Le premier tour de la présidentielle en Mauritanie s'est tenu hier, pays secoué par de nombreux coups d'Etat de 1978 à 2008. Quelque 1,5 million d'inscrits ont ainsi à choisir entre cinq adversaires du candidat désigné par le pouvoir, Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, ex-général, pour succéder au président Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce dernier ne peut pas se représenter après deux mandats. Le candidat qui apparaît comme son rival le plus sérieux est l'ancien chef de gouvernement de transition, Sidi Mohamed Ould Boubacar (2005-2007). Il est soutenu par une large coalition comprenant le parti islamiste Tewassoul, principale formation de l'opposition, ainsi que par l'homme d'affaires Mohamed Ould Bouamatou. L'ensemble des candidats de l'opposition, dont le militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid, se sont engagés à se soutenir en cas de second tour le 6 juillet. Mohamed Ould Abdel Aziz s'est fait élire en 2009, puis réélire en 2014 lors d'un scrutin boycotté par les principaux partis de l'opposition. Il a assuré la stabilité de ce pays frappé dans les années 2000 par des attentats djihadistes et les enlèvements d'étrangers en menant une politique volontariste, caractérisée par la surveillance accrue du territoire et le développement des zones reculées. Le futur Président est appelé à œuvrer pour le respect des droits fondamentaux, dans une société marquée par des inégalités ainsi que des disparités entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d'esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d'ethnies subsahariennes. Sur le plan économique, la croissance, de 3,6% en 2018, bien qu'en amélioration, reste insuffisante par rapport à la démographie, selon un rapport de la Banque mondiale (BM) publié en mai. La BM a relevé le rétablissement de la «stabilité macroéconomique», avec des projections de croissance annuelle de 6,2% en moyenne sur la période 2019-2021. En revanche, elle a appelé Nouakchott à lever les obstacles au secteur privé, citant en premier lieu les difficultés d'«accès au crédit» et «la corruption». Une amère expérience démocratique Pays d'Afrique occidentale, ouvert sur l'océan Atlantique, la Mauritanie est frontalière du Sahara occidental, de l'Algérie, du Mali et du Sénégal. La Mauritanie a proclamé son indépendance en novembre 1960. Le président Moktar Ould Daddah instaure un régime de parti unique. En 1975, le Maroc et la Mauritanie établissent un accord sur le partage du Sahara occidental. Nouakchott y renonce en 1979. En 1978, un coup d'Etat renverse Ould Daddah au profit du lieutenant-colonel Mustapha Ould Salek, remplacé par Mohamed Ould Louly en 1979. En 1991, le pays se dote d'une nouvelle Constitution qui prévoit le multipartisme. En 1992, le colonel Ould Taya remporte la première élection démocratique, contestée par l'opposition. Il est réélu en 1997. En 2001, l'opposition fait son entrée au Parlement. En 2005, un coup d'Etat porte au pouvoir le colonel Ely Ould Mohamed Vall, qui annonce sa volonté de favoriser le retour à un régime civil après une période transitoire. En 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi remporte la présidentielle, mais est renversé une année après par son chef d'état-major, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, qui remporte en 2009 l'élection présidentielle dès le premier tour avec 52,58% des voix. Il remporte aussi celle de juin 2014 avec une victoire écrasante de 81,94% des voix. En mars dernier, le gouvernement mauritanien a annoncé la dissolution de 76 partis, soit trois quarts des formations politiques. Elles sont jugées insuffisamment représentatives sur la scène politique. «Sont dissous de plein droit les partis politiques ayant présenté des candidats aux élections municipales de 2013 et 2018 et qui ont obtenu moins de 1% des suffrages exprimés au premier tour de ces élections, ou qui se sont abstenus de participer à ces deux consultations», a indiqué un arrêté du ministère de l'Intérieur publié en la circonstance. Fondée sur une loi de 2012, complétée en 2018, conçue pour limiter le nombre de partis politiques et permettre le financement de leurs activités électorales suivant leur poids politique, cette mesure ne concerne pas les principaux acteurs de la vie politique.