– Comment analysez-vous le marché de l'emploi, de la formation et des recrutements, surtout dans le contexte actuel ? Les entreprises qui ne s'adaptent pas à leur environnement économique, politique et social sont condamnées à disparaître. Le marché de l'emploi et de la formation continue et professionnelle est sans cesse en mouvement. Le marché du travail algérien peut être considéré comme peu performant. Non seulement il accuse un niveau de chômage élevé qui dépasse actuellement les 11%, mais il se caractérise à la fois par un nombre important d'offres d'emploi non pourvues et par des difficultés de recrutement pour les entreprises de plusieurs secteurs, tels que l'agriculture, le tourisme, l'industrie, les services bancaires. L'une des causes de ce paradoxe réside dans une inadéquation entre les compétences des individus formés par l'université ou les centres de formation professionnelle et les besoins réels des entreprises. Le marché du travail subit aussi d'autres pressions, à l'exemple de la poussée démographique croissante qui met sur le marché du travail et de la formation de plus en plus de candidats. Il existe aussi un marché du travail informel très important. La crise est une occasion pour que l'Algérie revoie en urgence l'organisation de son économie. C'est une opportunité pour trouver un nouveau modèle économique qui s'appuie sur les entreprises locales, et pour relancer l'industrie, les services, le tourisme, l'agriculture… De plus, le gouvernement a maintenu de nombreux grands projets et leur réalisation imposera l'implication des entreprises nationales publiques et privées. Pour la réalisation de tous ces projets, ces entreprises seront obligées de recourir à la formation de leurs ressources humaines pour se substituer à l'importation et aux entreprises étrangères. La crise économique ainsi que les évolutions technologiques et organisationnelles ont fortement modifié le marché de l'emploi. Des secteurs ont périclité, à l'image du BTPH, des grands travaux d'infrastructures publiques (hôpitaux, routes, barrages), de la distribution automobile, l'industrie textile, certains secteurs de l'industrie qui ont atteint la saturation (minoteries). Par contre, d'autres secteurs ont été redynamisés : agriculture, aquaculture, industrie agroalimentaire, assemblage automobile, industries mécanique et électronique (civile et militaire), électroménager, industrie du recyclage, les énergies renouvelables (solaire, éolienne), mais surtout tous les secteurs liés à l'émergence de la nouvelle économie numérique et à la création d'entreprises et start-up locales (informatique, réseaux, internet, téléphonie mobile). L'économie numérique, basée sur les TIC, a transformé de nombreux secteurs (commerce, industrie, banque, santé, logistique, transport, agriculture, etc.), modifiant les modèles économiques et organisationnels. Elle a aussi modifié et amélioré le fonctionnement de l'administration locale, ainsi que les comportements des citoyens et des consommateurs. Le tourisme aussi essaie de se développer, mais éprouve beaucoup de difficultés, causées par l'insuffisance des infrastructures hôtelières, le manque d'aménagement de routes et d'accès vers les plages ou la montagne, mais surtout par une mentalité et une culture rétrograde de certains éléments de la population. – Quels sont les métiers qui percent et ceux qui périclitent ? De nombreux métiers ont disparu ou évolué avec l'informatisation des organisations, des structures de management et l'automatisation de nombreux processus de fabrication dans l'industrie et la motorisation de l'agriculture. De nouveaux métiers apparaissent continuellement. Les innovations technologiques, en particulier numériques, créent de nouveaux métiers et de nombreux emplois dans ces secteurs nouveaux et très prometteurs. Les métiers de demain doivent se préparer aujourd'hui et les universités et écoles doivent déjà proposer des formations pour des métiers qui n'existent pas encore, car technologies et méthodes de travail évoluent très vite. Certains métiers sont inconnus ou leurs appellations sont incompréhensibles. Je citerai, à titre d'exemple, un nouveau métier original le «happiness officer», dont la mission est de faire en sorte que la vie de ses collaborateurs soit de bonne qualité. Il y a aussi le «growth hacker» qui passe son temps sur la Toile pour repérer les informations indispensables. – L'économie digitale a radicalement transformé les métiers. On ne vit pas une simple mutation mais un «tsunami numérique». Partagez-vous cette analyse ? Si l'automatisation des tâches a permis l'exécution des sales besognes par les robots, elle a entraîné la disparition ou la transformation de nombreux métiers : médecins, journalistes, juristes, chauffeurs de taxi, ouvriers, agriculteurs, caissières. Les voitures autonomes éviteront les accidents de la route, les robots de la santé seront plus précis que la main de l'homme et ceux de la presse moins approximatifs dans la reprise d'informations. L'économie numérique est un vecteur de croissance, de productivité et de compétitivité des entreprises et des pays. Son caractère transversal impacte tous les secteurs de l'économie, elle est également à l'origine des nouveaux secteurs innovants et en a rendu d'autres dépendants de celle-ci. Parmi les débouchés et métiers à forte valeur ajoutée, on citera par exemple : web designer, web master, développeur, data analyst, traffic manager, community manager et installateur domotique. De plus en plus d'entreprises et institutions (MDN, DGSN, Protection civile, Douanes, ENNA) sont à la recherche de compétences dans la robotique, les objets connectés (IoT), le Big Data, la cybersécurité, le domaine des drones et le contrôle aérien.