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Orhan Pamuk, les fleurs de neige
L'écriture face à ses vieux démons
Publié dans El Watan le 22 - 12 - 2005

Orhan Pamuk n'avait pas tellement tort en affirmant dernièrement que « les censeurs ne lisent pas les livres ; seulement les journaux ». Finalement, c'est ce qu'ils ont fait en découvrant l'interview de l'écrivain, accordée en février dernier à un magazine suisse évoquant sans ambiguïté le génocide arménien.
La réaction de la censure ne s'est pas fait attendre. Manifestations et réactions violentes jusqu'à l'autodafé des ouvrages « contre le traître de la nation ». Le fait d'avoir obtenu de grands prix ou d'être pressenti pour le Nobel ou d'être traduit dans plus d'une quarantaine de langues n'ont aucun impact et ne peuvent mettre à l'abri l'artiste, dans des sociétés qui ont oublié que le monde n'est plus ce qu'il était. Il a fondamentalement changé. C'est d'ailleurs ce qui a poussé le très Kémaliste Bedri Baykam à réagir : « La Turquie se suicide si elle juge Pamuk », bien sûr, sans oublier d'y mettre un grain de sel qui cache très mal son malaise : « Eviter de faire de l'écrivain un martyr ». Je lisais son dernier roman Neige, fraîchement sorti de l'inoxydable Gallimard. Un formidable réquisitoire contre les démons du fascisme islamiste montant et d'une junte qui contrôle tout ; et une plaidoirie pour la poésie du beau même si Ka trouvera la mort dans la rue déserte de Kaiserstrasse de Francfort, emportant avec lui sa rage d'être contraint de partager son amour pour Ipek avec son rival Muzil. Et un narrateur qui se confond avec Orhan Pamuk pour raconter l'histoire de son ami, le poète Ka et retrouver la poésie perdue : Neige, puisque tout devient semblable à un brouillard d'une beauté insaisissable et d'une fragilité inimaginable. Je disais que je lisais Neige, quand l'affaire d'Orhan Pamuk éclata au grand jour. Ça couvait depuis longtemps face à un système qui veut d'abord plaire avant de faire le pas décisif vers une démocratie véritable et non de façade ; une réplique améliorée de ce qu'on retrouve dans le monde tiers qui nous entoure. L'écrivain est accusé d'insultes délibérées contre la nation pour avoir tenté une mise à nue subtile d'un système gangrené et évoqué l'histoire du génocide de 1915 « trente mille Kurdes et un million d'Arméniens ont été tués en Turquie ». Ces paroles de Pamuk tombent sous le coup de l'article 301 du nouveau code pénal, qui donne un tour de vis à la liberté d'expression. Dire à quel point une grande nation peut-elle trembler sous la plume d'un écrivain qui a eu l'audace de reprendre à son compte une histoire qui est devenue un secret de Polichinelle. Et comment l'écriture réveille-t-elle les vieux démons. Pourtant, Orhan Pamuk, écrivain solitaire (né en 1952), est presque apolitique. Il a été l'un des rares écrivains à avoir défendu en 1999, et sans ambiguïté, le droit à la parole pour Salman Rochdi. Il n'a jamais cessé de mettre en relief les déboires d'un pays tiraillé et piégé par sa propre histoire et par sa géographie. Partagé entre un Orient qui ne cesse d'émerger dans l'inconscient collectif et d'un Occident qui s'impose de fait, dont Istanbul est le symbole parfait avec son grand écart et son regard tourné en même temps vers les lumières de l'Orient et les tentations d'un Occident qui n'arrête pas d'émerveiller par ses charmes. Quand Pamuk fut appelé officiellement pour recevoir le prix Artiste d'Etat, il a tout simplement décliné l'offre. Par crainte de se voir sous tutelle étatique dont il ne partageait ni les convictions ni les perceptions de la vie ; lui, dont l'œuvre romanesque gorge de liberté, de critique, de couleur et de poésie. Dans La maison du silence (Gallimard, 1988), Pamuk revisite l'histoire convulsive d'une famille à travers trois générations. Un siècle rempli de non-dits et jonchant de cadavres et de déceptions, situation qui a abouti inévitablement à une fin des plus injurieuses d'un pays qui n'a jamais su régler ses choix de modernité : le coup d'Etat de 1980. C'est ce qui a valu au roman un retentissement sans précédent, en Turquie (200 000 exemplaires) et ailleurs. Depuis, Orhan Pamuk n'a pas cessé d'étonner la critique littéraire fébrile à son égard au début. Dans La vie nouvelle, Pamuk change la vie miséreuse de son personnage (Osman) par la magie des mots, puisque celle-ci va prendre un autre tournant après la lecture d'un livre. « Un jour, j'ai lu un livre et toute ma vie en a été changée. Dès les premières pages, j'éprouvai si fortement la puissance du livre que je sentis mon corps écarté de ma chaise et de la table devant laquelle j'étais assis. » (La vie nouvelle, Gallimard 1999, p.13). La part du rêve a une présence fondamentale dans l'œuvre romanesque de Pamuk. Dans Le Château blanc, il s'agit aussi d'un manuscrit du XVIIe siècle, découvert et volé d'une bibliothèque, en 1982. C'est l'histoire d'un narrateur italien, capturé par des marins turcs et vendu à un Hodja. Après un périple difficile, il essaie de participer avec son maître à l'invention d'une redoutable machine de guerre pour Mehmed IV. Mais Orhan Pamuk, tout en nous subjuguant par son travail de vrai conteur, n'oublie jamais de nous rendre à l'évidence de la narration populaire. « J'arrive maintenant à la fin de mon livre. Mes lecteurs les plus intelligents l'ont peut être déjà abandonné, décidant que mon histoire avait pris fin depuis longtemps. » (Le Château blanc, Gallimard 1996, p.234). Cette abnégation et ce chantier d'écriture solitaire et infini lui ont valu le prix du meilleur livre étranger (2001) en France pour Mon nom est rouge ; un roman polyphonique d'une rare beauté, un hymne grandiose pour l'art et les artistes (les miniaturistes). A partir d'une simple trame policière, Pamuk a su mettre en relief les grandes batailles culturelles identitaires non résolues, dans Istanbul du XVIe siècle, modernité- archaïsme et Occident-Orient. En 2005, Il a été décoré par le prix prestigieux de La Paix, remis par les libraires allemands pour l'ensemble de son œuvre et par Le Médicis étranger 2005 pour son roman Neige, dont on ne dira que peu en parlant du choix du thème fondamental qui est la poésie, mais aussi ce désir incessant d'une recherche permanente qui donne du sens à Kars, cette petite ville provinciale endormie d'Anatolie, sous le poids de deux fléaux, des militaires qui dirigent le pays d'une main de fer et des islamistes qui gangrènent la société turque de l'intérieur. Alors, dans tout ce jeu infini de narration, qui est le poète Ka (Kerim) et qui est le narrateur (Orhan ?) ? Qui est amoureux de qui : Ipek, Kadif Hanim, Mélina : la femme des films pornos, Lazuli, Muhtar, Ka, Sunay ? C'est toute l'ambiguïté de ce roman hors normes. Un long poème de passions et des grands gâchis. On peut dire ce qu'on veut d'Orhan Pamuk, même adhérer à l'idée extrême de ses détracteurs, d'avoir « instrumentalisé la cause de la minorité arménienne pour doper sa carrière littéraire », mais personne ne peut remettre en cause son talent de conteur qui vient d'une longue tradition orientale qui tisse au lieu de raconter. A travers les difficiles voies de la dérision, la beauté de la poésie et les grandes questions ontologiques, Orhan Pamuk noie son lecteur dans le bonheur des mots et dans un monde subtilement parallèle qui ne peut que le subjuguer et le renvoyer à sa condition humaine sans délaisser la part du rêve.

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