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Empreinte
Lettre à Tombouctou (I)
Publié dans El Watan le 24 - 11 - 2005

du 14 au 21 novembre s'est tenue à Tombouctou l'Université des cinq continents, animée par des professeurs, des chercheurs et des artistes venus du monde entier. J'étais chargé d'animer un atelier littéraire et j'avais choisi de faire un travail comparatif entre Le Devoir de violence du Malien Yambo Ouologuem (Paris éd.
du Seuil 1968) et mon propre roman, Les 1001 années de la nostalgie (Paris éd. Gallimard 1979) Voici le texte de présentation que j'ai lu devant un grand nombre d'étudiants, d'universitaires et d'artistes de l'Université des cinq continents : A sa parution en 1968, Le Devoir de violence attira mon attention par sa superbe écriture flamboyante, mais aussi par sa vision de l'histoire africaine qui a été jusque-là falsifiée autant par les historiens et les écrivains autochtones que par les ethnologues et les anthropologues occidentaux. D'un côté, les tenants de la négritude (Senghor et Césaire) avaient idéalisé cette Afrique fantasmée et fabulée. De l'autre, les ethnologues (Jean Rouch, par exemple) et même les artistes (Picasso, par exemple) avaient exagéré la puissance et la splendeur des royaumes de l'Afrique noire, avant l'arrivée des colonisateurs européens. Avec Le Devoir de violence, Yambo Ouologuem a violemment remis en cause cette lecture fallacieuse, pour nous proposer une vision plus honnête et plus authentique d'une Afrique meurtrie, esclavagisée et exploitée par les potentats locaux, les rois ubuesques et les Arabes qui ont pratiqué, d'une façon systématique et avant toutes les autres colonisations, la traite des Noirs. La traite des Noirs, organisée par les empires arabo-musulmans dès le Xe siècle, m'avait toujours révolté, d'autant plus que dès l'enfance j'ai découvert l'horreur du phénomène en lisant Les Mille et Une Nuits où ce thème est récurrent. J'avais vécu ce malaise dès les indépendances tant de l'Afrique noire que de l'Afrique blanche. Parce que nulle part, on ne parlait des exactions de l'homme arabe et musulman. D'autant plus que dès sa parution Le Devoir de violence suscita une réaction négative de certains écrivains africains, dont Soyinka, Mbeloko Ya Mpiku, Tunde Fatunde et tant d'autres. Ce qui était très surprenant. Du côté occidental, une cabale allait être montée contre le livre par des écrivains tels Graham Green et André Schwartz-Bart qui accusèrent Yambo Ouologuem de les avoir plagiés. Au cours du procès intenté à l'écrivain malien, on cita même les noms de Guy de Maupassant et de Raymond Roussel qui eux aussi auraient été pillés par Ouologuem. Le livre fut donc interdit (en fait censuré) parce qu'il mettait le doigt sur la plaie et qu'il démontait des siècles de complots, de massacres, de pillages et de complicités entre les potentats africains, les chefs religieux et les colonisateurs blancs. Grâce à leur islamisation rapide dès le Xe siècle, les Peuls sont considérés comme descendants directs du Prophète Mohamed et vont régner en maître sur l'Afrique du Sahel. Etant un Dogon, Yambo Ouologuem parodie d'une façon terrible et à travers une écriture et un style superbes, les privilèges raciaux des Peuls qui se revendiquent « juifs noirs » d'Afrique de l'Ouest où la zaouia tidjania, arrivée au début du XIXe siècle du Maroc ou d'Algérie (les thèses à ce sujet se contredisent souvent), est une véritable puissance tant politique, religieuse, qu'économique. C'est cette « colonisation musulmane » que Le Devoir de violence dénonce à travers les exactions d'El Hadj Omar Tall contre les Noirs africains et les Dogons pendant plus d'un siècle et demi, sous l'étendard du djihad. Dès les premières pages, Yambo Ouologuem donne le ton (cf : p. 25 à 26) : « Nos yeux boivent l'éclat du soleil, et, vaincus, s'étonnent de pleurer, Maschallah ! oua bismillah !... » Un récit de l'aventure sanglante de la négraille - honte aux hommes de rien ! - tiendrait aisément dans la première moitié de ce siècle ; mais la véritable histoire des Nègres commence beaucoup, beaucoup plus tôt, avec les Saïfs, en l'an 1202 de notre ère, dans l'empire africain de Nakem, au sud du Fezzan, bien après les conquêtes d'Okba Ben Nafi El Fitri. Raconter la splendeur de cet empire - dont la renommée, atteignant le Maroc, le Soudan, l'Egypte, l'Abyssinie, la noble et sainte ville de La Mecque, fut connue des Anglais, des Hollandais, des Français, des Espagnols, des Italiens, et bien entendu, des Portugais - n'offrirait rien que du menu folklore. Ce qui frappe, lorsque, le regard béant sur des solitudes amères, anciens notables et griots parlent de cet empire, c'est, devant la « bénédiction » implacable de Dieu, ouallahi !, la fuite déséspérée de sa population, baptisée dans le supplice, implantée dans le Randé, disséminée le long des arides montagnes de Goro Foto Zinko, jalonnant les îles du fleuve Yamé sur plus de deux mille kilomètres en aval de Ziuko, occupant les frontières extrêmes de la côte Atlantique, se dispersant enfin le long des savanes limitrophes de l'Afrique équatoriale, en groupements d'importance inégale, séparés les uns des autres par les tribus diverses : Radingués, Peuls, Gondaïtes, Berbéro-nomades, N'Godos, s'escrimant, pour la prise du pouvoir impérial, en rivalités intestines où la violence le disputait à l'épouvante. En représailles, les Saïfs - aux cris : « A la clarté du monde ! » - ensanglantaient leurs sagaies de crimes et d'exactions tribales... En cet âge de féodalité, pour chanter leur dévotion à la justice seigneuriale, de grandes communautés d'esclaves voyaient, outre le travail forcé, quantité des leurs se laisser emmurer vifs, englués du sang d'enfants égorgés et de femmes enceintes éventrées... Il en fut ainsi à Tillabéri-Bentia, à Granta, à Grosso, à Gagol Grosso, et dans maints lieux, dont parlent le Tarik El Fetah et le Tarik El Sudan des historiens arabes. Il s'élevait toujours ensuite une houleuse imploration, qui retentissait de la place du village aux sombres taillis où dorment les hyènes. Suit un pieux silence, et le griot Koutouli, de précieuse mémoire, achève ainsi son geste : « Non loin des corps de la horde des enfants égorgés, on comptait dix-sept fœtus expulsés par les viscères béants de mères en agonie, violées, sous les regards de tous, par leurs époux, qui se donnaient ensuite, écrasés de honte, la mort. » Et ils ne pouvaient se dérober à ce suicide, pour sauver la vie d'un de leurs frères, témoin impuissant dont le regard, empreint de l'incrédulité du désespoir, était - Al'allah ! - jugé « éploré plus que de raison », ou « terrifié moins qu'à l'accoutumée... » En fait, Yambo Ouologuem est affecté par la complexité des rapports entre Peuls, Dogons et Français. Un problème d'identité compliquera beaucoup sa vision vis-à-vis de l'Islam conquérant et de la colonisation française aussi sanglante.
(à suivre)


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