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«Une faillite dans les choix stratégiques»
Dr Nasser Bouyahiaoui. Professeur à la faculté des sciences économiques et l'Insim de Tizi Ouzou
Publié dans El Watan le 14 - 02 - 2011

Nasser Bouyahiaoui est enseignant à la faculté des sciences économiques de l'université de Tizi Ouzou, ainsi qu'à l'Insim. Spécialiste en économie et en finance, il est également consultant international dans le domaine de l'intelligence économique.
-Le chef de l'Etat vient d'ordonner l'élargissement des mesures déjà existantes en matière de logement, d'emploi et de pouvoir d'achat pour absorber la colère de la population. Pensez-vous que ce soit suffisant ?
Je me demande si on gouverne en réagissant à des colères ou si on gouverne pour le bien-être d'une société. Si à chaque fois qu'il y a des gens qui rouspètent, on prend des mesures en essayant de subventionner presque tous les produits, à mon avis c'est une erreur grave et en même temps, c'est l'échec d'une politique économique qui n'a pas été bien orientée. On a fait des erreurs dans les orientations stratégiques, ainsi que dans les différentes étapes et les choix des secteurs réellement à promouvoir. Mais, avec les flambées des prix et le problème de logement, à mon avis, subventionner à chaque fois n'est pas la meilleure des méthodes, ça va coûter beaucoup d'argent, qui sera gaspillé et j'ai peur de qui devra payer la facture plus tard. Toutes ces mesures ont prouvé que nous avons développé une autre culture, celle de la non production des produits stratégiques tout en comptant sur une ressource rare et non renouvelable. Tout l'argent qui va être dépensé dans les subventions et les mesures de soutien et d'aide, sont des centaines de milliards de dinars, qu'on aurait pu utiliser dans des secteurs créateurs de richesses.
-Justement, comment expliquer ce déséquilibre du marché qui s'accélère au même moment que la liste des produits subventionnés s'élargit davantage ?
On ne peut pas réguler par les subventions, c'est une erreur. Il faudrait penser à moyen et long termes et pas à très court terme. Réguler le marché par l'offre et la demande, par la disponibilité de la production, par une stratégie orientée vers un secteur agricole visant à produire bien et mieux les produits de large consommation. Nous sommes dépendants de l'étranger. Nous n'avons pas développé une stratégie de sécurité alimentaire. Malheureusement, nous n'avons pas fait l'audit de l'échec du PNDA et du PNDRA. Aujourd'hui, on nous parle du renouveau agricole. Au début, nous importions pour 2,5 milliards de dollars et je me rappelle du temps du ministre de l'Agriculture Saïd Barkat qui parlait de la réduction de la facture d'importation et même d'avoir un excédent dans le secteur agricole. C'est une utopie.
Maintenant, nous sommes passés à 8 milliards de dollars et plus et nous sommes grandement dépendants de l'extérieur. Imaginez juste un moment qu'il puisse y avoir un embargo sur l'Algérie pour quelques semaines ou quelques mois, nous serions obligés de hisser le drapeau blanc. Il y a une faillite dans les choix stratégiques. Nous n'avons pas fait de diagnostic et ce n'est pas en subventionnant que nous allons réguler le marché. C'est une erreur stratégique dangereuse et économiquement suicidaire dans le sens où l'argent qui devrait être utilisé dans le secteur créateur de richesses et d'emplois, est dévié vers des produits à subventionner pour le bien être du citoyen d'aujourd'hui au détriment du citoyen du futur. Il y a beaucoup de conseillers et économistes qui ont suggéré pendant les premiers jours de soulèvement qu'il faudrait supprimer les taxes, réduire les droits de douanes. Ce sont des mesures trompeuses, politiquement et socialement bonnes, mais économiquement catastrophiques. Je suis partisan de laisser un avenir plus agréable pour les générations futures. Continuer à dépenser, à consommer et à subventionner, c'est une culture dangereuse à court, moyen et long terme.
Il faudrait peut-être demander au peuple, quand celui-ci lui fait confiance aux gouvernants, de serrer la ceinture et de modifier le mode de consommation. Si le peuple voit qu'au niveau des autorités et du leadership, il y a une bonne gouvernance et une certaine rationalité dans le développement et la croissance, à ce moment là, je pense qu'il fera le sacrifice nécessaire. Maintenant, nous l'avons habitué en lui disant que l'Algérie est riche, qu'elle a beaucoup d'argent avec 150 milliards de dollars de réserves de change et un plan de relance 286 milliards de dollars. Cela veut dire qu'on a dopé le peuple. La question aujourd'hui est de savoir comment réconcilier l'optimisme biaisé du leadership et le pessimisme biaisé de la population.
-Pour absorber le plus de chômeurs possible, le gouvernement aurait demandé aux entreprises de recruter au maximum, même au delà de leurs besoins. Ne sommes-nous pas entrain de retomber dans une politique de colmatage ?
Non seulement une politique de colmatage, mais qui est aussi grave. D'un côté, nous demandons aux entreprises algériennes de produire mieux, d'être compétitives et de l'autre, nous leur demandons de recruter en plus grand nombre pour réduire le chômage. Qui payera les salaires de ces travailleurs, l'Etat ou les entreprises ? Si c'est l'Etat, nous allons agrandir le déficit budgétaire et si c'est les entreprises, ce sera une surcharge pour elles et elles ne pourront jamais être compétitives. Par ailleurs, recruter des gens oui, mais seront-ils qualifiés et vont-ils contribuer à la productivité de l'entreprise, à son développement, ou est ce qu'on va les entasser dans des bureaux. Je préfère à ce moment là qu'on leur demande de rester chez eux et de leur payer un salaire. A mon avis, au lieu de les recruter, pourquoi ne pas les envoyer dans des centres de formation et les préparer pour les besoins de l'économie. Ils ne sont pas qualifiés, pas formés. On leur a donné des diplômes mais dont l'économie n'a pas besoin.
La plupart des entreprises algériennes souffrent du manque d'ouvriers qualifiés spécialisés et là nous allons continuer à les entasser. C'est une erreur. A un certain moment, l'Etat qui intervenait s'est désengagé de l'économie nationale, maintenant il veut revenir en force. Nous ne sommes pas un pays communiste. Nous sommes un pays soi-disant en voie de développement. Nous devons laisser l'initiative à la PME. Nous pouvons imposer aux entreprises publiques de recruter, mais elles sont déjà en difficulté. Si nous imposons aux entreprises privées alors quelle compétitivité auront-elles dans cette mondialisation et avec les accords que nous avons signés avec l'Union européenne, la zone arabe de libre-échange, etc. Ce qui serait le mieux c'est plutôt d'orienter les formations vers les besoins de l'Algérie dans les 5 ans, 10 ans, 15 ans à venir. Nous avions proposé la création d'un centre de prospective et d'intelligence économique pour anticiper les besoins de l'économie et des entreprises. Mais rien n'a été fait et c'est pour cela que nous subissons aujourd'hui.
-Le secrétaire d'Etat chargé de la statistique vient de déclarer que les emplois qui ont été créés jusque-là n'ont pas une grande productivité, pourtant la politique du gouvernement en la matière reste inchangée. Comment l'expliquez-vous ?
C'est irrationnel. Depuis des années nous attirons l'attention sur le fait que la plupart des emplois créés ne sont pas créateurs de richesse et ne participent pas à la productivité des entreprises. Le gouvernement dit que 500 000 emplois ont été créés en 2009, un chiffre que nous remettons en cause. Il a un discours qui nous est servi et des annonces sans substance avec des chiffres qui n'ont pas de sens. Notre économie est incapable actuellement de créer 120 000 à 150 000 emplois par an. L'Etat a promis de créer 3 millions d'emplois entre 2010 et 2014, en moyenne 600 000 emplois par an. Comment une économie incapable de créer 150 000 emplois, peut-elle en créer 600 000 si ce n'est en dopant l'économie avec le gaspillage et les dépenses des 286 milliards de dollars. Mais ça sera à court terme, car dès que les projets seront terminés, tout le monde sera licencié. Notre économie n'a pas été préparée à créer autant d'emplois sauf peut être dans l'administration, la police, la gendarmerie…, mais tout ça ne contribue pas à la compétitivité de l'économie et de l'entreprise algérienne.
-Le gouvernement a décidé de surseoir à l'application de la mesure sur la généralisation des factures. Est-ce que ce n'est pas un aveu d'échec dans la lutte contre les pratiques informelles ?
Oui, c'est un aveu malheureux d'échec, parce que d'un côté, on parle du renforcement de l'Etat, de l'administration publique, du respect des règles du commerce. Il y a eu beaucoup d'annonces et de discours pour insister sur la régulation, etc. Finalement, nous avons cet aveu d'échec. L'économie algérienne ne peut avancer, ni se développer, si on n'arrive pas à structurer et organiser l'informel pour devenir formel.Il y a des entreprises qui représentent des gens puissants, qui arrivent à torpiller les stratégies du gouvernement, alors on a préféré lever le drapeau blanc et ne pas les affronter parce qu'ils maîtrisent et contrôlent une partie de l'économie. Il y a un lobby interne puissant avec des relations externes que les autorités algériennes ne sont pas en mesure d'affronter. C'est un lobby qui utilise surtout l'informel et ce n'est pas le petit porteur de cabas. Finalement, on accepte la culture de l'informel. Elle s'est installée et pour l'endiguer il faudrait des mesures et des décisions braves et sincères quitte à être déstabilisé après.
-Ne pensez-vous pas que les problèmes qui surgissent maintenant sont les résultats des années de tâtonnement économique ?
Personnellement, je ne suis pas étonné. Depuis des années nous attirons l'attention sur le fait que nous sommes en train de dépenser des ressources rares non renouvelables à des fins non productives et non créatrices de richesses. Nous avons dit que la politique économique suivie par le gouvernement ces dernières années est vouée à l'échec dans le sens où il n'y a pas de rationalité, ni de cohérence entre les différents projets d'une année à une autre. Nous avons même dit que les projets développés sont anarchiques. Nous faisons du n'importe quoi.
Nous dépensons dans des projets faramineux, budgétivores, juste pour le prestige. Nous n'avons pas fait les bons choix. Nous avons même dit au lendemain de l'annonce de la nouvelle stratégie industrielle qu'elle était vouée à l'échec parce que nous pensons que l'Algérie ne peut pas développer une stratégie dans tous les secteurs d'activité. Il faut orienter les investissements là où nous avons un avantage compétitif. Il faudrait revoir et réorienter la stratégie de développement de l'Algérie, mais malheureusement ce n'est pas nous qui avons la clé de la prise de décision.


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