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Casbah d'El Djazaïr : Qui se souvient de H'cicène ?
Publié dans El Watan le 18 - 08 - 2010

Dans cette action salutaire pour la réappropriation de la mémoire collective, cette figure emblématique d'Alger et de Sa Casbah sera revisité cette semaine à l'Institut national supérieur de musique, Espace Fadéla Dziria, le vendredi 20 août à 22h30.
Tel est aujourd'hui le questionnement imposé avec obstination à une halte dans le mouvement inexorable du temps à l'endroit de ceux qui ont inlassablement œuvré pour le rayonnement de la culture algérienne et qui, hélas, ont été ensevelis sous les dalles ténébreuses de l'oubli pervers et hideux. Comme Hadj M'rizek (récemment ressuscité pour être enfin connu de la jeunesse) ce véritable vestige du patrimoine musical algérien qu'est H'cicène, a lui aussi été happé par l'hydre de cette calamité immonde, destructrice et déstructurante des valeurs intrinsèques d'une société. Nous l'avons, hélas, encore une fois de plus constaté lors d'une démarche de sondages, auprès des jeunes de 18 à plus de 40 ans qui, interrogés à l' évocation de ce celui-ci, ont spontanément et tristement révélé une méconnaissance absolue de ce référent culturel et de sa symbolique dans l'univers de la chanson chaâbie.
Il est ainsi et encore démontré par la résultante de l'approche, que cette catégorie, qui, faut-il le rappeler, constitue la majorité de la société algérienne se trouve déplorablement dépourvue de mémoire collective et de repères culturels. Paradoxe et vicissitudes des temps présents, la quasi-totalité de ces jeunes bien que natifs d'Alger et de parents originaires de souche de La Casbah ont unanimement soutenu n'avoir aucune souvenance ni de H'cicène ni de l'histoire de la médina natale des leurs : ancêtres, aïeuls et aînés. Celle-ci, ont-ils affirmé de l'antique Cité, n'est que circonstantiellement et lointainement évoquée par ces derniers, pourtant dépositaires du legs générationnel dont ils attendent vainement une restitution qui ne sera que l'accomplissement légitime d'un acte de devoir et de mémoire envers eux.
Dans la pensée et le souvenir de ce qu'il fût, nous l'évoquerons avec reconnaissance et émotion, pour rappeler que le nom patronymique de H'cicène est Larbi Ahcène, né à la Casbah d'Alger le 8 décembre 1929, marié avec Mme Larbi Ghania, née Hamadi, née le 13/08/1936 elle aussi à la Casbah, sa compagne de vie est une battante courageuse et mère de 3 enfants : Mustapha, Yacine et Fadéla, aujourd'hui hommes et femme respectivement âgés de 56, 54 et 53 ans. Militant actif de la première heure de la cause nationale et ainsi prédestiné à la participation à la guerre de libération, il a été membre de la glorieuse troupe artistique de l'Algérie combattante crée en mars 1958 à Tunis, capitale de la Révolution algérienne à cette époque.
Cette formation de résistance, qui a été aussi la représentante plénipotentiaire du peuple algérien en lutte pour sa souveraineté, a sillonné le monde entier pour transmettre à l'opinion internationale le message de ses aspirations d'indépendance et d'émancipation de son pays, sous le joug d'une colonisation barbare d'un autre âge de près d'un siècle et demi. Terrassé par une terrible et pernicieuse maladie, cheikh H'cicène s'est malheureusement éteint à la fleur de l'âge de ses 29 printemps à Tunis dans sa superbe et son allant de beauté éclatante, reflet du soleil de l'Algérie libre de ses rêves.
Il a ainsi rendu l'âme dans sa seconde patrie le 29 septembre 1958, il repose toujours dans cette ville au cimetière de Djelaz. Pour la génération d'adolescents qui fut la nôtre, à une époque charnière d'une lutte implacable dans un gigantesque incendie de braise et de sang, au sein de l'éternelle résistante Casbah, des années cinquante, H'cicène incarnait une résistance culturelle par la chanson. C'était une voix mélodieuse, exceptionnelle avec une sonorité vocale veloutée et qui incarnait ainsi l'authenticité de l'identité algérienne en réplique à l'éventail psychologique colonial de l'époque. La mission primordiale de ce processus insidieux s'articulait autour de l'éradication de toute substance culturelle au relent nationaliste, en application de l'œuvre séculaire coloniale d'acculturation du peuple algérien et essentiellement de sa jeunesse.
Ainsi, les refrains de H'cicène, massivement fredonnés par la jeunesse, étaient repris et diffusés dans les nombreux cafés populaires de La Casbah, véritables relais de la résistance en signe de soutien révolutionnaire à la troupe artistique de Tunis dont il était une symbolique d'Alger. A ce propos, il est vrai et historiquement démontré que dans cette guerre totale, féroce et sans merci, un combat vital était mené pour reconquérir de nouveau le véritable substrat de sa personnalité authentique à travers sa souveraineté et dont la culture constituait un segment stratégique de résistance. Dans de telles circonstances déterminantes, H'cicène et ses compagnons illustraient le reflet de cette résistance à laquelle nous nous identifions à l'époque dans un soutien de culte résolument affiché et volontairement ostentatoire face à l'adversité d'une étape conjoncturelle très complexe et éprouvante.
L'évocation de cette phase cruciale de la guerre de Libération nationale, nous a incités à nous rapprocher de la famille de l'illustre disparu pour en connaître davantage sur sa vie et son parcours. C'est cette initiative qui nous a permis de rencontrer sa veuve, Madame Larbi Ghania, alerte et majestueusement digne dans ses 75 années d'épreuves, en compagnie de sonfils Yacine, âgé de 54 ans, affable et avenant qui tous deux ont été ravis de nous recevoir pour nous conter H'cicène, la légende que fut leur époux et père, dont la tendresse du souvenir a survécu aux affres d'une terrible séparation, aussi brutale que précoce, endolorie par l'oubli de l'autre pour lequel il a tant donné.
Dans l'émotion qui nous a étreints à l'évocation du défunt par les siens et à la vue de ses photos et objets religieusement conservés, nous n'avions pu nous empêcher d'être contemplatifs devant une grande Dame exceptionnelle par sa simplicité et dans le raffinement civilisationnel de son comportement. D'abord, par le langage typiquement algérois, usité à notre émerveillement, puisque aujourd'hui très rarissimement pratiqué ; ensuite, par la traditionnelle et séculaire hospitalité citadine, empreinte d'humilité par la sincérité du récit de sa vie avec son époux, toujours vénéré et selon son expression « jusqu'à sa nouvelle rencontre avec H'cicène dans l'éternité de l'au- delà ». Elle a tenu aussi à retracer la motivation, la fidélité, dans la solidarité d'un couple très jeune, uni harmonieusement par les épreuves successives de la vie, dans un bonheur inconnu de nos jours : celui d'une féconde vie familiale intergenérationnelle, enrichie par la tendresse et l'affection de ses seconds parents, le père et la mère de H'cicène.
Pour comprendre ce fait sociologique dans son contexte historique et en être imprégné, écoutons-la évoquer cette tranche de vie très douloureuse : « C'est en eux, par eux et seulement avec eux que j'ai retrouvé la force et la raison de survivre à une mutilation affective et irréversible de la moitié de mon être profonde, causée par la cruelle disparition de celui qui était la raison de ma vie, H'cicène Allah irahmou, alors que je n'avais que 22 ans ». Cette intervention dans sa profondeur, sa sincérité et l'intensité de sa dimension humaine inclinent à une réflexion sur les référents réels constitutifs et culturels de notre société. Dans les convulsions d'un monde en pleine effervescence existentielle, elle doit s'affirmer dans l'authenticité de ses valeurs, qui, pérennes dans la pratique sociale, seront perpétuées par les générations montantes de l'Algérie éternelle à travers tous les mouvements de l'histoire et du temps.
A l'issue de cet entretien, avec Mme Vve H'cicène Ghania et de son fils Yacine et au moment de les remercier pour l'accueil mémorablement chaleureux qu'ils nous ont réservé, nous avons pu recueillir leurs sentiments respectifs sur ce premier acte de mémoire qui sera prochainement célébré à l'endroit de leur illustre époux et père. Tous les deux et à l'unisson, nous ont affirmé que cette action est une résurrection de la mémoire et du souvenir de H'cicène qui, extirpés des griffes perverses d'un oubli ravageur de plus d'un demi-siècle, sera enfin connue de la jeunesse de l'Algérie entière qu'il aimait tant et à El'la Ghania la mère d'ajouter : « Cet événement exceptionnellement salutaire, constituera pour mes enfants, petits-enfants et moi-même un repère fondamental des valeurs de la société algérienne dont je n'ai jamais désespéré en dépit de la terrible épreuve vécue par l'ensemble d'une famille éplorée par l'érosion d'un oubli de cinquante-et-une années.
« Et maintenant, El 'la Ghania, et avant de vous quitter, nous aimerions connaître vos souhaits dans cette vie que vous qualifiez de nouvelle... » « Des souhaits, plutôt des vœux ; nous n'en avions qu'un seul et unique, que nous vivons perpétuellement en rêve, mais avant de le formuler, je vous conterai cette anecdote : ‘‘ma pauvre belle-mère, avec laquelle j'ai partagé toute une existence dans l'affection et la tendresse, est une femme d'exception dans l'interminable souffrance qui fut la sienne et qui relève du martyrologue à la mort de son fils unique et adoré. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il est établi une vérité dont je dois témoigner : la mère de H'cicène n'a jamais cessé de pleurer son fils et de l'évoquer quotidiennement, interminablement, sans répit et sans oubli jusqu'à sa mort, le 7 août 1980. L'image de cette mort ancrée à jamais dans notre mémoire a laissé un impact particulier auprès de ceux qui l'ont veillé jusqu'à son dernier souffle.
Ce jour-là, dans une profonde agonie, très calme, entourée de ses plus intimes, la grande Dame que fut El'la Tassadit rendait paisiblement l'âme dans un état d'inconscience totale. Soudainement, dans un monologue d'une voix audible, tranquille et sereine, elle s'est exclamée devant une assistance émue et décontenancée par ses paroles en rimes en kabyle et en arabe - Ayouchvih-iw, Ya ch 'bab diali, (mon beau adoré) tu es là devant moi ; maintenant, je suis heureuse de te rejoindre dans l'au-delà, car dans la vie d'ici-bas, j'étais consumée par ta terrible disparition et le pire, sans une tombe pour m' y recueillir dans la paix céleste, pour m'en remettre inconsolable dans mon chagrin à Dieu le Tout Puissant. - Aussi et pour nous soulager, on t'appelait, ton père et moi, dans une pieuse affection — Laghrib laâziz — l'exilé adoré.
C'est par cette réminiscence d'adieu que la mère de H'cicène, apaisée, rendit l'âme une quinzaine de minutes après la dernière syllabe prononcée : S) ». Voilà enfin le seul et unique vœu de l'ensemble de la famille de H'cicène, mère, fils et petits-enfants, fidèles dans l'affection de leurs grands-parents. Vivre le jour le plus heureux de leur existence dans le recueillement du retour à Alger de la sépulture de celui qui leur est le plus cher et qui a tant aimé l'Algérie pour s'y reposer dans la douceur de sa terre à l'éternité, être rejoindre ainsi et pour toujours El'la Tassadit, sa mère adulée au cimetière Ouchefoun Hacène (ex-El Kettar) qui surplombe sa Casbah natale, la passion de sa vie. Dans cette action salutaire pour la réappropriation de la mémoire collective, cette figure emblématique d'Alger et de Sa Casbah sera revisité cette semaine à l'Institut national supérieur de musique, Espace Fadéla Dziria, le vendredi 20 août à 22h30.
Avec la contribution du commissariat du 5e Festival de la chanson chaâbie, l'Association des amis de la Rampe Louni Arezki organisera en la circonstance, en prélude à cette importante manifestation culturelle à travers une soirée thématique sur la vie et l'œuvre hélas inachevée du regretté cheikh H'cinène. Ainsi, une communication et témoignages sera soutenue par Abdelkader Ben Damèche, auteur de l'ouvrage consacré à la troupe de l'Algérie combattante, dont l'illustre disparu était membre. L'opportunité de cet événement permettra la rétrospective d'une épopée historique qui, conjuguée à la culture de l'histoire et de l'histoire de la mémoire rassemblera dans une liesse de communion de pensée collective la jeunesse et ses aînés.
En clôture, un récital de chants du répertoire h'cicenien sera animé par de jeunes talents en signe fort de reconnaissance pour la perpétuation de son œuvre et de sa mémoire. C'est toujours dans le cycle d'actions menées dans une féconde traversée de la mémoire que cheikh Hadj M'rizek a, dans le ravissement de ses admirateurs, été redécouvert par la jeunesse pour qui il n'était qu'un illustre inconnu. Cette année, c'est au tour de cheikh H'cinène de l'être dans l'allégresse de nombreux mélomanes et connaisseurs en compagnie de cette même jeunesse en signe de triomphe sur l'oubli. Dans cette lutte implacable livrée sans répit à ce phénomène aliéant qui est un ouvrage mutilant à la condition humaine ; ne cessons pas de méditer la mise en garde, plutôt l'injonction assénée sentencieusement par le visionnaire éclairé qu'a été le père fondateur de la psychanalyse, Sigmud Freud dans cette maxime universelle devenue célèbre : « N'oubliez pas l'oubli ! »
Une prévention pour demeurer « soi » au présent, avec son passé construit avec sa culture et son histoire pour ne pas devenir personne — aucun de la négation — étymologique dans les transformations et mutations des sociétés humaines d'incertitudes et de tumultes. L. A.
N.B : El'la est un superlatif typique dans le parlé algérois usité à l'époque pour signifier une marque de considération et de respect envers les femmes d'un certain âge


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