Etudiants et enseignants des quatre universités de Constantine ont répondu présents hier au rendez-vous du mardi de la contestation. Ils étaient environ un millier à manifester en plein centre-ville pour exprimer leur détermination à «chasser ce pouvoir». Cette fois, les marcheurs ont tiré la sonnette d'alarme et averti les Algériens sur la présence en force de «résidus du système au sein des mouvements», ce qu'ils considèrent de danger périlleux. D'où leur appel adressé au peuple pour préserver son union et à être plus vigilant. «Nous avons constaté dernièrement la présence en force et flagrante de certaines personnes, qui prennent les marches en photo et interrogent les protestataires. Ce ne sont pas des éléments de sécurité, ils essaient d'analyser les marches en cherchant les lacunes pour casser le mouvement. Nous avons fait des investigations et nous avons compris qu'il s'agit de gens placés par le pouvoir pour créer la division dans le mouvement», a déclaré Djamel Betchime, étudiant en troisième année électrotechnique à l'université des Frères Mentouri de Constantine. En plus des slogans habituels, les universitaires, rassemblés au début de la marche devant le palais de la culture Mohamed Laïd Al Khalifa, ont scandé : «L'union ! L'union ! Le parcours est encore long», et «Tas'id Tas'id, houma wella hna», qui signifie : «Nous irons à l'escalade, c'est eux ou nous». Certains enseignants brandissaient également des pancartes sur lesquelles il est souligné : «La contre-révolution tente de phagocyter le mouvement universitaire, unissez-vous et serrez les rangs. Notre militantisme est ininterrompu». D'autres universitaires, et même s'ils considèrent qu'il ne s'agit pas de contre-révolution, reconnaissent l'infiltration du mouvement. Selon leurs dires, des infiltrés sont présents depuis le début du hirak populaire, mais leur visibilité et leur action nocive sont tributaires de la force ou la faiblesse du mouvement. Cependant, avec les récentes arrestations et ce qui se passe sur la scène politique, ajoutent-ils, ces gens commencent à s'afficher, en exprimant leurs positions et leur mission. Lors de la marche qui a bloqué la circulation automobile, les étudiants ont aussi distribué aux citoyens de petites cartes, sur lesquelles il est rappelé les objectifs initiaux du mouvement. Nous pouvons lire sur ces bouts de papier : «Les revendications du hirak : le départ des ‘‘3B'' sans exception ; la désignation d'une personnalité qui fera l'objet d'un consensus populaire pour mener la période de transition ; l'amendement de la loi qui régit les élections et l'installation d'une commission indépendante pour les organiser et le report de l'élection présidentielle jusqu'à ce qu'il y ait une réponse favorable aux revendications du hirak.» Notons qu'au début de la marche et devant le palais de la culture Mohamed Laïd Al Khalifa, les étudiants ont observé une minute de silence à la mémoire de leur camarade décédé avant-hier, Aymen Laghoua. Cet étudiant en 6e année de pharmacie, qui souffrait d'une tumeur, n'a jamais raté les marches. Selon ses camarades, il était toujours aux premiers rangs et avait répondu présent à toutes les marches sans exception. Ce jeune militant a succombé à sa maladie dimanche dernier. Après une minute de silence, les étudiants ont scandé en chœur : «Aymen Laghoua est mort, il est parti, mais nous continuerons le combat.»