Il ne se passe pratiquement plus un jour sans que la presse nationale rapporte des informations faisant état de réseaux de faux-monnayeurs versés dans le trafic de faux billets en dinars, de monnaies étrangères non convertibles ou de devises de diverses nationalités, démantelés par les services de sécurité. Derrière le jeune cambiste en baskets-jean, liasses de billets en main, à l'affût des clients sur la place boursière du square Sofia, à Alger, se cache un véritable réseau bancaire informel avec toutes ses ramifications. Le réseau démantelé à Hydra montre bien que les réseaux de trafic de monnaies se sont professionnalisés à un point tel qu'ils s'offrent le luxe de parasiter les circuits bancaires officiels. De vrais faux billets de 1000 DA ont ainsi pu se retrouver dans les dépôts de banques nationales et étrangères établies en Algérie, grâce au haut niveau d'expertise et de technicité acquis par les faux-monnayeurs, allié sans doute à une négligence, voire à une complicité interne de banquiers véreux. S'agissant du trafic de devises, on a peine à croire que toute cette masse d'argent qui circule au niveau du marché parallèle de la devise est alimentée par les petits passeurs et qu'il n'y a pas de connexion à différents niveaux de responsabilité pour faire entrer des sommes colossales non déclarées en Algérie en violation de la loi. Une manne providentielle qui fait, depuis ces dernières années, le bonheur de certaines entreprises étrangères lesquelles n'hésitent pas à recourir au marché parallèle de la devise pour recycler leurs dividendes dissimulés, lesquels sont transférés illégalement à l'étranger. La meilleure preuve du «détournement» du marché de la devise par ces nouveaux clients potentiels est le renchérissement de la devise qui n'a jamais atteint des seuils de convertibilité aussi vertigineux par rapport au dinar depuis que les liquidités sont carrément siphonnées par les circuits étrangers. Se pose alors la question de savoir à quoi riment donc ces opérations coup-de-poing des services de sécurité. D'un côté, on traque les trafiquants qui activent dans la clandestinité, dans des refuges et, de l'autre côté, on ferme les yeux sur le trafic à ciel ouvert qui s'opère sur la voie publique. Ceci sans parler de cet anachronisme bancaire qui participe grandement à l'opacité et au dévoiement du système bancaire et qui fait que, de manière tout à fait légale, des fonds en devises acquis sur le marché parallèle, sans aucune traçabilité quant à leur origine, peuvent être déposés en toute quiétude dans les banques, avec possibilité d'en disposer sans restriction. La guerre des monnaies, à coup de dévaluation, qui empoisonne les relations entre les grandes puissances se décline dans les pays en développement comme l'Algérie sous la forme dangereuse d'une guerre déclarée contre la stabilité de la monnaie nationale. S'il est admis que la parité du dinar avec la devise étrangère est fondamentalement conditionnée par les performances de l'économie nationale, il demeure que les pratiques spéculatives de la devise contribuent également de manière significative à la cotation boursière du dinar sur le marché informel, avec toutes les conséquences que cela induit sur la santé économique du pays. C'est le prix payé à la convertibilité du dinar selon les règles et les conditions imposées par le marché parallèle.