Cinquante-quatre ans et de longues années de pratique dans la police, B. Amar aurait pu faire comme beaucoup de ses collègues, c'est-à-dire s'occuper à suivre la scolarité de ses enfants et assurer le bonheur dans son foyer, même si la pension de retraite qu'il percevait ne suffisait pas. Il ne s'était pas donné la peine de chercher un petit travail, une occupation. B. Amar s'était juré qu'avec les ficelles qu'il a nouées, il allait devenir millionnaire, voire milliardaire sans avoir à rendre des comptes à la justice. Le 29 mai 2004, alors que ses anciens collègues fermaient sur ses poignées les menottes que lui-même avait tant utilisées, il poussa un soupir de regret. Il se disait qu'il venait de commettre une faute en s'impliquant dans un réseau de contrefaçon. Il le dira à ces jeunes policiers qui l'avaient surpris en flagrant délit en possession de 78 billets de 50 euros et beaucoup d'autres de moindre valeur. « Si j'avais su que j'allais être arrêté un jour par des novices dans le métier que j'ai exercé durant de longues années, je me serais montré plus prudent. Ce qui n'est malheureusement pas le cas et je reconnais que vous avez été plus perspicaces que je ne le fus à votre âge. » Au moment où s'il s'exprimait, Amar avait les larmes aux yeux. Il s'était dit qu'il avait visé très haut, trop haut même, en s'acoquinant avec cette bande de faussaires installée à Marseille. En lui remettant les billets de banque, les criminels avaient sciemment omis de préciser à ce pigeon que les numéraires étaient des faux. Amar ne s'en était pas aperçu tant les billets ressemblaient à de vrais. L'affaire était alléchante, car ses contacts lui avaient promis le versement de 50% en contrepartie de tout produit de change en dinars. L'ancien policier n'eut pas un brin de soupçon. Surtout que Hamid et Danielle, un couple de binationaux qu'il connaissait de longue date, avaient juré que transformer en dinars l'argent devrait leur permettre d'investir dans un commerce de prêt-à-porter à Annaba où ils comptaient définitivement s'installer. B. Amar s'était ainsi exprimé devant le président de cour et ses quatre assesseurs du tribunal criminel d'Annaba. Il avait débité ses propos à la barre, où il avait été cité à comparaître, comme s'il voulait en finir rapidement. Dans la salle d'audience avaient pris place son épouse et deux de ses enfants. Dans le regard de ces derniers on lisait comme une incompréhension où se mêlaient interrogation et appréhension. Leur affolement fut très perceptible lorsque, après un sévère réquisitoire, le représentant du ministère public a qualifié l'acte commis par B. Amar de crime économique, avant de requérir à son encontre la prison à perpétuité. Ce que les trois avocats de la défense ont récusé sans pour autant éviter à leur client une condamnation à 10 ans de prison ferme prononcée par le président de la cour.