Plusieurs villes marocaines s'apprêtent à vivre, aujourd'hui, un autre dimanche de mobilisation à l'appel du Mouvement du 20 février pour des manifestations exigeant «la fin du despotisme». Casablanca. De notre envoyé spécial Plusieurs villes marocaines s'apprêtent à vivre, aujourd'hui, un autre dimanche de mobilisation à l'appel du Mouvement du 20 février pour des manifestations exigeant «la fin du despotisme». Selon des animateurs du mouvement de la coordination de Casablanca, «ils seront des milliers à descendre dans la rue pour revendiquer liberté, justice et dignité humaine». Un défi contre la monarchie, mais également un sérieux test pour le Mouvement pour vérifier ses capacités de mobilisation, dix jours après l'adoption de la nouvelle Constitution. Devenu acteur incontournable de la vie politique du Maroc, Les «févrieristes» rejettent la nouvelle Constitution et se disent non concernés par le référendum du 1er juillet. Même s'ils n'entendent pas faire tomber le régime, à l'instar de la Tunisie et de l'Egypte, ils luttent pour l'instauration «d'une Constitution démocratique élaborée par une Assemblée constituante». Pour cela, ils descendront dans les rues du royaume. «C'est un dimanche décisif pour le Mouvement du 20 février», estime Hosni El Mokhlis, un des animateurs du mouvement dans la capitale économique du royaume. Le référendum du 1er juillet sur la nouvelle Constitution n'a pas réussi à atténuer la dynamique politique et sociale qui agite le Maroc depuis que sa jeunesse a décidé de braver l'interdit. Le Mouvement du 20 février gagne en sympathie, et ce, malgré «les coups tordus» du makhzen menant des campagnes de dénigrement contre les acteurs de la contestation. «Ces jeunes nous redonnent espoir, il faut leur donner la possibilité de diriger les affaires du pays. On en a marre des ces vieux qui ont tout pris au peuple et se sont enrichis illicitement», nous confie un chauffeur de taxi pour qui les jeunes du Mouvement du 20 février ont réussi à libérer des Marocains. «Grâce à eux, on peut évoquer en toute liberté le makhzen, le roi, la corruption et la possibilité de changement», ajoute-t-il. Ainsi, Casa retient son souffle. Le fameux slogan «mamnfakinche» (nous nous lâcherons pas) est sur toutes les lèvres. Il résonne aux quatre coins du royaume. Sous le mot d'ordre «Résistons, résistons et la lutte continue», le Mouvement a choisi d'organiser la marche à partir du quartier populaire El Oulfa, situé à l'ouest de la ville. Les services de police multiplient les réunions avec les élus pour voir comment mettre en échec la mobilisation du Mouvement du 20 février. Le recours aux «baltaguia» est devenu une des techniques de casse utilisées par les forces de l'ordre. Dimanche passé à Casablanca, la marche du Mouvement du 20 février a connu des heurts suite à l'entrée en ligne des «baltaguia» qui ont agressé des manifestants. Les animateurs du mouvement, de leur côté, tiennent des réunions-marathon pour éviter que la manifestation ne sorte de son cadre pacifique. Tout Casablanca ne parle que des jeunes du 20 Février et de la manif d'aujourd'hui. «Ces jeunes sont en train de changer le cours des choses au Maroc, on ne peut que les soutenir. Je serai à leur marche avec mes trois filles», nous a confié un ingénieur. Sur les affiches appelant à la marche est inscrit : «Parce que les revendications populaires du Mouvement du 20 février ne sont pas satisfaites, parce que l'Etat persiste dans sa politique d'aggravation de la pauvreté, du chômage et le détournement de la volonté populaire, nous continuons à manifester pour faire chuter le despotisme et la corruption.» Des mots d'ordre qui fédèrent des courants d'opinion différents, voire diamétralement opposés. Des islamistes radicaux d'El Adl oual ihassan (justice et spiritualité) de cheikh Yacine aux marxistes de la Voix démocratique en passant par le Parti d'avant-garde démocratique et socialiste (PADS) et le Parti socialiste unifié (PSU). Mais également de nombreux animateurs issus de la société civile, notamment de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), des féministes et autres indépendants sans affiliation partisane. Même des artistes soutiennent activement ce mouvement. Un comité d'artistes du Mouvement 20 février s'est créé ; en fait partie le célèbre humoriste B'ziz, la comédienne Latifa Ahrar et le groupe de rock Houma Houma. «Il s'agit là d'un modèle qui montre comment les Marocains peuvent en toute démocratie lutter ensemble pour des idéaux communs que sont la liberté, la démocratie, la dignité humaine et la fin du despotisme, tout en gardant, chacun, ses convictions. Il y a un conflit central qui nous oppose à la monarchie despotique, qui nous oblige à reléguer au second plan les divergences caractérisant les différentes composantes du Mouvement du 20 février», analyse Imad Chokaïri, doctorant en sciences politiques et animateur du mouvement. Un message de démocratie pratique, d'acceptation de l'autre dans le respect et la tolérance que le makhzen se refuse de capter. Cependant, le Mouvement du 20 février, né dans la foulée des révoltes arabes, compte «briser les murs» de la monarchie. C'est l'un des objectifs de la mobilisation d'aujourd'hui où les regards seront tournés également vers le nord du pays, où est attendue une grande mobilisation, notamment à Tanger et à El Houceïma, villes devenues, à mesure de manifestations, les bastions du mouvement. «Sans doute qu'ils seront des milliers à marcher, surtout à Tanger où des dizaines de milliers sont attendus. Dans cette région, les gens descendent en masse dans les manifs. C'est historique dans le Nord, connu pour son esprit rebelle», nous assure le journaliste Soulaiman Raissoni du quotidien El Massa. En somme, le Mouvement du 20 février, qui fait trembler le monarque Mohammed VI et son trône depuis quatre mois, le poussant à entamer «des réformes institutionnelles», entre dans une phase cruciale. Sa survie dépendra donc de sa capacité mobilisatrice. Pas si simple face aux attaques des partis pro-makhzen et à une propagande médiatique qui veulent imposer un autre calendrier, celui des élections législatives anticipées. Mais une chose est sûre : le bouillonnement qui règne actuellement au Maroc est loin d'être un «petit chahut».