Pari gagné ! Ceux qui tablaient sur un essoufflement du mouvement citoyen sous le coup de la fatigue, des désillusions et surtout du Ramadhan, ont dû revoir leurs calculs : les citoyens sont sortis en nombre toujours aussi impressionnant. La grande foule a donc été, encore une fois, au rendez-vous dans la capitale bougiote en ce 12e vendredi de protesta carrément caniculaire. Partie de l'esplanade de la maison de la culture aux alentours de 13h30, juste après la fin de la grande prière du vendredi, la joyeuse procession a mis près de deux heures pour parcourir l'artère principale de la ville, malgré une chaleur aussi inhabituelle que précoce pour cette époque de l'année. D'ailleurs, les camions avec des bâches à eau qui servent habituellement à ravitailler les marcheurs en eau potable ont beaucoup plus servi à les rafraîchir en les aspergeant de temps à autre pour faire baisser la température. Certains, d'ailleurs, ont eu la présence d'esprit de se munir de parasols, alors que d'autres n'ont rien trouvé de que de s'abriter sous l'ombre protectrice des drapeaux. Comme de coutume, les revendications mises en avant par les marcheurs ont porté essentiellement sur le départ du «système» et l'instauration d'une véritable démocratie tout en rejetant fermement la feuille de route proposée par le pouvoir à travers l'organisation de l'élection présidentielle le 4 juillet prochain. Pour les groupes les plus politisés, comme celui du PST, le Parti socialiste des travailleurs, la revendication essentielle porte sur une nouvelle Assemblée constituante. A noter que les femmes, habituellement présentes massivement à toutes les précédentes marches, ont été cette fois-ci moins nombreuses, mais la même détermination se lisait sur le visage de celles qui ont tenu à marquer de leur présence ce douzième round qui oppose le peuple à son régime politique oppresseur. Outre ce fait somme toute logique, étant donné que c'est en général à la femme qu'échoit la tâche de confectionner le très attendu repas du ftour en période de Ramadhan, l'autre fait qui a attiré l'attention ce vendredi est que le chef d'état-major, le général Gaid Salah, a décroché haut la main la première place au hit-parade des personnalités du régime les plus décriées, vilipendées et moquées. Soupçonné de vouloir instaurer une dictature militaire, le vieux général a largement détrôné les frères Bouteflika qui ont quitté ce classement des cibles à abattre en même temps que le pouvoir. L'homme fort de l'armée en a largement pris pour son grade au travers des slogans moqueurs ou rageurs, les pancartes dénonciatrices ainsi que les caricatures au trait acerbe. Même si les langues ont été quelque peu pâteuses et les gosiers trop secs pour résonner aussi fort que d'habitude, cela n'a empêché nullement les marcheurs de scander : «Djoumhouria matchi caserna», « Gaid Salah ya baba, houa zaim el 3issaba», «Doula madania matchi aaskaria». Ce sont là quelques-uns des leitmotivs qui revenaient le plus. Les marcheurs se sont dispersés en fin de journée dans le calme en se promettant d'être au rendez-vous le vendredi prochain.
