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Le temps du soupir
actuel, en marge du salon du livre
Publié dans El Watan le 29 - 09 - 2005

Que peuvent les livres pour nous ? Qu'attendons-nous de la littérature aujourd'hui, en Algérie précisément ? Et nous, que pouvons-nous pour eux ? Autant de questions auxquelles un salon du livre, international de surcroît, peut répondre, celui-là même qui se tient à Alger jusqu'à demain.
C'est en effet un lieu presque béni pour qui désire flâner en compagnie des livres, s'y perdre, se noyer enfin dans les abysses vertigineux des questions sans fin qu'ils nous proposent ! C'est un lieu où l'on peut aussi croiser des auteurs en chair et en os. Pour la plupart anonymes - aspirants écrivains, chercheurs balbutiants... -, ils sont là assis sur le stand de leur éditeur à dédicacer, tremblants, leur dernier ouvrage, ou déambulant dans les allées, ou encore fiévreux, participants à une table-ronde quelconque. Et parmi cette cohorte d'auteurs, on peut avoir la chance de se retrouver nez à nez avec tel ou tel auteur d'envergure mondiale, qui nous semblera un peu perdu, hagard dans brouhaha du salon. S'il l'on s'arme d'un peu de courage et de beaucoup de culot, on pourra bavarder le temps que l'on voudra (ou presque) avec le philosophe Etienne Balibar - venu parler d'Edward Saïd - (d'accord, la plupart d'entre nous auraient plutôt souhaité croiser sa fille, la sublime comédienne Jeanne Balibar, mais on laissera ça pour un autre heureux hasard !). On pourra réécrire l'histoire de l'Algérie avec l'historien René Galissot, discuter pied à pied de littérature avec Malika Mokeddem, débattre jusqu'à plus soif du rapport entre Islam et modernité avec Malek Chebel... Et puis, si l'on regarde bien, parmi la foule des badauds, on apercevra le profil discret d'un homme, qui semble être là presque malencontreusement : Malek Alloula. Un poète donc, en tout cas c'est ce qu'indique sa fiche d'état civil. Mais que dire à un poète ? Et lui, à son tour, que nous dit-il, que peut-il pour nous ? Il s'agirait presque d'une plaisanterie, tant l'heure est loin d'être aux exercices spirituels, tant l'air du temps nous interdit, chaque jour un peu plus, de nous aventurer dans le cœur nocturne, lumineux pourtant, de la chose poétique. Malek Alloula donc. Sa silhouette se découpant, nette et fragile, telle une statuette de Giacometti, dans le contre-jour du dehors, marchant d'une allure mesurée - mais avec une élégance folle - sur le grand parvis de la Safex, cheveux plus sel que poivre, le regard comme amarré à l'horizon, fixé sur la mer là-bas au loin. Il semble heureux d'être à nouveau à Alger avec sa compagne, lui qui n'était revenu dans la capitale que l'année dernière après une très longue absence. Mais dans le temps de la poésie, qu'est-ce que l'absence et comment se comptent les jours ? Qui est vraiment Malek Alloula ? On ne sait plus. Il faut tendre l'oreille et saisir son souffle, regarder ses mains jointes, ses doigts qui jouent avec ses bagues - anneaux d'argent entremêlés -, il faut découvrir son sourire et être ému par ses petites attentions - lorsqu'il va vous chercher un café ou un verre d'eau - il faut profiter de ces moments de grâce où « tout cela se redit aussi sobrement qu'en un dernier souffle » avant que ne « se referme ce qui ne fut jamais autre qu'entrouvert. » Encore. Si l'on observe soigneusement la foule qui avance dans les allées bondées, avec un peu de chance et de discernement, voici que s'avance avec une extrême économie, un maintien si particulier El Mahdi Acherchour. Il semble glisser le long des murs, évitant les attroupements bruyants, le chaos - joyeux parfois - ambiants, saluant tel ou tel ami. Son dernier recueil de poésie vient à peine de paraître, Hallaj à Alger aux éditions El Ikhtilef, et autant le dire : c'est un pur enchantement, une petite merveille sur laquelle il faut se précipiter séance tenante. On y retrouvera son style affirmé, ce mélange de légèreté et d'âpreté, ces écoulements rocailleux de phrases, ces mots agencés brutalement, mais qui dégagent une force et un sentiment presque dérangeants. Ce recueil est donc une sorte d'offrande à Husayn Mansûr Hallâj, le grand mystique d'origine persane, jugé et mort décapité le 27 mars 922 à Baghdad - alors la plus grande métropole du monde - celui-là donc qui écrivit cette fameuse réplique « Je suis la Vérité / mon Je c'est Dieu ! » Toute sa poésie est traversée par la brûlure intense du feu intérieur, elle est guidée par la nécessité impérieuse d'accéder à une autre parole, qui serait vraie, qui nous rapprocherait enfin de Dieu, c'est une quête éperdue, angoissée et qui sans cesse interroge : « Ton image est dans mon œil / Ton mémorial sur mes lèvres / Ta demeure en mon cœur, mais où te caches-tu donc ? » L'art d'El Mahdi Acherchour semble être de poursuivre le chemin initié par Hallaj, de l'imaginer en quelque sorte parmi nous aujourd'hui, à Alger. Mais il ne l'évoque même pas, il n'en a pas besoin, tout juste écrit-il « Qui a déjà vu / Baghdad dans la brume / Ou dans le rire des jasmins ? / Je voudrais me voir totalement brûlé / dans l'eau invisible, près de l'unique / Vision chassée de l'eau du Tigre. » C'est Alger qui l'obsède plutôt, car « Je tremble. / Je l'ai répété, vieille et mystique obstination. / Maintenant en la regardant, je me demande / depuis combien de temps je n'ai pas dit : Alger. / Combien de villes comme celle-ci / ne valent pas la corde pour s'y pendre ? » Ce qui frappe enfin, c'est ce lyrisme réjouissant et droit, au moment où beaucoup de poésie se perd dans la mièvrerie, dans la symbolique appuyée ou dans une abstraction inutile. Ici, on jouit des mots, la facilité avec laquelle ils viennent nous déconcerte, on aimerait les chanter, les dire à haute voix, pour soi-même. C'est une fête, triste et sombre. Et Acherchour de s'adresser à nous, aimant : « Vent de sable dans mes brouillons. / Fermez tous les yeux, les autres, / Je vous embrasse. » Oui, ce salon valait le détour, rien que pour ça. Ce qui est déjà beaucoup ! Peu importe. On ne se souciera plus de ce qu'il a été, mais simplement de ce qu'il est aujourd'hui : « Poète et écrivain algérien, Malek Alloula vit et travaille à Alger », voilà exactement la notice minimale inscrite au dos de son nouveau recueil de poésie L'accès au corps (Horlieu éditions), un recueil paru après un silence poétique de 21 années (depuis la parution de Mesures du vent aux éditions Sindbad en 1984.), et qui constitue donc, en soi, un petit évènement. Mais que signifie le silence pour un poète ? Une cessation de la parole, une suspension du verbe, une altération dans l'ordre des choses de la vie ? Non, rien de tout cela, seulement ces « vertiges de marmonnements en écho / pour des renaissances des retrouvailles / dans l'air allégé des soupirs / et le ploiement d'échines vers un sol frôlé de lèvres ». Lorsque Malek Alloula parle, c'est un délice, il vous saisit et vous enchante par sa diction singulière, sa voix à la fois chaude et chantante, ses intonations légères qui brusquement se voilent d'une rugosité toute paysanne et surprenante, et surtout il y a cet accent oranais inimitable, qui affleure par intermittence, par bribes de phrases, de mots qui surgissent d'une façon impromptue et qui font tout le charme de sa conversation. Mais c'est aussi l'envoûtement que provoque sa manière de raconter des histoires, n'importe quelle histoire, une manière tout en dédale, en pauses et en bifurcations, en images simples et drôles, pourrait-il réciter l'annuaire alors que l'on trouverait ça magnifique !

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