- Des millions d'Algériens vivent le même marasme social. Qu'est-ce qui pousse certains à ces «passages à l'acte» ? Les motivations sont multiples, mais sont généralement sous-tendues par une pathologie mentale, une défaillance psychique ou psychologique. Une sorte de prédisposition, de personnalité pré-morbide. Ces facteurs sont ainsi aggravés par un contexte social et personnel. Conditions de vie précaires, injustices, iniquités, perte de confiance. Il y a un ras-le-bol, un véritable anéantissement du soi. Un sentiment que cette détresse est inextricable. Il y a alors une autoculpabilisation, une dévalorisation du soi. Ces tendances, en plus de l'effet d'entraînement, sont exacerbées par les traumatismes engendrés par le terrorisme, duquel a découlé une banalisation de la violence. - Et qui se fait violence à soi fait violence aux autres… Sans doute. Et cela explique en partie le côté affreusement spectaculaire qu'ont pris les comportements suicidaires. Il y a beaucoup d'exhibitionnisme, car cela engendre le regard des autres. Cela interpelle, choque, horrifie. Ceux qui s'immolent par le feu veulent donner l'exemple. Afin que les autorités regardent enfin de leur côté. Pour que leur mort ne soit pas vaine. - Qu'en est-il des automutilations et autres pulsions autodestructrices ? L'automutilation que l'on voit surtout dans les régions de l'Est est un chantage. Car, ceux qui ont recours n'en meurent pas. Ils se tailladent le torse comme s'ils voulaient ressentir physiquement leurs douleurs intérieures. C'est d'ailleurs une pratique courante observée chez les toxicomanes en sevrage, ou chez certains psychopathes. Mais dans le cadre des mouvements sociaux, chômeurs ou autres, ces actes sont un chantage. Tout comme le sont les grèves de la faim ou les menaces de suicides collectifs. Et ces comportements entrent dans le rang de la revendication.
