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Désillusions sur le lac Léman
Algériens clandestins à Genève
Publié dans El Watan le 23 - 04 - 2011

Le TGV provenant de Paris, tel un mastodonte, s'immobilise sur un des quais de la gare des Eaux-Vives de Genève. Intuitivement, nous regardons le sol, histoire de confirmer cette idée mythique d'un pays connu pour sa propreté.
C'est presque une lapalissade, au fond, même si les mégots semblent être un décor qui n'épargne aucune cité du monde.
Nous dévalons un escalier pour nous retrouver dans un long couloir, nez à nez avec des douaniers (oui, oui), dont la seule mission, nous semblait-il, consiste à regarder les voyageurs et leurs bagages sans un mot.
Notre guide Djamel, qui donnait l'impression de s'impatienter, nous accueillit dans l'immense et belle salle d'arrivée : «J'avais un œil sur la rue et un autre sur la sortie des passagers», dit-il presque confondu et d'annoncer tout de go : «Mon véhicule a été volé à trois reprises sur les mêmes lieux.» Diantre ! Et un stéréotype qui saute déjà ! Peuplée d'à peu près 200 000 âmes, Genève est une ville onusienne et diplomatique. Elle abrite plusieurs institutions internationales dont celles de la finance, par exemple, qui comptent 65 instituts étrangers. Des boutiques de griffes universelles… Mais le Canton, à son corps défendant, ne peut échapper aux fléaux qui rongent les métropoles occidentales.
Dans un pays où les citoyens sont soumis à un système de votation, comme on achète son pain quotidien, les règles, curieusement, ne sont pas toujours d'une clarté absolue. A l'extérieur, de la gare, des grappes de personnes, qui n'avaient rien de passagers, ni d'accompagnateurs, occupaient les lieux sans véritable occupation en apparence. «Ce sont des sans-papiers de toutes les nationalités, de toutes les ethnies et la diaspora algérienne y est omniprésente», explique Djamel, quelque peu gêné par cette entrée en la matière. On y est ! Djamel me propose une virée nocturne, histoire de me faire imprégner des airs de la ville.
Sur les hauteurs, qui surplombent le lac Léman, des résidences hallucinantes appartenant à des propriétaires prestigieux sont gardées par des vigiles discrets. Les marques de renom, entourant le fleuve, scintillent, de loin, sur les eaux glacées d'un printemps décevant.
Même le célèbre jet d'eau est muet, ce qui ampute temporairement la ville d'une référence mondiale. «En cette période de froid, il n'est pas actionné», explique notre guide, comme pour nous rassurer. Deuxième jour.
La température n'a pas baissé d'un iota. Nous décidons d'aller au consulat d'Algérie pour obtenir, d'abord, des chiffres officiels sur notre communauté en territoire helvétique. Au 308 bis, sur la route de Lausanne, à Belle Vue, se dresse une jolie bâtisse avec des dépendances et un grand jardin donnant sur le lac. Un véritable château qu'envieraient les ambassades des pays développés. Nous sonnons, puis re-sonnons. La porte s'ouvre, enfin, après une dizaine de minutes d'attente. L'espace est édénique. Dans la salle des services consulaires, seul un fonctionnaire tapote sur le clavier d'un ordinateur. Et nous étions les seuls ressortissants à demander service.
Cependant, quand nous déclinons notre identité, notre vis-à-vis, très avenant, nous demanda d'attendre l'arrivée d'un responsable. Quelques minutes plus tard, le vice-consul se présenta et nous demanda nos passeports et l'objet de notre mission. Il reviendra sans nos documents de voyage et nous pria de patienter. Une troisième personne fit son apparition : «Que voulez-vous savoir ?» entama-t-il ? Nous lui demandâmes, alors, à qui nous avions affaire et nous apprîmes qu'il s'agissait du consul lui-même. A la question de connaître le nombre d'Algériens installés légalement en Suisse et éventuellement le nombre de nos compatriotes clandestins, le diplomate répliqua
bizarrement : «Je n'ai pas le droit de vous communiquer une quelconque information, contactez notre direction au ministère des Affaires étrangères à Alger !» Dieu du ciel d'un jour sans soleil ! «Monsieur le Consul, trouvez-vous normal de refuser une information banale à un journaliste de votre pays ? Les chiffres, je peux les avoir auprès de sources crédibles, malheureusement dans des institutions suisses et auprès d'associations ici, seulement, j'ai cru qu'il était inélégant de ne pas m'adresser à vous, mais bon !» Avant de prendre congé de lui, je me rappelai nos passeports. Je revins à la charge «Pourquoi avez-vous pris nos passeports ? Votre droit est de vérifier nos identités, mais pas de les prendre dans un bureau. Qu'est-ce que vous en avez fait ?» Quelque peu gêné, il jura de n'en avoir rien fait.
Qu'à cela ne tienne ! A cet instant, un jeune couple algérien entra dans la salle. La femme ayant pris connaissance de notre profession se mit à énumérer tous les griefs que les Algériens de Suisse retiennent contre nos services consulaires à Genève.
Des confidences qui ont fortement mis mal à l'aise les fonctionnaires du consulat. «Pouvons-nous prendre une photo près de l'Institution avec le drapeau de notre pays bien mis en exergue, Monsieur le consul ?», avons-nous demandé avant de quitter définitivement les lieux. Encore gêné, il marmonna : «Euh… vous, si vous voulez, mais dans le jardin !» Fichtre, et dire que quelques heures auparavant, nous étions à l'intérieur du siège de l'ONU et que nous avions pris des photos avec des fonctionnaires, des agents de sécurité. Il ne manquait que Ban Ki-moon. Nous allons en quête de nos compatriotes clandestins. Nous empruntons la rue Mont-Blanc jusqu'à hauteur de l'hôtel Beau Rivage.
Nous passons devant le monument Brunswick pour aboutir sur le quai des bergues. On lit sur une plaque Jules César. A la place Bel Air, quartier des banques et des affaires, nous repérons trois personnes au faciès nous ressemblant. Bingo, des compatriotes… et sans domicile fixe, même si leur look est trompeur. Nous longeons le Grand-Théâtre pour nous arrêter sur la place Neuve, pas loin de la muraille qui limite la vieille ville, un peu la Casbah genevoise et la Place.
Omar, un Algérois, confesse avoir quitté l'Allemagne pour tenter sa chance en Suisse, mais depuis quelque temps déjà, cette partie de l'Europe est devenue également hostile aux étrangers.
«Que voulez-vous que je vous dise, ici les choses deviennent de plus en plus difficiles et il est impossible d'espérer obtenir des papiers, surtout depuis que la Suisse fait partie à l'espace Schengen.» Sans métier, Ahmed de Annaba dit regretter d'avoir choisi ce pays qu'il croyait de rêves.
«Encore ici, nous sommes tolérés, à Lausanne ou à Berne, on nous aurait expulsés depuis belle lurette. Normal, toutes les institutions des droits de l'homme sont basées dans le Canton.» Selon nos interlocuteurs, qui avouent vivre de débrouillardise, ils seraient plus de 4000 Algériens clandestins, quant à nos compatriotes légalement installés, dont la plupart ont la double nationalité, ils seraient de 8000 à 10 000. Nous montons la rue de Tertasse, puis nous redescendons la rue de la Cité pour nous abreuver à la fontaine de l'Escalade, une sorte de Aïn Fouara de Sétif. De la baraka genevoise.
Cette fontaine, en fait, commémore l'échec de la tentative du duc de Savoie de s'emparer de la ville, selon Djamel en fin historien. Djamel, originaire de Sidi Bel Abbès, est établi dans le Canton depuis plus de 30 ans.
Ayant réussi sa vie et très estimé à Genève, il reconnaît, lui aussi, que les choses ont beaucoup changé. «Avant, les Suisses ne fermaient pas les portes de leurs maisons. Ils prenaient le journal et laissaient l'argent à même le trottoir quand les kiosques étaient encore fermés. Aujourd'hui, même les crimes de toute nature, qu'on ne connaissait pas, font partie de la vie quotidienne à Genève.»
Sur la rue du Marché, quelques Roms font la manche, alors que c'est interdit. «Comprenez que cette image était inimaginable, il y a si peu, mais avec l'introduction de la Suisse dans l'espace Schengen, on a appris à vivre avec ça, en plus, ils sont quasiment tolérés au vu de toutes ces institutions internationales installées ici.» Le bouche à oreille a fonctionné.
Des jeunes Algériens nous ont interpellés pour nous inviter à prendre un café et pour parler. Sofiane, la trentaine à peine entamé, déclare, hors de lui, «si nous comprenons que les autorités cantonaises n'entendent pas nous régulariser, en revanche, nous ignorons pourquoi nos autorités consulaires refusent même d'entendre parler de nous. L'on se demande à quoi servent nos représentations diplomatiques, surtout en Suisse où nos compatriotes ne posent pas vraiment problème, comme dans d'autres pays d'Europe.»
Tous ou presque se disent avoir échoué en Europe avec un visa d'un mois, une minorité d'entre eux avait traversé clandestinement le Maroc, puis l'Espagne pour enfin arriver qui en France, qui en Italie. «La Suisse pour nous était le pays des rêves, mais ce n'était que des illusions.»
Désillusions de jeunes sans perspectives dans un espace qui se rétrécit de plus en plus autour d'eux.
Sur le lac Léman, les enseignes lumineuses continuent de scintiller sur les eaux glacées. Des lumières pas assez fortes pour éclairer des milliers d'Algériens sans papiers ayant cru au goût du chocolat, à la finesse des joailliers et à la crédibilité du franc suisse…


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