sur les relations internationales et la gouvernance du monde. Je reste à votre disposition pour apporter tous les éclaircissements et précisions dont vous aurez besoin pour répondre à vos interrogations sur le comment faire pour instaurer la nouvelle République qui réponde le mieux aux attentes matérielles et immatérielles du citoyen algérien.
