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La leçon tunisienne
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Publié dans El Watan le 02 - 02 - 2011

Cette petite pierre que la «Révolution de jasmin» vient de déposer au panthéon de la démocratie est la graine qui réveillera peut-être le Maghreb, longtemps plongé dans une léthargie et un immobilisme devenus assourdissants et insupportables.
Les régimes anti-démocratiques, liberticides et obscurantistes sont les maladies de la terre, grouillant à sa surface l'espace d'un moment. Le déluge qui finit toujours par les engloutir porte un nom : illégitimité, injustice, usage du droit de la force aux place et lieu de la force du droit.Leur chute, prévisible ou pas, brutale ou pacifique, suscite l'enthousiasme et l'espoir de bâtir une société moins injuste basée sur le droit, la justice, la liberté d'expression, le libre choix de ses dirigeants périodiquement soumis à un suffrage populaire loyal et où la majorité respecte la minorité. C'est ce que doit éprouver et ressentir la majorité des citoyens tunisiens, eux qui viennent d'ouvrir la voie dans un Maghreb encore, hélas, sous le joug de régimes autoritaires usés et vieillissants, qui, à l'aube de leur déclin, caressent le rêve de transmettre le pouvoir populaire par voie héréditaire, par le sang. La brèche ouverte par la «Révolution de jasmin» (en clin d'œil à la «Révolution des œillets» au Portugal) restera comme l'événement majeur de ce début du XXIe siècle.
L'histoire de la révolte populaire de nos voisins tunisiens, qui a fini par balayer un régime policier vieux d'un quart de siècle, est à écrire. Elle est aussi à méditer. Après avoir déboulonné le régime de l'ex-général-président, le peuple tunisien et ses forces démocratiques saines semblent résolus et déterminés à jeter les bases d'un départ pour une construction démocratique dans leur pays. Au-delà des difficultés du moment liées à la complexité du processus de transformation, ils ont beaucoup d'atouts pour réussir. Quoi qu'il en soit, les héritiers de Hannibal ont franchi le Rubicon vers les souterrains de la démocratie, et rien ne sera plus comme avant en Tunisie. Dans ce qu'elle a de symbolique, la «Révolution de jasmin» est porteuse d'espérance pour l'instauration de la démocratie dans tous les pays du Maghreb. Ses répliques commencent déjà à se faire ressentir et le doute s'est installé.
Cela dit, s'il fallait donner un nom à la leçon de la «Révolution de jasmin», le mot «miracle» conviendrait parfaitement. Derrière le miracle, il y a le «moteur» de son accomplissement. D'un côté, les larmes et le sang, la haute conscience politique et la maturité de la société tunisienne et de sa classe politique et syndicale saines et démocratiques, mais également les hasards de l'histoire des peuples qui provoquent parfois des accélérations en faisant tomber les citadelles les plus inexpugnables. D'un autre côté, un régime policier ayant atteint un degré d'irrationalité tel que son existence posait problème.
Problème, d'abord, pour le peuple tunisien meurtri dans sa chair et sa dignité. Problème, ensuite, pour le régime lui-même devenu une bulle déconnectée de tous les fondamentaux d'un contrat social, sourd à toute revendication et aveugle dans ses réactions. Face à ce problème à résoudre, le peuple tunisien pacifique, laborieux, cultivé a, seul et sans appui moral ou matériel de l'extérieur, tout jeté dans la balance : son courage, sa détermination, l'engagement, la constance et la persévérance de son opposition démocratique réelle mais aussi et également l'intelligence et le ressaisissement de son armée nationale demeurée républicaine et en dehors des «affaires», pour venir à bout d'un système politique qui, en niant presque toutes les libertés individuelles et collectives, en instaurant une surveillance policière au sein-même de la vie privée et en détournant à son seul profit l'essentiel des ressources, a transformé la société tunisienne, à l'image de celle décrite par G. Orwel dans son livre,1989, et réduit le Tunisien au statut de serf taillable et corvéable à merci de l'Europe du XIIIe siècle.
Le pendule de l'Histoire a penché du côté des justes. Voilà très brièvement rappelées les principales causes et les origines premières du miracle de ce 14 janvier 2011 au pays du jasmin. Cet événement, dont la portée est considérable, n'a pas manqué de susciter de nombreuses réactions, certaines rares venant des pays dits démocratiques pour encourager et accompagner politiquement et moralement le processus en marche, d'autres plus nombreuses comprenant des pays démocratiques et des régimes autoritaires pour mettre le frein des deux côtés.
On remarquera dans ces derniers cas la mise dos à dos des opprimés et des oppresseurs sous prétexte de l'argument que la violence ne résout rien. Ce qui n'est pas totalement faux, mais aussi pas totalement vrai. La seconde catégorie de réactions (celles du frein) est un bon indicateur de mesure de l'état du monde à l'égard des régimes contre nature, liberticides et autoritaires. Deux réactions parmi d'autres et représentatives de cet état du monde : la première vient du camp démocratique (France) la seconde du camp d'un régime anti-démocratique (Algérie). Les deux se rejoignent pour mettre le frein des deux côtés et, chose surprenante, la position du pays de 1789 est plus en pointe penchant en faveur du dictateur avant sa chute.
Au moment où la révolte tunisienne se généralisait en se durcissant, la France, pays des droits de l'Homme, n'a rien trouvé de mieux à proposer que l'envoi en Tunisie (mais également en Algérie, elle aussi en proie à des révoltes populaires) de ses forces anti-répression pour mettre fin au désordre qui menaçait le «bon modèle» de Ben Ali (sic). Les peuples tunisien et algérien, qui ont une longue histoire commune avec la France, étaient en droit d'espérer mieux du pays de Marie Antoinette et de Robespierre. Mais, chassez le naturel il revient au galop. On se souvient qu'après le 1er Novembre 1954, les forces armées françaises débarquaient massivement au pays de Jugurtha et de l'Emir Abdelkader pour… encore rétablir l'ordre.
Décidément, Michelle Alliot-Marie, de son état ministre des Affaires étrangères de la France, ancien ministre de la Défense, après un passage au ministère de la Justice l'a très bien compris. «L'ordre c'est le désordre plus les flics», comme le chantait L. Ferré. Cette réaction d'un pays dit démocratique et de surcroît précurseur des droits de l'Homme, à l'égard d'un dictateur pris au collet par l'Histoire, amène immanquablement à s'interroger sur la nature des raisons du soutien critique des démocraties occidentales en général à l'égard des régimes autoritaires et anti-démocratiques au Maghreb et ailleurs. Les raisons invoquées pour expliquer ces mariages contre-nature sont de natures diverses et ont varié au gré des circonstances.
Un rapide résumé : la démocratie est un système politique inadapté aux pays «pauvres» du fait de certains éléments culturels générateurs d'instabilité ; la démocratie suppose une maturité dont seraient dépourvus ces peuples et leurs dirigeants ; éviter à ces pays de tomber dans l'idéologie ennemie (communisme autrefois, l'islam radical aujourd'hui) considérés comme encore plus anti-démocratiques que… les régimes autoritaires et liberticides ; ou encore éviter au peuples opprimés de s'engager dans des processus où la liberté n'est pas toujours au bout mais bien au contraire. Autrement dit, le soutien critique serait un mal pour un bien mais dont l'éventail des arguments est suffisamment large et diversifié pour penser que les régimes autoritaires ont encore de beaux jours devant eux sous l'œil bienveillant des pays démocratiques.
Dans cette perspective, la leçon tunisienne serait presque un geste de lèse-majesté. Ceci pour le côté cour. Côté jardin, les choses sont encore plus préoccupantes. Car, en vérité, le soutien critique est forgé dans le creuset de l'intérêt égoïste des uns (accès et contrôle aux matières premières, occupation d'espaces stratégiques pour la défense ou les approvisionnements… en contrepartie du soutien critique), désinvolture et irresponsabilité des autres (qui sacrifient les intérêts supérieurs de leur nation et de leur Etat sur l'autel du soutien critique pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de leur peuple). Cette convergence des intérêts des uns (puissants et démocrates) et des autres (obnubilés par l'exercice du pouvoir pour le pouvoir), renvoie aux calendes grecques la question de la démocratisation des régimes autoritaires, avec comme conséquence dramatique de rendre quasiment impossible un développement économique réel dans les espaces placés sous des gouvernances autoritaires et liberticides. Car, c'est un fait établi de longue date qu'il ne peut être amorcé aucun développement économique et social réel sans un minimum de libertés et de droit.
Dans ce sens, le soutien critique prive du rêve, mais aussi du pain. Les Tunisiens l'ont bien compris. Espérons que d'autres le comprendront demain. Après la chute de l'ex-général-président, la réaction, également surprenante, du régime algérien est venue d'un quarteron de partis politiques, aux idéologies opposées et dont le poids et le destin politique se décident en dehors des urnes. S'affichant en vitrine comme les dépositaires du pouvoir populaire, mais qui en coulisses courent derrière les «quotas» et non derrière le peuple, ils se sont affublés du titre d'«alliance présidentielle» pour donner à l'extérieur et aux Algériens l'illusion de diversité et de rassemblement du commandement d'un navire qui - tout le monde s'accorde à le dire - fuit de partout où l'encanaillement du peuple est le modèle d'éducation politique peaufiné par notre quarteron, le chacun pour soi, l'ascenseur de la réussite sociale et l'accumulation primitive au sens de Marx érigée en véritable «sport national»…
Leurs déclarations, après la langue de bois en usage, se sont vite transformées en des séances d'exorcisme pour conjurer la crainte de l'effet de contagion (comme semble le confirmer ce qui se passe en Egypte, au Yémen, en Jordanie, au Soudan…) de la «Révolution de jasmin» aux pays du Maghreb, et donc de l'Algérie. Le slogan des séances d'exorcisme : «L'Algérie n'est pas la Tunisie». Ce slogan, comme toutes les victoires à la Pyrrhus, mérite quelques explications. D'où viendrait, en effet, la différence ? Est-ce parce qu'en Algérie le territoire géographique est plus vaste ? Est-ce parce que la quantité des ressources naturelles est plus importante ? Est-ce parce que le développement économique, malgré des ressources considérables, est totalement artificiel ? Est-ce parce que la faillite du système éducatif est définitivement consommée ? Est-ce parce que l'armée nationale serait davantage prétorienne ? La réponse dans ce cas est évidemment oui.
L'Algérie n'est pas la Tunisie. Maintenant, s'il s'agit d'une appréciation sur l'état du monde en Algérie en termes du droit des Algériens à revendiquer la liberté, la démocratie, d'aspiration du peuple algérien à reconquérir de façon pacifique le rétrécissement de ses libertés individuelles et collectives, du droit à un jeu politique sain et républicain, ou encore du droit des Algériens à une armée républicaine et forte, la réponse est évidemment oui. Il faut dans ce cas laisser à ses auteurs leur appréciation et l'Histoire jugera. Car, pour reprendre J. Steinbeck, qu'«importe la tenue, il n'y a que le combat qui compte». Et toutes les différences entre l'Algérie et la Tunisie n'y changeront rien. C'est aussi cela la leçon de la «Révolution de jasmin». Dans la réaction de notre quarteron, ce qui est triste et douloureux, c'est que le symbole qui a conduit le peuple algérien à sa libération d'un système dominateur et exploiteur, a joint, sans retenue et toute honte bue, sa voie à des chiens de garde qui restent dans leur rôle.
A ces derniers il faut dire : «Oui, la Tunisie en marche vers la démocratie projette l'image de notre propre avenir.» Quant au symbole de Novembre 54, avec tout le respect que l'on doit aux martyrs, mais aussi à tous ceux qui ont survécu à l'enfer de l'Algérie en lutte, il faut bien faire le constat que l'idéal de sa force de jadis a été sacrifié sur l'autel de la raison matérielle et rentière, lâchant ainsi la proie (la lumière) pour l'ombre.
En conclusion, la leçon tunisienne, magistrale dans sa forme, est dans son fond une leçon de courage et d'espoir dans la lutte toujours recommencée du bien contre le mal. Elle vient confirmer le dicton de chez nous : ma yebqua fel oued ghir ehdjarou (ne reste dans le lit du fleuve que ses pierres). La marche vers les idéaux de liberté et de justice, où le privilège n'est toléré que s'il est au service de l'amélioration du sort de tous, ne peut être arrêtée, car elle est dans le cœur des hommes, passant d'un cœur à un autre, et son étouffement passager n'est qu'illusion.
Cette petite pierre que la «Révolution de jasmin» vient de déposer au panthéon de la démocratie est la graine qui réveillera peut-être le Maghreb, longtemps plongé dans une léthargie et un immobilisme devenus assourdissants et insupportables. Une société où le rêve de liberté est brisé, la soif de justice étouffée où le respect est plus inspiré par la crainte que par le mérite et où le privilège librement consenti est dévoyé est une société condamnée à l'instabilité, à la régression et à l'éclatement. La cohésion et la survie d'une société vaudraient-elles moins qu'une autocratie même masquée ?


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