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Abderahim Moussaouer. Doctorant en sciences du langage à l'université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité : «Les étudiants sont directement impliqués dans la révolution du sourire»
Publié dans El Watan le 29 - 05 - 2019

-L'implication des étudiants dans le mouvement populaire enclenché depuis le 22 février 2019 pour réclamer le départ du système est plus que remarquable. Comment voyez-vous justement le rôle joué par la communauté estudiantine dans cette dynamique citoyenne ?
Je rends un hommage sincère et mérité à cette catégorie sociale que l'on peut qualifier de «crème de la société». Elle a toujours été au-devant de la scène et aux premiers rangs dans les revendications pédagogiques, culturelles, sociales et politiques.
A l'image des autres pays, l'Algérie a toujours enfanté des universitaires et des étudiants dignes de leur statut, mais aussi d'un engagement sans faille en faveur de la société et pour son épanouissement. De Abane Ramdane aux centaines de milliers d'étudiants qui, aujourd'hui, battent le pavé, en Algérie comme à l'étranger, pour un pays libre et pour une République démocratique, les luttes estudiantines se distinguent par leur organisation et surtout par leur capacité à influencer et à changer le cours de l'histoire.
Ce n'est pas une exagération si on les considère comme la seule, ou presque, catégorie sociale, dont l'éveil et la conscience sont toujours permanents.
On devrait même croire qu'à chaque fois que les mouvements sociaux s'essoufflent ou entrent dans la routine, les étudiants s'engagent, se mobilisent, marchent et apportent remarquablement un nouveau souffle aux luttes. Leur détermination nous met du baume au cœur. Si l'on se focalise sur les mouvements estudiantins, qui se traduisent par des marches, des sit-in et des grèves des cours, on constate que les étudiants sont en révolution permanente.
On pourrait citer, par exemple, les actions menées en 2011 dans le cadre de la Coordination nationale autonome des étudiants (CNAE), qui chapeautait une multitude d'organisations estudiantines, contestataires de la politique universitaire et du système imposé à l'enseignement supérieur, qui ont réussi à s'unir. Venant d'Alger, de Béjaïa, de Chlef, de Tizi-Ouzou, d'Oran, de Sétif, d'Annaba, de Bordj, de Bouira, de Boumerdès et d'autres universités, ils étaient environ cent mille étudiants à marcher un certain 12 avril 2011 à Alger. C'était la première fois, après dix années d'interdiction des marches dans la capitale, que des Algériens ont défié les forces de l'ordre et marché de la Grande-Poste jusqu'au Palais d'El-Mouradia.
Leurs revendications s'inscrivaient au-delà des questions pédagogiques et sociales au sein des universités et des résidences universitaires, elles touchaient également à la vie quotidienne de leurs concitoyens, au service public et son amélioration, aux droits des chômeurs, etc.
A côté de cela, il faut souligner que le pouvoir en place ne reste pas de marbre. Il a, en effet, ses relais dans les universités à travers des organisations estudiantines qui prétendent défendre les droits des étudiants, mais qui ne sont en réalité que des satellites de ses partis politiques, dont il se sert en fonction de ses objectifs stratégiques. Depuis que les étudiants ont décidé de réinvestir la capitale, des mouvements sociaux de différentes corporations leur emboîtent le pas et manifestent à Alger…
Jusqu'en 2019, où le pouvoir algérien n'a plus affaire seulement à quelques corporations ou seulement à quelques régions. Des Algériens : hommes et femmes, jeunes et vieux, travailleurs et chômeurs sortent dans les rues par millions et apportent leur touche à un magnifique tableau fait de revendications légitimes, d'appels à la mobilisation et dans une admirable organisation.
-Les Algériens établis à l'étranger ont également manifesté un véritable soutien au mouvement populaire, et ce, à travers des actions dans plusieurs capitales de la planète. Pouvez-vous nous parler aussi de l'apport de la diaspora au mouvement ?
Effectivement, la diaspora algérienne est directement impliquée dans ce qu'il se passe dans son pays. Elle accompagne le soulèvement populaire à travers des manifestations, des rassemblements et des conférences débats, comme c'est le cas en France.
Les milliers d'étudiants algériens établis dans ce pays d'accueil ne manquent pas à l'appel et l'organisation estudiantine Union des étudiants algériens de France (UEAF) est toujours présente dans les manifestations politiques et dans les mouvements de soutien au peuple algérien. Hormis son rôle principal, qui consiste à accompagner les étudiants et à défendre leurs droits sociaux, administratifs et pédagogiques, cette organisation, constituée d'étudiants engagés et bénévoles, a aussi pour vocation de prendre des positions politiques et aspire à un changement démocratique du régime en Algérie.
Elle est tellement dans l'opposition au pouvoir algérien qu'elle a toujours décliné toute invitation à des activités, souvent folkloriques, organisées par les instances diplomatiques.
Ces dernières s'inscrivent souvent dans la promotion d'un système politique qui représente la principale cause de la fuite des cerveaux pour s'installer à l'étranger. Notons également que la section UEAF de Paris 13 a accompagné le mouvement durant ses premières semaines, avec des assemblées générales tous les mercredis au forum de ladite université.
-Comment voyez-vous la mobilisation estudiantine durant le Ramadhan ?
Quelques jours avant le Ramadhan, on se demandait quel serait le devenir de la Révolution durant ce mois de jeûne, mais au moment où les citoyens débattaient et réfléchissaient à des stratégies, les étudiants sortaient par dizaines de milliers le premier mardi du Ramadhan et brisaient toutes les incertitudes liées à la consistance du mouvement.
Cette détermination n'est pas le fruit du hasard, elle est tout simplement liée à une prise de conscience de cette crème de la société, qui est plus que jamais éveillée et consciente du rôle qu'elle peut jouer dans l'épanouissement et le développement de son pays. La société algérienne ne peut qu'être fière de ses étudiant(e)s qui sont les architectes de la Révolution du sourire aujourd'hui et la lumière de l'Algérie de demain.
Le combat des étudiants algériens ne date pas d'aujourd'hui. Il remonte même jusqu'à la guerre de Libération nationale, notamment avec la grève des étudiants du 19 mai 1956, pouvez-vous nous parler de la genèse des luttes estudiantines en Algérie ?
A travers l'histoire des luttes du peuple algérien, pour sa dignité et son autodétermination, les étudiants ont toujours été partie prenante. On souligne leur rôle dans la guerre d'indépendance et leur ralliement au mouvement de libération.
La grève de la faim menée en même temps qu'une grève des cours en janvier 1956 a fait savoir au pouvoir colonial que l'Union générale des étudiants musulmans algériens s'était positionnée du côté du FLN. Cette action a eu le soutien de beaucoup d'étudiants européens, comme Pierre Chaulet et Maurice Audin. Au mois de mai de la même année, une assemblée générale de l'UGEMA a été tenue les 17 et 18 mai, en présence de nombreux lycéens.
A l'issue de cette assemblée, un appel à une grève a été diffusé dans plusieurs villes du pays dès le matin du 19 mai 1956. C'était une étape cruciale dans la lutte anti-coloniale et qui souligne l'implication des étudiants dans une démarche indépendantiste de l'Algérie.
Après l'indépendance du pays, cette tranche de la société s'est impliquée naturellement dans les mouvements populaires et dans les partis politiques qui activaient dans la clandestinité à l'époque du parti unique. Ils étaient derrière les événements Printemps berbère 1980, qui a connu le soulèvement des militants pour la langue et l'identité amazighes, en réaction à la politique d'arabisation forcée, menée par le pouvoir en place depuis 1962, au détriment de la culture et des langues berbères.
L'élément déclencheur de ces événements était l'interdiction d'une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie berbère à l'université, qui porte aujourd'hui son nom, de Tizi Ouzou, suite à laquelle une grève a été entamée le 20 avril 1980.
Quelques années plus tard, surviennent les fameux événements du 5 Octobre 1988, qui sont à l'origine d'une nouvelle ère dans l'histoire contemporaine de l'Algérie et qui ont justement provoqué l'effondrement du système du parti unique, de la pensée unique et du Président unique.
Cela a commencé dans la soirée du 4 octobre, quand des manifestants à Bab el Oued, principalement de jeunes lycéens et universitaires, protestent contre la hausse des prix des produits de première nécessité.
Cela a amené le régime algérien à enclencher des réformes et à mettre en place une nouvelle Constitution, qui autorise le multipartisme.
Malheureusement, cette espérance a été aussitôt brisée à causes des politiques économiques libérales non réfléchies, l'islamisation de la société et l'obstination du pouvoir militaire à ne rien céder, notamment avec l'arrêt du processus électoral (1992), qui représente un coup d'Etat contre la démocratie. Cela a plongé le pays dans une guerre civile qui a duré une décennie.
-Quels sont, selon vous, les liens qu'on peut établir entre le Printemps berbère 1980 et les événements du Printemps noir 2001, en Kabylie, avec le mouvement populaire enclenché en 2019 pour exiger le départ du système ?
Oui, on pourrait également faire un parallèle entre le 20 avril 1980 et le Printemps noir de 2001, où il était question de célébrer le Printemps berbère et de rendre hommage aux militants de la cause amazighe.
Avec l'assassinat de Guarmah Massinissa et de plusieurs dizaines de jeunes, ainsi que la répression perpétrée par la police et la gendarmerie, la région de Kabylie a vécu un cauchemar pendant plusieurs mois et les étudiants de cette région ont fait preuve d'une grande mobilisation auprès des citoyens et au sein des villages.
A un moment donné, le peuple, qui vit des injustices et dont les richesses continuent d'être pillées, converge vers une lutte large et organisée. Ce serait une erreur de croire ou de dire que les mouvements de protestation en Algérie connaissent un répit.
Chaque jour, quelque part dans les quatre coins de ce pays, à la taille d'un continent, des manifestations ont lieu, sous plusieurs formes et avec différents mots d'ordre.
Allant des retraités de l'Armée Nationale Populaire jusqu'aux enseignants, en passant par les médecins résidents, les infirmiers, les avocats, les chômeurs, les étudiants qui réclament leurs droits élémentaires, une vie sociale et un encadrement pédagogique de qualité, etc.
Bien que cette tension et ces nombreux mouvements sociaux remontent loin dans l'histoire de l'Algérie indépendante, ils se sont accentués ces vingt dernières années, notamment sous le règne de Bouteflika. La continuité des luttes et leur persistance se constate quelque part à travers l'évolution des slogans mis en avant par les Algériens.
Ces derniers tiennent tête aux décideurs et ne jurent que par un véritable changement du régime et l'avènement d'une République «réellement» démocratique et d'un Etat de droit et social. C'est le fruit d'une longue résistance aux marasmes causés et aux injustices instaurées par le régime et le résultat d'une analyse profonde de la situation qui ne devrait plus jamais basculer vers la violence.


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