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Béjaïa : Akbou, le combat continue
Reportage
Publié dans El Watan le 02 - 07 - 2019

Chaque vendredi, l'ampleur du mouvement populaire national suffit à se mesurer à la puissance des images et des échos de la mobilisation qui parviennent des seuls chefs-lieux des wilayas du pays.
A la périphérie de ces «épicentres», il y a pourtant des villes qui bougent, se soulèvent et ne s'essoufflent pas. Akbou, 80 000 âmes, deuxième plus important centre urbain et économique de la wilaya de Béjaïa, en est un exemple. Chaque vendredi, la rue vibre aux pas et aux voix de milliers d'Akbouciens et Akbouciennes.
Elle s'impose comme la seule ville chef-lieu de daïra où l'on manifeste encore, sans répit, depuis le tout début du mouvement. Ville martyre de 2001, au passif militant, foyer des combats démocratique et identitaire, Akbou capitalise ses douloureuses expériences qui servent incontestablement le mouvement actuel.
Vendredi 21 juin, 13h30, Guendouza, au sud de la ville, par une chaleur impitoyable, les premiers frissonnements militants sont encore une fois au rendez-vous. Des grappes de jeunes hommes et quelques femmes se rassemblent, drapeaux flottant le long des hampes, et palabrent.
Les plus chanceux s'abritent dans les dernières ombres. Une nuée de jeunes sautillant aiguisent leurs voix chaudes au chant engagé des Crabes, les supporters-militants du MOB. Le rituel est inusable, c'est comme ça depuis seize vendredis.
Les préliminaires de la marche annoncent un impossible renoncement et la continuité d'un combat qui fait la jonction parfaite avec 2001. Les marches pacifiques du vendredi partent de cet endroit près de la trémie de Guendouza, seul «investissement» étatique visible dans le décor citadin de la ville. C'est ici, sur cette place, que sont tombés en été 2001 Sidhoum Karim, Rezzoug Slimane et Noukali Abdenour.
La mémoire des Akbouciens n'a rien perdu de ces tragiques événements. Il ne se passe pas un anniversaire où l'on n'honore pas, chaque année, le devoir de mémoire envers ces victimes que la population élève au rang de martyrs.
C'était le 18 juin, un lundi chaud, sombre et rouge à la fois, il y a 18 ans, presque jour pour jour. Zahir Benkhellat, ex-animateur du mouvement des archs, s'en souvient parfaitement: «Un convoi de CRS est passé sur la RN26 et a trouvé sur son chemin des jeunes attroupés, encore sous l'effet de ce qui s'est passé lors de la marche réprimée du 14 juin à Alger.
Ils ont tiré sur eux, il y avait aussi beaucoup de blessés. Une journée atroce, une journée noire. Ils voulaient faire passer leurs blessés en priorité à l'hôpital et ont menacé avec leurs armes des médecins qui ont refusé de céder sous la menace. Le lendemain, les habitants de la Soummam sont venus en force.
Un journal avait titré ‘‘Akbou crie au secours''». Deux autres jeunes sont tombés le lendemain sous les balles des forces de sécurité à Akbou : Chekkal Rachid, originaire du village de Tigrine, à Ighil Ali, et Karim Mesbah, d'Aït Rzine. Avant eux, le 6 juin, est tué Ifis Ramdane, habitant d'Ighram. La liste des victimes s'allongeait lourdement avec les noms d'autres jeunes innocents tombés dans d'autres localités de Kabylie, dont les villes voisines de Tazmalt et d'Ighzer Amokrane.
Justice et réparation
Ce vendredi 21 juin, à Guendouza, les pas fermes des marcheurs sont comme un engrenage qui fait remonter tristement le souvenir de l'été noir de 2001. Les portraits des martyrs du Printemps noir sont dignement portés par les manifestants comme le point de jonction de deux mouvements qui partagent la même quête de liberté et le même sentiment d'injustice. La revendication de la rupture avec le système politique du pays et le clan bouteflikien inclut inévitablement l'exigence de justice et de réparation.
Réparation surtout des profondes blessures du Printemps noir et des séquelles qui perpétuent le mal. Arezki Akkouche en sait quelque chose. Gérant d'une pharmacie étatique en 2001, il a été forcé à livrer des médicaments à l'hôpital, de la ville sous la pression des manifestants. C'était lors de la sanglante journée du 18 avril, où des blessés graves étaient en danger de mort en raison de la pénurie de médicaments. Bien que sous la contrainte, Arezki Akkouche a fait preuve d'une action humanitaire.
Paradoxalement, il s'en est sorti avec une condamnation de six mois de prison ferme sur plainte de son propre employeur, l'ENDMED. 18 ans plus tard, après une longue bataille judiciaire, il risque de se retrouver en prison en exécution d'un mandat d'amener. Il est la victime d'une double trahison : celle du mouvement des archs et celle du pouvoir, incarné alors par Ahmed Ouyahia, qui n'a pas tenu ses engagements d'annuler toutes les poursuites judiciaires comme l'un des préalables au dialogue. «En 2003, le dossier a été classé, mais en 2005, lorsqu'ils ont vu que les négociations ont été rompues avec le pouvoir, ils l'ont jugé et condamné.
Même après la cassation, la justice n'a pas pris en considération les documents qui attestent de son innocence. En 2016, la Cour suprême a expédié le dossier et a confirmé le verdict. A l'époque, il avait 25 ans, aujourd'hui il est père de famille. Il a perdu ses rêves et ses espoirs» se désole, impuissant, Zahir Benkhellat. La mésaventure d'Arezki Akkouche est à multiplier aisément, y compris par le nombre de blessés, dont certains à vie, livrés à ce jour à eux-mêmes et dont Akbou ne manque pas.
«Jugez les assassins !» ont crié des manifestants comme préalable pour toute éventuelle réconciliation avec les Akbouciens. «Ceux qui ont tué nos jeunes jouissent à ce jour de l'impunité», déplore Zahir, que nous avons croisé au milieu des manifestants. «Les Ouyahia, Sellal et autres, vous les avez mis en prison, vous vous êtes rendus compte vingt ans après qu'ils sont finalement des voleurs et ceux qui ont tué ainsi que leurs commanditaires ne sont pas inquiétés» ajoute-t-il.
A chaque marche à Akbou, les traumatismes de 2001 remontent à la surface. Ils perpétuent le mouvement populaire de février 2019 et expliquent en partie la mobilisation citoyenne incessante.
L'histoire se répète avec l'épisode du rejet de la présidentielle de 2004 et de l'offre de dialogue mené par le même Ahmed Ouyahia, dont le dévouement au pouvoir a prolongé son maintien dans le sérail vingt ans durant. Aujourd'hui aussi, les Akbouciens rejettent les élections du régime, ainsi que l'offre de dialogue du chef d'état-major de l'ANP.
Chaque vendredi, ils le signifie en marchant sur un itinéraire de trois kilomètres qui aboutit à la place principale colonel Amirouche, en passant par le rond-point Mohamed Harun, devant le lycée qui porte aussi le nom du défunt militant de la cause berbère, et la stèle des martyrs de 2001. «C'est la symbolique de la révolution de novembre 1954, de la révolte de 2001 et de celle de 1980» fait observer Zahir.
Cette symbolique, qui retrace des traditions de combat continu, qui unit trois générations et qui impose les mêmes sacrifices, prend toute sa signification avec l'enterrement des trois premiers martyrs de 2001 au cimetière des chouhada de la guerre 1954-1962. «La stèle des martyrs de 2001 est pour quelque chose dans la mobilisation d'aujourd'hui», estime Sofiane Adjlane, ex-délégué du mouvement citoyen. «La stèle de Mohamed Uharun est réalisée sur initiative du mouvement associatif, aussi», ajoute Salhi Mokhtar, également ex-délégué des archs. La stèle des martyrs de 2001, érigée au centre-ville, est un témoin qui maintient vivace le souvenir de la répression sanglante du Printemps noir.
CCS, un cadre pour le pacifisme
Le tribut payé en 2001 aurait pu être plus lourd si le mouvement n'avait pas été structuré. Et cette expérience a servi le mouvement du 16 février avec la mise sur pied du CCS, le comité des citoyens de la Soummam, qui a permis au mouvement de ne pas sombrer dans le dérapage du premier jour du mouvement.
Le 22 février, Akbou a connu des émeutes. Les seules dans la wilaya. Des jeunes ont mis le feu à la recette des impôts et se sont attaqués au commissariat de police. Des militants politiques et associatifs et des anciens du mouvement des archs sont intervenus et appelé à la mise en place d'un cadre organisateur. «Il fallait donner au mouvement un sens dans le pacifisme, nous en avons assez du sang. La violence, ce sont les tenants du système qui en usent et la provoquent», explique Zahir.
Le CCS est né avec l'ambition de fédérer à l'échelle de la vallée de la Soummam. «Après les émeutes, on avait rédigé une déclaration au nom d'un collectif de citoyens, avant de créer le CCS. Au départ, il y avait des représentants de Guindouz, d'Allaghan, de Tazmalt et d'Ighzer Amokrane», nous confie Sofiane, drapé de l'emblème amazigh. «Le comité a joué un rôle dans le cadre du mouvement.
Il est pour quelque chose dans la mobilisation», considère Mokhtar. Le CCS veille à diffuser son appel hebdomadaire pour chaque marche de vendredi et anime le débat sur les questions liées au mouvement. Il en est à sa douzième conférence publique avec les Tabbou, Assoul, Dabouz… «Nous ne prétendons pas représenter le mouvement mais nous l'accompagnons», tient à nous préciser Sofiane. Le CCS active aussi avec l'implication d'une jeune génération de militants qui n'ont pas vécu le Printemps noir. En 2001, Yuva Aguechari avait six ans. Aujourd'hui, jeune étudiant de 24 ans, il active dans le CCS. «J'ai appris sur le Printemps noir de 2001 à travers des témoignages», nous dit-il.
De nombreux étudiants akbouciens sont engagés dans le combat de la communauté estudiantine contre le pouvoir en place. «En 2017, on avait manifesté contre la loi de fiances et nous avons distribué des tracts contre le cinquième mandat avant même le 22 février», affirme Yuva, qui a été arrêté par la police à Alger. Selon lui, «sans le CCS, on ne marcherait pas aussi régulièrement». Comme lui, des jeunes du mouvement associatif de la commune ne se sont pas fait prier pour intégrer le CCS, à l'exemple de la révoltée Lila Akkouche, 25 ans, championne du monde de boxe thaïlandaise.
Akbou a des traditions d'animations associatives. Selon le maire, Mouloud Salhi, sur les quelque 80 associations que compte la commune, une vingtaine sont actives. Lui-même est issu du mouvement associatif, en tant qu'ex-président de la dynamique association Etoile culturelle. «Akbou est l'une des villes qui s'est organisée.
La population est consciente et a une expérience dans la gestion des événements de 2001. On s'est vite approprié le terrain pour faire régner le pacifisme, et c'est ce qui peut porter notre revendication. Personne ne peut nous donner aujourd'hui une leçon de patriotisme ou de nationalisme. Nous sommes profondément algériens et amazighs», nous dit-il, au milieu d'un carré de marcheurs, devançant un autre, où les femmes sont sorties nombreuses.
Mouloud Salhi est président de l'APC d'Akbou depuis le dernier scrutin de novembre 2017. Il hérite d'une situation peu enviable, le développement communal ayant stagné pendant de longues années.
Pourtant, Akbou est la 19e commune la plus riche dans le pays avec 1,22 milliard de dinars de ressources annuelles, plus riche que Aïn Aménas avec ses sites gaziers, dont celui de Tiguentourine et ses 50 000 barils par jour.
Comme leurs concitoyens des autres régions du pays à qui n'ont pas profité les mille milliards de recettes pétrolières sous le règne de Bouteflika, les Akbouciens aussi sont victimes de la gabegie. «Les gens sentent que leur ville est abandonnée malgré qu'elle soit très riche. Le pouvoir ne l'a jamais considérée, il a encouragé la politique du contre-développement, notamment en Kabylie, d'ailleurs le développement s'est fait à travers les privés. On doit régler d'abord les contentieux politiques pour qu'on puisse passer au développement», analyse Zahir.
Ne pas jouir des richesses de leur commune est une frustration de trop pour les Akbouciennes et les Akbouciens. S'ils sont les seuls à continuer à marcher en dehors du chef-lieu de la wilaya, il faudra trouver dans cette profonde frustration un plein de carburant qui fait bruire et perpétuer la révolte.


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