Dix ans sont passés dans le silence et l'oubli. C'est une indicible souffrance que ne mérite pas l'ami « Doudou ». Dix ans d'exil forcé et d'interdit de séjour dans son pays. Ainsi en a décidé un procès pénal qui s'est joué de la carrière et de la vie de ce talentueux journaliste de la presse écrite. Le châtiment est disproportionné au regard des faits. Chef de la rubrique internationale à El Moudjahid dans les années 1970, Hocine Abdeddou est un nom connu et respecté de par le monde. Il a été pour de nombreux confrères une école de discipline et de rigueur sur le plan technique. Il est surtout un exemple de droiture et de générosité. Ce sont pourtant ces qualités humaines de dévouement et de disponibilité à tous les instants qui sont à l'origine de son affaire. Dans le sinistre climat de l'exil, son amitié fut un asile sûr pour les journalistes algériens qui fuyaient la terreur le ventre creux et la tête haute. Nous sommes nombreux à avoir été témoins du dévouement humanitaire et de cette amitié passionnée quand il était directeur du bureau APS de Paris dans les années 1990. Il fallait, parfois, le rappeler à l'ordre pour freiner son ardeur bienfaitrice. Ne sachant pas dire « non », il consacrait une part de ses revenus à secourir « les copains ». Dans son sens étymologique, ce mot renvoie au « partage du pain », aimait-il nous rappeler. Mais les bouches à nourrir étaient de plus en plus abondantes et il était seul à donner et soutenir psychologiquement des confrères en détresse. Des semaines et des mois passent dans un rythme insoutenable financièrement et Doudou s'est retrouvé lourdement redevable envers son entreprise. La générosité n'est pas compatible avec la rigueur de la gestion. Doudou en avait conscience. Mais le cœur sur la main, c'était plus fort que lui. On ne lui a accordé aucune circonstance atténuante. Il ne pouvait se défendre au cours de son procès qui s'est tenu en son absence au tribunal de Sidi M'hamed. Lui n'avait pas les moyens d'aligner dix avocats pour sa défense. Et que pouvait-il bien dire pour plaider sa cause ? Que sa déontologie lui interdisait la dérobade devant la souffrance des victimes de la terreur ? Doudou est comme ça et il le restera. Depuis, il est réduit au silence dans une traversée du désert balisée par une amnésie coupable. Cette mise à l'écart d'un homme de cœur qui incarne l'honnêteté est malheureusement révélatrice de l'état de délabrement moral de notre société. Doudou n'en est que l'instrument. Mais on ne saurait se satisfaire de cette thèse en ce sens que la peine qu'il lui est infligée nous discrédite et nous disqualifie solidairement. Hocine Abdeddou s'éteint chaque jour, privé des siens et de sa terre natale alors qu'il n'a jamais été mû par un sentiment de malveillance envers son entreprise. Pour le préjudice financier, ses amis s'engagent à régler. Il faut pouvoir réduire tout l'enjeu à la mesquinerie d'un calcul d'épicier. Personne n'est dupe. Le problème n'est pas là. Nous témoignons en notre âme et conscience que Hocine Abdeddou n'a jamais trahi les principes qui fondent sa conduite. Il est au-dessus de tout soupçon. Son honneur est sauf. Alors, quel est le mystère du crime qu'il a pu commettre pour que lui soit interdit de fouler le sol de son pays ?