Catholique modéré, récompensé du prix Nobel de la paix pour son rôle dans la réconciliation en Irlande du Nord, John Hume est mort hier à l'âge de 83 ans, rapportent des médias citant sa famille. Côté britannique comme irlandais, les hommages se sont multipliés pour saluer la mémoire de cet ex-enseignant, loué pour avoir su engager le dialogue, y compris avec les nationalistes du Sinn Fein, parfois au prix de critiques dans son propre camp. «John est décédé au petit matin des suites d'une courte maladie», a annoncé dans un communiqué sa famille, remerciant le personnel de la maison de retraite de Londonderry. John Hume est né, a enseigné, fait ses premiers pas politiques et passé les derniers mois de sa vie dans cette ville à la frontière irlandaise, où ont commencé les «Troubles» en 1968 et où ont eu lieu, le 30 janvier 1972, les violences du «Bloody Sunday», lorsque l'armée britannique a tué 13 manifestants pacifistes. L'ancien leader catholique nationaliste s'était vu attribuer le Nobel en 1998 avec le dirigeant protestant du Parti unioniste de l'Ulster, David Trimble, en reconnaissance de «leurs efforts pour trouver une solution pacifique» à trois décennies de «Troubles» ayant fait plus de 3500 morts. Quelques mois plus tôt, en avril 1998, un accord de paix, dit du Vendredi Saint, a été conclu à Belfast entre Londres, Dublin et les partis protestants et catholiques. «John Hume était un titan politique, un visionnaire qui refusait de croire que le futur devait ressembler au passé», a réagi l'ex-Premier ministre britannique Tony Blair, au pouvoir au moment de la signature de l'accord du Vendredi Saint. L'actuel Premier ministre, Boris Johnson, a salué «un géant politique (…) totalement opposé à la violence», doté d'un «sens aigu de la justice sociale». Le Premier ministre irlandais, Micheal Martin, a rendu hommage à «un grand héros et un vrai artisan de la paix». «Pendant nos jours les plus sombres, il a reconnu que la violence ne constituait pas la voie à suivre», a souligné la Première ministre nord-irlandaise, Arlene Foster, unioniste. Né le 18 janvier 1937, John Hume se destinait d'abord à devenir prêtre, mais après un passage par le séminaire, il a changé d'avis et a été diplômé d'histoire et de français, qu'il parlait couramment. De retour à Londonderry pour enseigner, il commence à s'engager en politique. C'est dans cette ville que l'organisation de marches pour les droits civiques, durement réprimées par la police britannique, marque en 1968 le début de la période sanglante des «Troubles». Elu indépendant au Parlement de la province britannique en 1969, il fait partie des fondateurs, l'année suivante, du parti nationaliste social-démocrate, le Social Democratic and Labour Party (SDLP). Une photographie de l'époque le montre parlant à des soldats à travers des barbelés. «J'avais décidé qu'en tant qu'élu, c'était mon devoir de faire tout mon possible pour instaurer la paix dans nos rues», a-t-il déclaré lorsqu'il a reçu le prix Nobel. «Je pensais qu'une manière résolue et directe d'y arriver était d'engager un dialogue direct avec les organisations qui participaient aux violences». Elu au Parlement britannique en 1983, ce père de cinq enfants a contribué dans les années suivantes à porter le conflit nord-irlandais sur la scène internationale, impliquant notamment Bill Clinton. Localement, cette figure modérée a engagé le dialogue avec les nationalistes du Sinn Fein, la branche politique de l'Armée républicaine irlandaise, et son leader Gerry Adams, posant les bases des accords de paix. Ce dernier a salué un homme qui «a eu le courage de prendre de vrais risques pour la paix», notamment en négociant avec lui à un moment où «l'establishment politique et médiatique était résolu à marginaliser et diaboliser le Sinn Fein».