Djanet. Juin 2005. La pluie s'abat comme une furie sur la région pendant trois jours. Les oueds sont en crue. Il n'avait pas plu ainsi depuis une quarantaine d'années. « Aman Iman », le proverbe targui qui signifie « l'eau c'est la vie », est, pour une fois, hors de portée. Et pour cause, l'eau est synonyme de mort en ce 18 juin. Othmane Bali a été emporté par les eaux de l'oued Tinjatat. L'Algérie est désormais orpheline de l'un de ses plus grands artistes. Le virtuose de l'imzad, le géant du tindé, le bluesman de Djanet, l'homme bleu à la voix chaude s'en est allé discrètement, à l'âge de 52 ans. Sa vie, tout aussi discrète, était pourtant chargée de symboles et cachetée d'originalité. D'abord, il est né « sous le plus haut palmier » de Djanet dans une famille de mélomanes et de poètes. Puis, bercé dès son jeune âge par la musique de sa mère, grande chanteuse de tindé, il en devient le meilleur auteur, compositeur et interprète de la région. Il le sort de ses frontières et l'emporte avec lui en sillonnant la planète. Mieux, il était considéré comme étant le meilleur ambassadeur de la culture targuie dans le monde. Mais le plus exceptionnel à son sujet, réside dans le fait qu'il savait soigner l'âme et le corps à la fois. Parce qu'en plus de chanter, il était cardiologue à l'hôpital de Djanet. Pour lui, les deux se rejoignaient quelque part, peut-être même en un seul et même point. Autre particularité : il aimait être entouré des siens pour jouer de son blues, avec sa femme, son fils, ses nièces aux chœurs et sa mère, Khadidjata, son porte-bonheur. Ensemble, ils formaient un groupe indissociable, et c'est en parfaite harmonie qu'ils cultivaient le tindé. Jusqu'au petit matin, lorsque l'occasion le nécessitait. De ce fils du désert, on retient sa douceur légendaire, son tendre sourire, son talent inouï, mais aussi, une classe incomparable dans sa tenue régionale qu'il portait avec toute la grâce d'un Targui.
