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Rachid Tlemçani : "La grogne populaire risque de perdurer dans la configuration politique actuelle"
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Publié dans El Watan le 10 - 01 - 2011

Le docteur Rachid Tlemçani, professeur à l'université d'Alger, a exercé en tant qu'enseignant-chercheur dans plusieurs centres de recherche universitaires, aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis (Harvard, Georgetown University…).
Il a à son actif plusieurs publications dans des revues spécialisées. Elections et Elites en Algérie est son dernier ouvrage, publié par les éditions Chihab (Alger). Dans cet entretien, il nous fait part de son éclairage sur les émeutes du 5 janvier 2011 et leurs enjeux politiques et électoraux.
-Peut-on faire des analogies entre les émeutes d'octobre 1988 et celles de janvier 2011 ?
Les émeutes de janvier 2011 nous rappellent à plus d'un titre, étrangement, celles d'octobre 1988. La lutte de clans des années 1980 a trouvé son épilogue dans la rue au détriment de l'intérêt national. Une infitah tous azimuts au lendemain de ces événements fut rapidement mise en branle. La dynamique de ce mouvement fut rapidement interrompue une fois qu'il a été jugé incontrôlable. Les blessures de ces événements ne se sont pas cicatrisées complètement qu'apparaissent de nouvelles, plus béantes que les précédentes. Comme en octobre 1988, l'on assiste aujourd'hui à une révolte de la jeunesse qui en a ras-le-bol de tout le monde et souhaite fuir par tous les moyens ce pays.
La situation sociale d'aujourd'hui est en effet comparable à celle de 1988. A la différence, les caisses de l'Etat sont bien pleines aujourd'hui par rapport à 1988. Autre fait marquant : les cliques politiques qui gèrent la manne pétrolière par la soumission des élites politiques restent les mêmes. Certains sont au pouvoir avant même la naissance du président Barack Obama alors que plus de 80% de la population est née dans la période post-coloniale. Les Algériens sont devenus «un peuple malheureux» alors que le Pouvoir est incapable de dépenser rationnellement et intelligemment les deniers publics.
-Le mécontentement populaire a pris une nouvelle dimension en ce début d'année 2011. Quelle est votre première analyse de la situation ?
Les dernières augmentations des prix des produits de première nécessité ont fait sortir brutalement la jeunesse dans la rue, plus particulièrement la génération post-octobre. Très étrange, les pouvoirs n'ont cessé, depuis les derniers mois de l'année passée, de mettre en garde les Algériens sur l'augmentation des prix des produits de large consommation. Dans cette perspective, on décide brutalement d'imposer de nouvelles taxes aux grossistes et d'éliminer le commerce informel faisant vivre plus de 40% de la population. Des pénuries de produits alimentaires (pain, lait, huile..) ont apparu du jour au lendemain, comme ce fut le cas dans le passé lors de la gestion de la chose publique par la pénurie. Sans crier garde, on est passé d'une économie de marché à une économie administrée. Comme prévu, les prix flambent en effet le lendemain du nouvel an 2011, dans un climat social déjà en ébullition par un mouvement de protestation, unique dans l'histoire politique du pays. Selon le quotidien Liberté, 112 878 interventions de maintien de l'ordre, soit presque 900 émeutes et troubles par mois, ont jalonné l'année 2010. Etrange coïncidence, prévue de longue date, l'augmentation des salaires des forces de sécurité est annoncée pour ce début d'année.
-Pour faire sortir spontanément la jeunesse à travers le territoire national pour crier son ras-le-bol, y a-t-il eu manipulation comme en octobre 1988 ?
Il est très difficile d'expliquer la dimension nationale de ces émeutes dans un pays caractérisé par l'interdiction des manifestations publiques mise en place par l'état d'urgence depuis 1992. Dans un tel contexte, un peuple brimé ne peut pas sortir dans la rue spontanément. L'hypothèse de la manipulation prend donc toute sa signification. La manipulation est le propre de tout régime politique caractérisé par l'absence d'une société civile forte et active. Le problème, avec cet engineering, c'est lorsqu'elle se fait au détriment de l'intérêt national. En 1988, cette lutte s'était focalisée entre les conservateurs et les réformateurs dans les arcanes du pouvoir. Aujourd'hui, le conflit oppose le camp présidentiel à «la main invisible» du pouvoir que la politique «du tout sécuritaire» lui a permis à se redéployer horizontalement et verticalement au détriment de la promotion de la société civile et de l'Etat de droit.
La maladie du président de la République a exacerbé cette lutte, dont sa succession a commencé avant même le début troisième mandat, mandat remporté à la suite de la révision constitutionnelle et d'une parodie électorale à l'image des républiques bananières. Le calcul fait à ce moment-là est qu'il ne sera pas en mesure de terminer son mandat pour incapacité physique et, par conséquent, la course à la présidence serait moins fermée que les précédentes. Les prétendions réelles ou supposées de Said Bouteflika à vouloir «hériter» de son frère la magistrature suprême du pays a rendu la lutte des clans plus problématique. La première étape à remporter, ce sont les législatives de 2012 donnant accès à une légitimité présidentiable. La sortie médiatique de Sid Ahmed Al Ayachi, prétendu président d'un parti politique non agréé, ayant récolté 2 millions de signatures pour la candidature de Saïd Bouteflika, a relancé de plus belle la course au pouvoir.
La crise interne qui secoue le FLN depuis l'été 2010 s'inscrit aussi dans ce cadre. Cette crise a trouvé rapidement son épilogue lorsque son secrétaire général a fait une mise au point au comité central. Il a en effet déclaré : «Le président Abdelaziz Bouteflika serait le candidat du FLN en 2014, si Dieu le veut.» En faisant cette mise au point, le secrétaire général de l'ex-parti unique s'exclut de cette course, du moins pour le moment.
-Ce mouvement est-il une éruption de colère sans lendemain ou s'inscrit-il dans la durée ?
La grogne populaire en Algérie risque de perdurer dans la configuration politique actuelle. Les émeutes qui ont lieu dans plus de 20 villes nous laissent croire que ce mouvement violent risquerait de se durcir avec le temps. En lieu et place de revendications par la voie pacifique, qui auraient interpellé le pouvoir, les sorties dans la rue se sont transformées en «descentes» pour piller et saccager les biens de la collectivité et des personnes. Le pillage a pris le pas sur les signes de mécontentement. Lorsque le lien politique n'existe pas, la violence remplace souvent l'expression politique. Les émeutes ne sont pas seulement des éruptions de colère ou des réactions spontanées, elles sont aussi un instrument particulier de négociation avec ceux qui détiennent le pouvoir. Ce qui est extraordinaire, c'est que l'opinion publique croit dur comme fer que seule la violence paie dans un pays où les institutions électives mises en place à coups de milliards de dinars sont des coquilles vides et ne servent qu'à légitimer des prébendes.
Au regard de la modernisation de l'appareil sécuritaire au détriment de l'institutionnalisation du politique et du respect des droits de l'homme et du citoyen, il semble que le pouvoir s'est enfermé dans un engrenage intenable. La normalisation sécuritaire mise en place avec la bénédiction des islamistes modérés et des démocrates, idéologiquement, a atteint ses limites congénitales.
Le gouvernement tente d'engranger les dividendes de ce mouvement de mécontentement, qualifié à dessein de mouvement social et vidé sciemment de son contenu politique pourtant évident. Les partis ont préféré suivre les événements sur les chaînes satellitaires au lieu de descendre dans la rue pour encadrer le mouvement. Cette fois, le pouvoir a pris de vitesse ces partis, il a tenté d'occupe le terrain. Il a envoyé ses émissaires et représentants rencontrer les jeunes dans les rues. Il a promis des prébendes aux acteurs et annoncé des programmes de prise en charge des revendications de la jeunesse. Une fois encore, on tente de prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages.
-Tout compte fait, les institutions électives et les partis politiques ne jouent pas leurs fonctions…
Ces institutions n'ont pas permis l'émergence d'un pouvoir intermédiaire entre gouvernement et gouvernés et entre Etat et peuple. Bien au contraire, elles ont consolidé l'Etat sécuritaire qui commence à sérieusement s'essouffler. On a une situation bizarre. D'un côté, il y a un front social en ébullition, des émeutes partout à travers le territoire national. De l'autre côté, ces luttes ne sont pas traduites au niveau politique. L'on constate que même l'opposition institutionnalisée n'a pas de projet de société, elle est déconnectée de la réalité de ses militants et sympathisants. Dans une telle configuration politique, l'émeute s'inscrit dans la durée et devient un élément structurant de l'alternance politique.
-Attribuez-vous la crise actuelle au verrouillage politique et médiatique du pays ?
En effet, le jeu politique a été fermé de tout temps, c'est pourquoi la crise de légitimité perdure ; plus grave encore, cette crise a produit un immobilisme dévastateur pour l'intérêt national. Les éléments structurants de la crise sont non seulement encore présents dans la configuration politique actuelle, mais plus grave encore, la crise est devenue plus déstabilisante qu'avant. L'ouverture démocratique a été rapidement fermée une fois que l'opposition a été récupérée dans la lutte des clans. Le pouvoir a créé autour de lui un vide presque absolu, sans interlocuteurs légitimes. Comme durant les années de plomb, il considère tout conflit (social, politique ou culturel) comme nuisible à l'état de santé du pays et à l'unité nationale.
Les émeutes se multiplient sans que cela suscite un débat public à l'Assemblée nationale ou dans une autre institution. En effet nul autre pays, quel que soit le régime politique, ne semble vivre la fréquence et l'intensité de ces émeutes. L'émeute est quasi quotidienne, presque banalisée, et n'intéresse même plus les dirigeants. La classe politique, toutes tendances confondues, ne pense qu'à la présidentielle de 2014. Les élites passent le plus clair de leur temps à échafauder des scénarios et des complots pour garder le pouvoir et se partager la rente, au lieu d'encadrer le mouvement social et de gagner ainsi de crédibilité.
-Pensez-vous que Saïd Bouteflika, une personnalité qui manque de charisme avéré, a beaucoup de chances de succéder à son frère en 2014 ?
Je pense qu'il est encore trop tôt de parler de la présidentielle de 2014. Le réalignement des forces au sein des lobbies de l'économie nationale n'a pas encore dévoilé tous ses secrets. Les grands dossiers de corruption viennent juste d'être ouverts. Il faut attendre pour voir comment les choses évolueront au sein du secteur des hydrocarbures ; elles viennent de se compliquer avec la question du partenaire dans le grand projet des énergies renouvelables.
Dans un pays où la politique n'est pas institutionnalisée en dépit de l'installation régulière d'institutions électives, tout Algérien peut être présidentiable. Chadli Bendjedid, un obscur colonel d'une Région militaire, fut bien intronisé président de la République pendant 13 longues années. Lorsqu'un groupe d'individus, déconnecté de la réalité locale et des nouveaux enjeux mondiaux, décide de l'avenir de tout un pays, histoire et peuple, c'est qu'il y a un problème quelque part dans la machine. L'enjeu véritable n'est pas vraiment de savoir qui sera le prochain chef d'Etat, mais c'est plutôt si ce scrutin permettrait une ouverture réelle du champ politique pour pouvoir amorcer la transition démocratique.
L'Etat sécuritaire va-t-il faire sa mue afin de permettre à la génération post-Octobre de prendre la relève ? Si le jeu démocratique est ouvert à tous les acteurs, tout le monde serait gagnant-gagnant. Par contre, si on continue à faire de la «boulitik», je pense que le pays ratera une fois encore sa rencontre avec l'histoire. Tout compte fait, le candidat de l'Etat sécuritaire, connu ou non de l'opinion publique, sera intronisé à la magistrature suprême du pays. A cette fin, un mouvement de moubayaâ, comme ce fut le cas en 2009, sera organisé en grand tintamarre pour formaliser la décision prise sous d'autres cieux. Certes, des voix discordantes vont crier à la «fraude massive». Certaines personnalités feront, selon toute vraisemblance, appel à la communauté internationale pour changer l'ordre des choses. Mais en vain.
L'Etat Algérien des années 2000 n'est plus l'Etat failli des années 1980 et 1990 ; il est devenu un Etat fort tant sur le plan sécuritaire que sur le plan financier. La société militaire est devenue plus forte que la société civile. Une certaine stabilité politique au détriment de la promotion de la société civile et de démocratisation institutionnelle est soutenue par les partenaires commerciaux, comme l'ont révélé les câbles diplomatiques de WikiLeaks. Faire du business avec un pouvoir vertical est plus profitable qu'avec un pouvoir légitime. La normalisation de l'Algérie au sein du concert des nations ne s'est pas faite par la démocratisation mais par la mise en place du modèle de l'alternance politique préexistant dans les autres pays arabes. Ce que les kleptomanes ont de difficultés sérieuses à admettre, c'est que le règne du burnous, du turban ou du képi est bien terminé. The game is over. C'est une affaire de temps !


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