Pour l'Iran, les Européens doivent faire «preuve de leur volonté politique et de leur capacité» pour l'aider à tirer profit du pacte de Vienne. L'Iran pourrait revenir à la situation d'avant la conclusion de l'accord international sur son programme nucléaire, en 2015. C'est ce qu'a déclaré hier le porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA). «Si les Européens et les Américains ne veulent pas agir conformément à leurs engagements, nous aussi, en réduisant nos engagements, nous contrebalancerons cela et reviendrons à la situation d'il y a quatre ans», a indiqué Behrouz Kamalvandi, cité par l'agence officielle Irna, relayé par des médias. Et de poursuivre : «Ces mesures ne sont pas prises obstinément. Elles le sont pour donner une occasion à l'autre partie de revenir à la raison et de remplir ses obligations.» Un peu plus tôt dans la journée,Téhéran a appelé les Européens à prendre des mesures «pratiques, efficaces et responsables» pour sauver l'accord. «Nous insistons sur (…) la réciprocité des droits et des devoirs» entre les parties à cet accord nucléaire conclu en 2015, a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères iranien, Abbas Moussavi, dans un communiqué. Il est «irréaliste» d'attendre que l'Iran «revienne aux conditions qui prévalaient avant le 8 mai 2019» sans que les Européens ne fassent «la preuve de leur volonté politique et de leur capacité» à permettre que l'Iran «bénéficie en pratique» de l'accord, a-t-il ajouté. Les déclarations des responsables iraniens interviennent alors qu'un peu plus tôt dans la journée les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) ont entamé à Bruxelles une réunion pour convaincre Téhéran de leur volonté de l'aider avec l'utilisation de l'Instex. Un mécanisme de troc créé par Berlin, Paris et Londres pour contourner les sanctions américaines en évitant d'utiliser le dollar. Dans le cadre de ce dispositif, les achats iraniens en Europe seront compensés par des achats européens pour un montant équivalent en Iran, mais le système n'a permis aucune transaction à ce jour. La situation est complexe vu la dimension extraterritoriale des sanctions américaines. D'où le retrait d'Iran des entreprises européennes bien avant la mise en place de ce dispositif compensatoire. Lézardes En effet, l'Instex a été mis sur pied le 31 janvier 2019. Alors qu'en été 2018, le constructeur allemand Daimler, les français Renault et PSA et le groupe pétrolier Total ont annoncé leur désengagement de la République islamique. D'autres grandes entreprises étrangères ont pris le même chemin. Conclu à Vienne en juillet 2015, entre Téhéran et le Groupe des 5+1 (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France, Chine et Allemagne), l'accord prévoit une limitation du programme nucléaire iranien en échange de la levée des sanctions internationales contre l'Iran. Mais le rétablissement des sanctions extraterritoriales américaines contre Téhéran, après le désengagement de Washington, menace l'accord en privant l'Iran des retombées économiques escomptées. La République islamique a menacé à plusieurs reprises d'abandonner le pacte, si ses «intérêts» ne sont pas garantis. Le 8 mai, juste un an après le retrait américain du traité, l'Iran a annoncé sa décision d'abandonner deux des engagements pris à Vienne : le respect de la limite fixée à ses stocks d'eau lourde (1,3 tonne) et de celle imposée à ses réserves d'uranium faiblement enrichi, soit 300 kilos. L'annonce est assortie d'un ultimatum donnant 60 jours à ses partenaires pour l'aider à contourner le blocus américain, sous peine d'enrichir à plus de 3,67% l'uranium et de reprendre un projet de construction d'un réacteur à eau lourde à Arak au centre. Le 1er juillet, Téhéran a déclaré avoir franchi la limite fixée à ses réserves d'uranium faiblement enrichi par l'accord. Le 7 juillet, la République islamique a indiqué avoir commencé à enrichir ce minerai à un degré supérieur à la limite de 3,67% imposée par le traité.