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«On a dû prendre ma pièce pour un attentat esthétique»
Mustapha Benfodil. Ecrivain et artiste censuré à la Biennale de l'émirat de Sharjah
Publié dans El Watan le 19 - 04 - 2011

Le journaliste et artiste, Mustapha Benfodil, a été invité récemment à participer à la 10e Biennale d'art contemporain de Sharjah. Il a vu son installation artistique intitulée Maportaliche/Ecritures Sauvages tout bonnement censurée et retirée de la Biennale.
-Vous avez été invité récemment à participer à la 10e Biennale d'art contemporain de Sharjah et votre installation Maportaliche/Ecritures Sauvages a été retirée de la Biennale, pourquoi ?
Effectivement, j'ai été invité à participer à cette 10e Biennale d'art contemporain de Sharjah qui se tient du 16 mars au 16 mai. C'est l'une des commissaires de la Biennale, Rasha Salti, qui a eu l'amabilité de m'inviter. Je me suis rendu une première fois à Sharjah en décembre 2010 pour superviser les lieux et m'inspirer de cette ville des Emirats située à quelque 15 km de Dubaï. Ensuite, j'y suis retourné début mars pour monter mon installation et assister au vernissage. Jusque-là, tout s'est très bien passé, et personne ne s'était avisé de toucher à mon travail. D'ailleurs, s'il y avait eu la moindre velléité de censure à ce moment-là, je me serais retiré de moi-même. Et puis voilà que j'apprends le 6 avril que mon installation a été censurée et retirée de la Biennale.

-Et le directeur de la Biennale, Jack Persekian, a été limogé pour avoir autorisé votre œuvre…
Oui. J'ai, en effet, appris dans la foulée que Jack Persekian, le directeur de la Sharjah Art Foundation, organisatrice de la Biennale, a été limogé par Cheikh Soltane Ben Mohamed Al Qassimi himself (l'émir de Sharjah) pour avoir validé mon œuvre. Motif invoqué : celle-ci contiendrait des propos blasphématoires, avec des contenus sexuels explicites qui auraient choqué le public émirati.
-Il y a eu même un article sur le New York Times…
Il n'y a pas eu que le New York Times. Cela a soulevé un tollé aux quatre coins du monde. Tous les sites d'art du monde entier et toute la presse spécialisée en ont parlé. Cela a provoqué une onde de choc terrible. C'est que Jack Persekian – un Palestinien de Jérusalem – est une personnalité fort respectée dans les milieux artistiques et personne ne s'attendait à ce que les choses aillent aussi loin. L'affaire a pris des proportions de scandale, et cela a fait une très mauvaise publicité pour la Biennale de Sharjah qui, dois-je le souligner, est quand même une Biennale de très haute facture. Je dois avouer que c'était pour moi une bonne tribune pour parler de ce qui agite le monde arabe et maghrébin, pour mettre ce merveilleux moment insurrectionnel au cœur du débat, au cœur de la relation entre la production artistique et le background politique et social des artistes. Mais manifestement, les «pétro-émirs» du Golfe n'étaient pas très chauds pour un tel débat. J'ai franchi des lignes rouges et cela a déclenché une tempête.
-Le «corps du délit» est le texte imprimé sur l'un des t-shirts intitulé «Soliloque de Cherifa» et tiré d'une de vos pièces de théâtre, Les Borgnes…
Oui, mais je doute fort que le «corps du délit» comme vous le dites si bien soit cette séquence seule. Toute mon installation posait problème, en fait. Permettez-moi au passage de dire deux mots afin que les lecteurs sachent de quoi on parle. L'installation est structurée en trois niveaux : textuel, sonore et «mural», avec des graffiti. Le thème central de cette Biennale étant la trahison, j'ai voulu explorer à travers cette pièce les relations de résonance et de dissonance entre un écrivain et sa société en confrontant des fragments de ma production littéraire, théâtrale et poétique (comme «outputs» artistiques) avec une panoplie de signifiants piochés dans mon environnement urbain immédiat et de mon background social, culturel et politique. J'ai ainsi tout bonnement reconstitué un bout de rue d'Alger à Sharjah, avec ses cris, ses tags, ses clameurs, ses manifs, ses chansons, ses chahuts de rue et son chaos urbain.
Le gros de l'installation est constitué de 23 mannequins sans tête campant une parodie de match de foot, soit deux équipes de 11 joueurs, plus l'arbitre. La première équipe est formée de quelques-uns de mes personnages de fiction, dont on retrouve d'ailleurs les noms sur le dos des maillots avec, à la clé, des extraits de mes romans, théâtre, etc. Ce matériau est décliné en arabe, en français et en anglais, dans un graphisme particulier qu'un artiste libanais, Ali Cherri, m'a aidé à réaliser. Sur les t-shirts de la seconde équipe sont imprimés, à la place des noms des joueurs, des mots typiquement algériens (gosto, tchippa, papicha, zawali, ttchaqlala, etc.) avec des proverbes, des chansons populaires, des plats de cuisine, des bouqalate, des blagues…Sur les murs sont tracés des «calligraffiti» tagués par un artiste tunisien basé à Montréal, Faouzi El Seed.
D'ailleurs, le concept de «calligraffiti» est de lui. Ils sont grandement inspirés de nos graffiti à nous, avec notamment des références aux harraga et au thème de la harga. On peut y lire aussi de copieuses insultes contre «el kiada» (le gouvernement) et autres saillies langagières sans la moindre langue de bois. Dans le lot, il y avait des graffiti qui font écho aux révolutions tunisienne et égyptienne avec des «Boutef dégage !» et autre «Ya Tounès rana jayine bel Molotov wel yasmine». La pièce sonore, elle, comporte des enregistrements que j'ai faits moi-même lors des dernières manifs à Alger. On y trouve aussi le poignant témoignage d'un homme qui a tenté de s'immoler, et qui répète en boucle «Rani mahroug meldakhel» (Je brûle de l'intérieur), en hommage à El Bouazizi. A quoi ajouter des extraits d'une chanson rap clandestine et une autre de Matoub Lounès où il rend hommage à Boudiaf.
Et puis des extraits de mes Lectures sauvages et de mes répétitions de théâtre en travaillant sur Les Borgnes avec Amazigh Kateb chantant sur un air gnawi blues : «Fucking army baby, ana omri ma nouelli militaire !». Bref, ils ont dû donc prendre ma pièce pour un «attentat esthétique»… Quant au texte que vous avez cité, c'est le cri d'une femme, Cherifa, qui évoque son viol par une secte fanatique. Sharjah Art Foundation a qualifié mes mots d'obscènes. Moi je leur rétorque simplement que le viol est plus atroce que tous les adjectifs. La violence est à chercher plutôt dans le texte pathologique où ces violeurs illuminés pensent puiser leur légitimité pour justifier toutes les mortifications infligées à nos corps.
-Les commissaires de l'exposition, Rasha Salti, Suzanne Cotter et Haig Aivazian vous ont-ils soutenu ?
Rasha Salti et Haig Aivazian m'ont défendu du mieux qu'ils pouvaient et je leur sais profondément gré de m'avoir fait confiance jusqu'au bout. Quant à Suzanne Cotter, elle m'a envoyé un charmant mail. Mon seul regret, c'est l'attitude de Jack Persekian qui n'a à aucun moment condamné la censure de mon travail. Je n'attends pas de lui à ce qu'il me défende mais à ce qu'il défende le principe de la liberté de création, a fortiori pour une biennale d'art contemporain. On ne peut pas faire venir des artistes du monde entier et espérer que tous fassent preuve d'allégeance en se confinant petitement dans le «politiquement correct». La Biennale de Sharjah aurait gagné à s'inspirer de ce moment exceptionnel que nous vivons avec ce magnifique «printemps démocratique arabe» où tous les peuples de la région expriment avec ardeur leur désir de changement. Pour le reste, je ne suis guère affecté plus que de raison par cette affaire, d'autant plus que j'ai reçu une pléthore de soutiens de la part de dizaines d'artistes, curators (commissaires de l'exposition), universitaires, journalistes et beaucoup d'anonymes. Une pétition circule d'ailleurs sur internet à ce sujet «http://www.ipetitions.com/petition/sharjahcall4action/).


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