La villa Abdellatif à Alger accueille, jusqu'au 24 de ce mois, une exposition collective en art visuel intitulée «Rencontre d'ici et d'ailleurs». Ils sont au nombre de six artistes algériens à exposer leurs installations au niveau des ateliers et des voûtes de la villa Abdellatif. Comme le souligne si bien Myriam Aït El Hara, chef de département art visuel et patrimoine au niveau de l'AARC (Agence nationale pour le rayonnement culturel), cet événement «Rencontre d'ici et d'ailleurs» regroupe quelques artistes de la diaspora algérienne à l'étranger et quelques artistes algériens. «Le but de cette exposition collective, dit-elle, c'est de réunir ces artistes pour les confronter, tout en permettant à leurs œuvres de dialoguer entre elles. Et surtout de donner de la visibilité à nos artistes de la diaspora dans leurs pays d'origine. J'espère que ces artistes puisent venir dans leur pays d'origine pour donner des formations pour les étudiants des écoles des Beaux-Arts.» Ainsi, parmi les incontournables artistes exposants figurent Nadia Spahis, Nourreddine Benhamed, Khadidja Seddiki, Liess Vergès, Arezki Lari et Tarik Mesli. Des artistes au talent et à la créativité incontestés. Se définissant comme un artiste contemporain, Tarik Mesli – installé à Berlin, en Allemagne – présente une installation intitulée «Amour général» où l'on aperçoit un jardin de roses rouges, rehaussé d'une aura de lumière. Tout autour de ce jardin enchanteur, au mur sont accrochés des inscriptions et des dessins questionnant l'intérieur/l'extérieur, intime/public, identité/altérité et ce, à travers les massacres du 17 octobre 1961. Dans élément film «On est pas des oiseaux Alger» et élément «On n'est pas des oiseaux, Berlin» – en référence aux manifestants jetés dans les eaux de la Seine à Paris, des silhouettes allongées semblent flotter dans une apesanteur cosmique. Il explique : «L'interrogation de la surface où s'inscrit la peinture, et des matériaux qu'elle met en jeu m'ont conduit à imaginer un agencement spatial et structurel qui permet à la peinture de se défaire de son cadre rigide pour investir d'autres dimensions dans lesquelles peuvent être reconsidérées la nature et la fonction des matériaux qui composent l'objet peinture : la toile devient architecture de l'œuvre, la couleur est pigment, vidéo, ou lumière, les objets du quotidien mêlent leurs formes manufacturées à des surfaces peintes selon les techniques traditionnelles s'inscrivent dans l'œuvre». Dans l'œuvre intitulée «Amour général», Tarik Mesli revient sur le thème de l'amour. A travers sa démarche artistique, il tente d'expliquer comment transmettre l'amour et comment l'amour peut devenir, aussi, violence. Spécialisée dans le tissage contemporain, Kadidja Seddiki aime à répéter que la peinture la passionne, mais que le tissage l'a subjugue. Elle a uni ces deux passions dans une seule œuvre pour engendrer, par la suite, une troisième dimension musicale. Elle travaille sur la verticalité et l'horizontalité, en passant par les trames et les pixels. De son côté, l'installatrice oranaise Nadia Spahis expose onze mises en situation de l'univers. Ses œuvres transmettent des messages universels. Comme l'indique son titre «Poussette char» qui montre une poussette à six places, avec au-dessous un char. Pour l'artiste, il s'agit de la violence que nous vivons à travers notre jeunesse. «Les nages de l'obscure» est une photo de classe de sa sœur. Utilisant le pixel à volonté, elle a voulu mettre en exergue cette génération numérique qui n'a plus de repères. Pour sa part, l'architecte et designer Liess Verges présente une installation dédiée au vieux bâti ancestral, ayant pour titre «Médusa». Alliant avec art et manière, l'art visuel, la peinture et l'architecture, Liess Verges questionnent quelques fragments de notre patrimoine historique. Selon lui, il faut travailler la Casbah d'Alger à l'intérieur avec des micros-programmes. «Un travail, dit-il, minitieux et vernaculaire. Il faut considérer aussi la Casbah dans un monde global, territorial et national. C'est un cri d'alarme que je lance. Pendant 60 ans, on a fait que la détruire et la laisser en ruine. Il n' y a pas de culture de maîtrise d'ouvrage en Algérie». L'artiste et plasticien Arezki Ait Larbi dévoile une série de portraits de personnes qu'il connaît fort bien. Ces petits portraits ne sont que la résultante d'une pensée de son ami peintre, Waheb Mokrani, décédé il y a trois ans. Arezki confie qu'il n'a pas enterré son ami mais qu'il lui a fait une promesse d'avoir une pensée pour lui. Et la meilleure façon de l'avoir, c'est de faire mille dessins. «Je suis arrivé à 600 ou 700 dessins en pensant à lui. Il y a des portraits réalisés au gré de mes balades entre autres à Alger, à Bouira et à Tizi Ouzou.» Etabli en France depuis trois ans, le plasticien tlemcenien Noureddine Benhamed présente onze toiles sans titres. Sa démarche tourne autour de la précarité des situations sociales dans notre pays. «Nul n'est au-dessus du peuple» est un vieux cliché datant des années 1960, montrant une femme en haïk avec deux enfants. «Je me suis dit, explique-t-il, de 1964 à nos jours, il y a eu beaucoup de choses qui ont changé, que c'est une photo très célèbre, et que cela serait bien que je fasse quelques chose en la changeant un peu.» Dans une autre œuvre, on aperçoit un moudjahid qui n'est autre que le personnage de l'ancienne pièce de cinq dinars qui a été réalisée dans le cadre du 20e anniversaire du déclenchement de la révolution algérienne. Le fusil s'est substitué au F de facebook. «Dans 10 ans, on se rendra compte que facebook a fait beaucoup de chose dans le positif et le négatif» lance t-il. Dans un autre dessin, deux personnages se donnent le dos : façon singulière de ne point s'écouter. L'artiste se plait à utiliser des techniques mixtes dont la photo, la peinture ainsi que le numérique.