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Les rêves insensés d'un universitaire. (2e partie et fin)
Neverland
Publié dans El Watan le 22 - 08 - 2007

Ainsi, entre mes obligations universitaires, et ma pratique en cabinet, il est rare que je rentre chez moi avant 20 h.
Les journées de travail sont donc devenues très longues, mais peu importe, le bénéfice psychologique que je tire de ces multiples activités n'a pas de prix. Et au-delà de l'aspect pécuniaire proprement dit, les bénéfices secondaires comme on dit en psychologie, sont immenses. Le sentiment d'être utile, le sentiment d'être un modèle pour des centaines et des centaines d'étudiants lesquels, je l'espère, suivront l'exemple, le sentiment qu'on est véritablement en train de former une relève à même de prendre qualitativement en charge l'université ou tout autre secteur économique, quand le moment où il faudra laisser la place viendra, tout cela fait que, malgré ces charges horaires, la fatigue ressentie à la fin de la journée n'est plus une fatigue accablante, bien au contraire, c'est une saine fatigue, la fatigue du corps et non celle de l'esprit. Et c'est ce sentiment du devoir accompli qui fait qu'en fin de journée, on rentre chez soi serein. Une fois rentré à la maison, après une bonne douche, je fais le point avec mes enfants sur leur scolarité, scolarité qui ne pose d'ailleurs plus de problème puisque avec toutes les réformes introduites au sein du système éducatif, l'échec scolaire est devenu quasi inexistant. Aussi, si je fais le point sur la scolarité, c'est juste pour voir quelles sont les difficultés individuelles auxquelles ils pourraient être confrontés pour pouvoir mieux les conseiller et les orienter. Après cela, et après un bon dîner en famille dans une atmosphère détendue et au cours duquel ils nous arrive encore de parler de ce qu'a été notre vie avant ces réformes clairvoyantes, avant de me mettre au lit, et comme c'est de coutume, je prends toujours quelques instants pour regarder un peu la télévision, histoire de me mettre au courant des dernières informations, ou encore pour suivre des débats politiques sur l'une des multiples chaînes de télévision qui ont enrichi le paysage audiovisuel algérien. Car, ce qu'il faut savoir aussi, c'est que les réformes qui ont été mises en route depuis quelque temps en Algérie, n'ont pas concerné que le système éducatif, beaucoup de secteurs ont aussi fait l'objet d'un sérieux dépoussiérage et d'une sérieuse ouverture. C'est ainsi que les médias en ont profité, ce qui fait que nous avons le choix maintenant de surfer sur une multitude de chaînes algériennes, toutes aussi performantes et aussi sérieuses les unes que les autres, concurrence oblige. Si bien qu'il n'est pas rare que je me mette en fin de soirée face à la télé pour suivre des débats dans lesquels sont souvent invités des hommes politiques de différents partis politiques pour dire leur point de vue sur les nouvelles orientations politiques et économiques du pays, ou encore pour suivre des soirées culturelles ou encore artistiques. Ces chaînes de télévision font un tel effort pour attirer les téléspectateurs, qu'elles sont en train de surclasser les chaînes satellitaires étrangères qui ont régné sans partage sur le paysage audiovisuel algérien de longues années durant. Cela dit, aujourd'hui, juste après le dîner, on est resté, mon épouse et moi, un bon moment dans la cuisine autour d'un café pour parler des prochaines vacances. Cette année encore, nous n'envisageons pas de partir en Tunisie. En effet, avec les efforts consentis en matière d'infrastructures touristiques en Algérie depuis quelques années, et bien que beaucoup de choses restent à faire, l'Algérie est en train de surclasser ses voisins pour ce qui est de la quantité et de la qualité des prestations offertes. Des complexes touristiques poussent comme des champignons dans des zones spécialement aménagées à cet effet. Dans certaines régions, de véritables villages touristiques ont vu le jour. Par ailleurs, et toujours dans le cadre de la promotion de la formation initiée par les autorités tous secteurs confondus, des instituts spécialisés dans la formation du personnel hôtelier et touristique ont vu le jour, assurant une formation de qualité aussi bien de cadres gestionnaires, que de cuisiniers, maîtres d'hôtel, etc. Il faut dire que l'encadrement de ces formations n'a pas posé de problèmes particuliers puisqu'il y a encore en Algérie des cadres formateurs hautement compétents, cadres qui activaient dans les écoles hôtelières qui fonctionnaient à l'époque, notamment à Constantine ou encore à Alger ou à Tizi Ouzou. L'école de Constantine a fermé ses portes, mais heureusement cette nouvelle politique orientée vers le développement du tourisme a permis de récupérer l'essentiel des cadres de cette école. Il faut dire que de ce point de vue, déjà à l'époque, l'Algérie a formé des centaines de cadres hôteliers. Certains d'entre eux ont continué à activer dans les complexes d'Etat algériens mais, malheureusement, beaucoup ont dû quitter le pays et sont encore en train de faire le bonheur des complexes touristiques des pays voisins, tant leur niveau de compétence est élevé à l'instar d'ailleurs de beaucoup d'autres cadres de différents secteurs que l'université algérienne a formé à coups de milliards. C'est pour dire qu'en matière de tourisme, l'Algérie a les moyens de sa politique. Il ne faut pas oublier que dans les années 1970 au moment où le tourisme tunisien ou encore marocain était encore balbutiant, l'Algérie s'était déjà dotée de toute une panoplie de complexes touristiques de classe internationale et qu'elle occupait une place de choix parmi les destinations touristiques internationales. Il faut dire aussi que le tourisme algérien a cette chance insigne de bénéficier d'un environnement exceptionnel. La nature en Algérie n'a pas du tout été avare de ses bienfaits, car, outre 1200 km de côtes comptant pour certaines d'entre elles des sites parmi les plus beaux du monde, comme la baie de Seraïdi par exemple. L'Algérie a aussi la chance de pouvoir proposer un tourisme d'hiver grâce au Sud algérien et ses immensités féeriques, sans oublier le côté historique avec tous les vestiges rupestres datant de la préhistoire, romains et arabo-mauresques qui jalonnent le pays d'est en ouest et du nord au sud. Tous ces facteurs ont donc fait de l'Algérie une destination touristique très courue, si bien que le pays ne désemplit plus hiver comme été. Et grâce à une politique d'investissement courageuse, les infrastructures hôtelières sont en train de pousser comme des champignons. Cette politique d'investissement exemptant les investisseurs dans l'économie du tourisme des impôts et des taxes, a fait qu'on est en train d'assister à une véritable ruée d'investisseurs aussi bien nationaux qu'étrangers. Par ailleurs, l'assainissement du système bancaire a lui aussi joué un rôle déterminant, rendant confiance aux opérateurs économiques dans l'investissement en Algérie. Le développement du secteur du tourisme est tel que depuis quelque temps, le chômage a régressé de façon spectaculaire ; on en est même arrivé à importer de la main-d'œuvre. De même, la demande en formation dans le secteur hôtelier est en train d'exploser, heureusement qu'il y a de la place pour tous les demandeurs. Si, il y a quelques années, certaines spécialités universitaires étaient très prisées par nos jeunes au point où de véritables goulots d'étranglement se sont formés, obligeant les responsables du ministère de l'Enseignement supérieur à opérer une sélection draconienne pour l'accès à ces spécialités comme la pharmacie et la médecine par exemple ; aujourd'hui, ces formations sont de plus en plus délaissées et les meilleurs étudiants s'orientent vers le secteur du tourisme tant les avantages offerts sont grands. Plus de goulots d'étranglement, donc, à l'université. Le développement du secteur touristique, en Algérie, n'a pas seulement permis de créer des emplois dans le secteur du tourisme proprement dit, mais il a également permis l'essor de la petite et moyenne entreprise, car ce secteur, qui est une véritable industrie, a besoin, en amont comme en aval, de tout un réseau de fournisseurs, ce qui a permis le développement extraordinaire de l'industrie agroalimentaire, de l'industrie des biens d'équipement, de l'artisanat et j'en passe, sans oublier l'architecture. De ce point de vue, les architectes algériens et les bureaux d'études en architecture, rivalité et concurrence obligent, sont en train de développer des trésors d'imagination pour la construction de complexes touristiques de toute beauté. Le développement du tourisme, en Algérie, est donc en train de transformer radicalement le visage du pays au point où l'économie algérienne qui, il y a quelques années, dépendait encore entièrement des ressources du pétrole, est en passe de réussir sa reconversion, si bien que nos ressources pétrolières ne sont plus outrageusement exploitées et que la bataille de l'après- pétrole est en train d'être gagnée. Cette manne de richesses engrangée grâce à l'industrie du tourisme a permis à l'Etat de ne plus taxer ce secteur pour l'encourager à aller encore plus loin. L'Etat est suffisamment riche, grâce aux ressources de son sous-sol, qu'il n'a plus besoin de taxer les investisseurs qui se bousculent de plus en plus aux portes de notre pays. Cependant, si le secteur du tourisme a permis, certes, à l'Algérie de réorienter son économie avec succès, si le chômage n'est plus qu'un mauvais souvenir, si l'urbanisme s'est beaucoup amélioré, si nos villes sont devenues plus propres et plus attrayantes, le gain le plus extraordinaire que nous avons tiré de cette ressource inépuisable qu'est le tourisme, est l'adoucissement des mœurs des Algériens. En effet, grâce au contact avec ces centaines de milliers d'étrangers, qui viennent nous rendre visite chaque année, les Algériens sont devenus plus policés dans leurs manières, plus courtois, plus affables, moins agressifs et plus serviables. Et si l'on a coutume de dire que « la musique adoucit les mœurs », pour ma part, je dirais plutôt que le « tourisme adoucit les mœurs ». Ainsi, il n'est plus besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour une semaine ou
quinze jours de vacances. Les possibilités offertes, maintenant, en Algérie, permettent, en rapport qualité/prix, de ne plus avoir à s'expatrier, à faire la queue aux frontières, à fatiguer ses enfants dans des expéditions longues et éreintantes. C'est tout bénef. Et cela nous permet aussi et surtout de découvrir notre pays. Car, il est vrai que jusque-là, nos enfants, surtout pour beaucoup d'habitants du Centre et de l'Est, connaissent mieux la Tunisie que leur propre pays. Toutes ces considérations nous amenèrent donc, mon épouse et moi, à décider, pour la deuxième année consécutive, de passer nos vacances d'été en Algérie. Cette année, nous nous sommes décidés pour l'extrême ouest du pays, région que nous allons tous découvrir pour la première fois. Une fois cette décision arrêtée et comme c'est de coutume donc, avant de me mettre au lit, je me suis mis quelques instants à zapper face au téléviseur, histoire de faciliter l'endormissement. Ce soir, je suis tombé, par hasard, sur une nouvelle émission lancée par l'une des multiples chaînes satellitaires algériennes, et il y en a bien une bonne dizaine rivalisant toutes d'ingéniosité pour captiver l'attention des téléspectateurs. Cela va de la chaîne de variétés, à la chaîne culturelle, la chaîne d'information, la chaîne cinéma etc. L'incroyable, c'est que toutes ces chaînes sont de haute facture et n'ont rien à envier à leurs consœurs étrangères européennes ou arabes. Elles font toutes preuve d'un véritable professionnalisme, si bien qu'on les regarde (toutes) avec plaisir. L'ouverture des médias lourds à la libre concurrence a rendu ce miracle possible et des talents qui, jusque-là, sommeillaient, pour ne pas dire végétaient, se sont réveillés et révélés à l'audimat pour notre plaisir à tous, animant des émissions de tout genre avec art et brio. C'est ainsi qu'en zappant, je suis tombé, ce soir, sur une émission satirique du style « Les guignols de l'info » de Canal Plus, émission d'information caricaturale, qui caricature aussi bien les hommes de l'art, du spectacle, que de la politique. C'est donc un véritable régal que de voir, enfin, sur une télévision algérienne des Algériens parlant avec humour de la vie politique en Algérie sans que cela ne soit vulgaire ou outrageant. C'est fait avec professionnalisme et goût. Ce qui prouve que l'Algérie et les Algériens ont beaucoup mûri et qu'ils ont appris à prendre du recul par rapport à la chose politique et que la notion de citoyenneté est définitivement ancrée dans l'esprit des Algériens, ce qui leur permet d'aborder les sujets les plus sérieux avec recul, professionnalisme et, pour ce qui concerne cette émission, avec beaucoup d'humour et de dérision. L'humour qui a le plus cruellement manqué pendant les années de plomb à la classe politique algérienne. La conclusion à tirer de tout cela est qu'à partir du moment où l'individu est libre, il est capable de se comporter avec responsabilité et maturité et qu'il ne peut y avoir d'évolution sans une véritable démocratie, une démocratie bien comprise qui permet à tous les citoyens, tous égaux devant la loi, d'entreprendre et d'agir chacun selon ses compétences. Seule cette liberté d'entreprendre peut aider les individus à offrir le meilleur d'eux-mêmes ; surtout en sachant que tout travail bien fait saurait être récompensé à sa juste valeur. C'est sur ces méditations sur la liberté et la démocratie inspirées par ce nouveau programme télé que j'ai fini par m'assoupir sur le divan du salon. Et c'est à cet instant divin, au cours duquel on commence à ressentir ce doux engourdissement nous entraîner dans le monde irréel de l'onirisme, que je fus brusquement tiré et ramené sans ménagement à la réalité. En effet, je fus réveillé par une vigoureuse secousse et j'entendais vaguement la voix de mon épouse me dire : « Réveille toi, voyons, réveille toi vite ! Tu vas être en retard. Tu as oublié qu'aujourd'hui tu as cours à X. C'est à cent-cinquante kilomètres et que ton premier cours est à huit heures trente ? » Mal réveillé, je ne pus que balbutier : « Quoi donc ? Qu'est-ce qui se passe ? Il est quelle heure ? »
Il est six heures du matin et tu as juste le temps de te préparer pour prendre la route. »
Mais qu'est-ce que je fais au salon ? »
Tu as passé la nuit ici, sur le divan. Tu t'es assoupi, hier soir, en regardant la télé, et tu dormais si bien et si profondément que je n'ai pas eu le courage de te réveiller. » C'est alors que, petit à petit, j'ai commencé à prendre conscience qu'hier soir, ivre de fatigue après mon retour de Y, où je donne aussi des cours supplémentaires, et en regardant la télévision, j'ai fini par m'endormir profondément et d'une seule traite jusqu'à six heures du matin. Je me suis endormi de fatigue, certes, mais aussi d'ennui parce que depuis que nous n'avons plus l'opportunité de pirater les chaînes satellitaires, il n'y a presque plus rien à regarder à la télé, peut-être quelques chaînes d'information encore en clair, mais sûrement pas les niaiseries débitées par les chaînes algériennes que ce soit l'hertzienne ou encore les deux chaînes satellitaires. En fait, tout ce que je viens de vous raconter plus haut n'était qu'un rêve et me revoilà de retour dans la réalité, la dure réalité, celle de la course contre la montre pour arrondir des fins de mois, ô combien difficiles. Celle qui nous confronte à des quotidiens de non-performance. Ce qui fatigue le plus, ce n'est pas tant le fait de courir à gauche et à droite, mais c'est, surtout, le sentiment d'inutilité et de gâchis ressenti en fin de journée. Le sentiment d'être en train de passer à côté de l'essentiel, le sentiment de faire tout le contraire de ce pourquoi on est censé avoir été formé. L'enseignement est, certes, notre première vocation mais, à l'université, cette activité ne peut être dissociée de la recherche qui est son complément naturel. Malheureusement, compte tenu du fait que la majorité des enseignants universitaires passe son temps à courir à gauche et à droite derrière les vacations, il leur reste très peu de temps à accorder à la recherche ou à tout autre activité scientifique. D'ailleurs, même leurs enseignements s'en ressentent puisqu'ils n'ont même plus le temps d'actualiser leurs connaissances. Si bien que beaucoup d'enseignants, et pour ne pas avoir à se casser la tête, utilisent encore comme supports pédagogiques des cours qu'ils ont eus quand ils étaient eux-mêmes étudiants, des cours vieux de dizaines d'années, des cours qu'il convient d'actualiser. Ces contre-performances ne peuvent que se répercuter sur la qualité de l'enseignement, et à l'allure où ça va, nous allons finir tout droit contre un mur. Si l'université continue à fonctionner de cette manière, dans quelques années, il n'y aura plus d'université du tout. Dans certaines spécialités, vu la qualité da la formation, on finira par enseigner tout, sauf la spécialité en question tant les niveaux ont régressé. C'est ainsi qu'on se retrouve, aujourd'hui, à l'université algérienne avec des étudiants totalement démotivés et désemparés à cause d'un système d'orientation qui ne tient nullement compte des prérequis et, encore moins, de la volonté des apprenants. En face, nous avons un corps enseignant totalement désabusé et qui ne croit plus en rien et surtout pas aux promesses de la tutelle ; si on ajoute à tout cela le niveau avec lequel les étudiants nous arrivent à l'université, il n'est nullement besoin d'être devin pour imaginer ce qui va advenir. L'université algérienne est en passe de se transformer en machine à fabriquer de la marginalité et ce n'est certainement pas en ramenant le coefficient de la langue arabe au BEM à 5 qu'on va résoudre la problématique du niveau des étudiants. On peut même ramener ce coefficient à 10 que ça n'y changerait rien. Cette décision débile dénote le fait que les responsables qui gèrent le système éducatif algérien n'ont rien compris au problème. Le malaise est bien plus profond qu'une mauvaise note en langue nationale, c'est tout le système éducatif qui doit être réformé et modernisé ; c'est un problème de moyens matériels et humains ; c'est un problème de qualité de la formation, de programmes à revoir de fond en comble. Les responsables qui sont en charge du système éducatif sont dépassés, périmés. Nous avons les mêmes responsables depuis plus d'une décennie, et depuis plus d'une décennie, le système éducatif ne fait que péricliter. Il est temps que l'on prenne conscience que les limites de ces gens ont été atteintes et qu'ils ne pourront plus jamais innover. En effet, on ne peut faire du neuf avec du vieux, alors de grâce, faites en sorte que cela change, que l'on voit du sang neuf, que des initiatives courageuses soient prises pour sauver notre système éducatif, car, comme je l'ai déjà écrit ailleurs, il y va de l'avenir de ce pays. En effet, aucun pays au monde ne peut fonctionner sans élites, les élites sont, en fait, comme une locomotive, et si aucun train ne peut avancer sans locomotive, de même aucun pays ne peut progresser sans ses élites. Il faut donc former des élites performantes, il faut assurer la relève, parce qu'à l'allure où cela va, il n'y aura bientôt plus de relève du tout, et nos écoles et nos universités continueront à produire de la médiocrité et de la marginalité. Cette situation chaotique dans laquelle se débat l'université algérienne et plus largement le système éducatif, est, par ailleurs, aggravée par un environnement à la mesure de sa décadence, un environnement qui ne répond plus aux normes universelles de la pédagogie avec des classes bondées, des moyens pédagogiques dérisoires et on veut avec ces moyens pédagogiques d'un autre âge imposer à l'université le système LMD, système qui repose essentiellement sur une pédagogie moderne, qui suppose des effectifs par classe qui ne dépassent pas quinze étudiants, système qui exige deux fois plus de travail personnel de la part des étudiants, mais où sont les moyens ? Où sont les bibliothèques ? On ne peut exiger des étudiants de fournir deux fois plus d'efforts quand ils sont parfois à huit dans une chambre universitaire destinée à deux ou trois étudiants, quand l'étudiant doit attendre parfois plus d'une heure pour pouvoir se restaurer, quand il n'y a pas ou presque pas de documentation, ni la possibilité d'accès à Internet. De même, on ne peut exiger d'un enseignent d'adapter son enseignement et utiliser une pédagogie moderne visant à tenir compte des performances individuelles tant les effectifs sont élevés, si bien qu'il n'est pas du tout envisageable d'appliquer le système de tutorat, un des piliers du système LMD, système qui consiste à suivre et à prendre en charge les étudiants individuellement en dehors des séances de cours. Quand on a des classes de plus de quarante étudiants, comment voulez- vous personnaliser votre enseignement ? Ce système est fondé aussi sur la notion de stage pratique sur le terrain : qui va encadrer ces stages ? Il ne suffit donc pas de décider l'application de réformes pédagogiques innovantes si l'on ne se donne pas les moyens adéquats pour les mener à bon terme. Quand l'université croule sous le nombre des étudiants, quand certaines filières manquent cruellement d'enseignants, quand on est obligé d'avoir recours à des vacataires qui, parfois, n'ont ni les compétences ni le niveau requis pour assurer certains enseignements spécialisés, il faut plus qu'un miracle pour réussir là où d'autres nations, autrement plus développées que nous, peinent à mettre en route ce nouveau système d'enseignement qu'est le LMD. En fait, avec cette farce du LMD, on n'a fait que raccourcir le cycle des études. Là où il fallait quatre années pour une licence, on a juste tronqué cette formation d'une année et si déjà le niveau, malgré quatre années de formation, était déjà plus qu'alarmant, que faut-il attendre de cette nouvelle formation sans moyens adéquats ? Mais au-delà du LMD, comment voulez-vous réussir une quelconque pédagogie quand on n'a même pas de toilettes pour pouvoir assouvir dignement et proprement un besoin naturel au sein de nos universités, et je ne dis pas ça pour rire, il n'y a qu'à aller faire un tour du côté des toilettes de l'université Mentouri de Constantine et vous serez édifié. D'ailleurs, bien avant d'arriver à ces toilettes, vous êtes pris à la gorge par cette infecte odeur d'urine qui vous empêche de respirer, odeur qui vous poursuit jusque dans les classes ou les amphithéâtres et qui fait que, tout le long de votre enseignement, vous n'avez qu'une seule envie, c'est de finir pour pouvoir sortir et respirer un peu d'air frais. Comment Dieu, est-il possible qu'au XXIe siècle, il y a encore des institutions qui n'ont pas de toilettes avec une chasse d'eau qui fonctionne, et pourtant il y a de l'eau dans les robinets. En fait, il n'y a pas qu'à l'université de Constantine que ce problème se pose. J'ai été récemment à l'université d'Alger et plus précisément à l'université de Bouzaréah, et je me suis trouvé face à la même situation. Dans cette université, on a même eu le culot de pousser le bouchon un peu plus loin encore puisque les toilettes sont payantes au sein-même de l'université. Cela dit, Il n'y a pas de problème : j'accepte de payer mais à condition que je trouve des toilettes propres et bien tenues, des toilettes où il y a au moins une chasse d'eau qui fonctionne. Mais ce n'est pas le cas, pourquoi ces toilettes sont-elles donc payantes ? En fait, il n'y a pas que dans les universités que le problème des toilettes se pose, mais dans toutes les institutions publiques, que ce soit les hôpitaux, ou les aéroports, c'est la même chose, c'est un véritable problème national. C'est comme si l'on ne sait pas à quoi peut servir une chasse d'eau, vous savez, ce machin qui, normalement, se trouve dans toutes les toilettes du monde au-dessus de la cuvette des WC, et qu'on tire logiquement à la fin de nos ablutions pour laisser l'endroit propre après notre passage. Personne ne s'en plaint, apparemment, et c'est si systématique que j'en viens à me demander si ce n'est pas un problème culturel ? Que sais-je ? Bref, la situation est telle que, parfois, quand il nous arrive de recevoir des collègues étrangers, j'en arrive à implorer le Bon Dieu qu'il
ne leur prenne pas l'envie d'aller aux toilettes. C'est inqualifiable, plus encore, c'est une honte. Pourquoi n'avons-nous donc pas cette notion citoyenne de respect des lieux publics ? De quelle tare sommes-nous donc atteints pour être incapables de garder ces lieux propres ? Sommes nous sous-développés à ce point ? J'en suis arrivé au point de croire que le degré d'évolution d'une nation pourrait se mesurer à l'aune de sa capacité à garder ses lieux publics propres. En fait, il y a trois indicateurs qui peuvent nous permettre de mesurer le degré d'évolution d'une société : tout d'abord, sa capacité à avoir des espaces verts et à les entretenir. Rendez-vous compte que mes enfants et les enfants de tous les Algériens, qui n'ont pas les moyens de voyager à l'étranger, n'ont jamais foulé de leurs pieds une pelouse gazonnée, ils ne connaissent son existence que parce qu'ils en voient à la télévision. Deuxièmement, sa capacité à avoir des toilettes publiques propres avec de l'eau courante et des chasses d'eau qui fonctionnent, enfin, son respect des cimetières. Allez voir l'état de nos cimetières ! Dans les pays qui se respectent, ces lieux sont de véritables sanctuaires, de véritables jardins entretenus avec amour et respect. Certains cimetières sont de véritables musées de verdure, de calme et de sérénité qui inspirent la méditation et le recueillement. Qu'en est-il chez nous de ces lieux ? Rien de tout cela. Ce n'est rien de plus qu'un endroit où l'on se débarrasse de nos morts et si l'on ne fait pas attention, on risque de ne jamais retrouver les tombes de nos proches. C'est l'anarchie totale, aucune indication. Les tombes ne sont pas numérotées, elles ne sont situées sur aucune carte globale du cimetière. Bref, on a autant de respect pour nos morts et pour leurs dernières demeures qu'on en a pour notre environnement en général, c'est-à-dire aucun. J'ai dit qu'il y a trois critères pour mesurer le degré d'évolution d'une société. Je vais quand même en rajouter un quatrième qui me tient particulièrement à cœur, c'est l'état de nos routes. Cette question m'obsède tellement que j'en parle tout le temps et à qui veut bien m'entendre. D'ailleurs, j'en ai déjà parlé dans un article antérieur : le pays des gens qui dodelinent de la tête, cela ne vous dit rien ? Bref, l'état de nos routes est tel que j'en suis venu à me demander s'il n'y aurait pas, par hasard, un deal entre les responsables chargés du revêtement des chaussées et les revendeurs de pièces détachées automobiles. Les uns s'arrangent pour laisser les chaussées totalement impraticables ou si peu, et les autres nous « fourguent » une pièce détachée frelatée qui ne résiste pas plus de un ou de deux mois. L'état de la chaussée est tel qu'à certains endroits on a l'impression de descendre des escaliers et si l'on revient en sens inverse, c'est comme si l'on faisait de l'escalade ou de l'alpinisme. De temps en temps, il y a quand même quelques réfections par-ci par-là, mais ces réfections sont tellement mal faites que je me demande s'il ne s'agit pas d'une blague, d'un canular ou encore d'une vannerie supplémentaire pour embêter un peu plus le contribuable. Ceci dit, je ne crois pas que ce soit fait intentionnellement, je pense plutôt que c'est surtout dû à un manque de professionnalisme. En effet, j'ai l'impression que ces tâches ne sont pas confiées à de vrais professionnels, il s'agit d'un travail d'amateur. Comment expliquer, en effet, qu'aucun revêtement ne tienne plus de six mois pour ensuite commencer à se dégrader, à se craqueler et à gondoler. Je pense que c'est juste parce que les normes ne sont pas respectées, le dosage en bitume n'est pas respecté, le facteur chaleur n'est pas pris en compte dans ce dosage et cela dénote d'un travail d'amateur, à moins que cela ne soit intentionnel et, à ce moment-là c'est du vol qualifié. Si l'on triche sur les dosages, c'est qu'il y a vol ou escroquerie, et comme tout le monde s'en fout et que personne ne contrôle personne, eh bien, les choses continueront à aller de mal en pis au grand dam des citoyens. J'ai parlé tout à l'heure de tourisme. Comment voulez-vous que l'on réussisse, si l'on n'est même pas en mesure de refaire correctement le revêtement d'une chaussée, si l'on n'est même pas capable d'avoir des toilettes publiques propres, ou encore un environnement attrayant ? Comment voulez-vous réussir quand nos plages sont saccagées, vandalisées, vidées de leur sable ? Je pense que c'est là le pire des crimes et que cela mérite un châtiment exemplaire car rien, en effet, ne pourra jamais remplacer ce sable que la nature a mis des millénaires à fabriquer. Comment voulez-vous réussir quand notre littoral est envahi par le béton dans un urbanisme anarchique et délirant sans respect des normes écologiques et même touristiques ? Comment voulez-vous réussir quand nos villes sont en passe de devenir de véritables ghettos à cause d'une urbanisation sans perspective, sans imagination ? A ce propos, il n'y a qu'à aller faire un tour du côté de ce qu'on appelle pompeusement la nouvelle ville Ali Mendjeli de Constantine. Chaque fois que je passe par là, je ne peux m'empêcher de me remémorer un roman de science-fiction que j'ai lu dans ma jeunesse, Les Seigneurs de la guerre, de Gérard Klein paru aux éditions Robert Laffont dans la collection « Jai Lu », en 1971. C'est l'histoire d'un soldat qui se trouve malgré lui propulsé d'une époque à une autre, jusqu'au jour où il tombe dans une époque où la Terre entière a fini par être envahie par le béton. Plus d'agriculture, plus d'espaces verts, plus de nourriture. Les mers et les océans eux- mêmes ont été affreusement exploités, si bien qu'il ne reste plus de poissons et, comme il n'y a plus d'espace sur Terre, les usines ont été implantées sous les mers et devinez de quoi l'humanité se nourrit désormais ? Des morts dont la chair est transformée dans ces usines sous-marines. C'est, certes, une vision assez apocalyptique de l'évolution de l'humanité, mais je crois que, sauf pour le cannibalisme, nous ne sommes pas très loin de ce schéma puisque, en l'absence de politique urbaine avisée et confiée à des spécialistes, nous allons tout droit vers la catastrophe avec la construction de ces cités gigantesques, ces cités-dortoirs, ces cités sans verdures et sans lieux de loisirs et de culture et où le béton règne en maître absolu, ces ghettos, futurs repères de mal-vie, de chômage et donc de déviance et de délinquance. A qui la faute ? Comment en est-on arrivé à ce constat ? Si, en plus de tout cela, on continue à ne plus produire de la qualité et de l'excellence dans nos universités, si l'on n'assure aucune relève, si ce pays continue à naviguer dans le brouillard sans une véritable locomotive pour le tirer de l'avant, comment voulez-vous que ce pari fou, ce rêve impossible qui propulserait l'Algérie au rang des nations modernes, puisse un jour se réaliser ? C'est pour cela que tout ce que j'ai raconté en première partie de cette réflexion risque de ne rester que ce qu'il est : un rêve fou. Cette contrée que j'ai décrite un peu naïvement en première partie risque de ne jamais voir le jour. C'est « Neverland », la terre impossible. D'ailleurs, je me demande comment j'ai pu faire un pareil rêve. Aussi, je préfère parler de fantasme plutôt que de rêve, car si le rêve peut se réaliser, il est par contre inconcevable que le fantasme puisse accéder à la réalité, à moins d'une transgression radicale de cette réalité normative et d'un basculement dans la folie. Il faut donc être fou pour pouvoir imaginer, un jour, notre pays vivre, oui, vivre tout simplement, parce que pour le moment, nous ne sommes que des morts-vivants, des zombies décérébrés qui font semblant de vivre en voyant d'autres pays, d'autres êtres humains vivre à travers cette petite lucarne, heureusement qu'il y a cette petite boîte qui nous permet de vivre par procuration. Pourtant, c'est si facile. En attendant, je vais faire comme Hakim Lalem du Soir d'Algérie : « fumer du thé pour rester éveillé car le cauchemar continue ».


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