Un couple franco-palestinien peut-il vivre son amour dans une Palestine hérissée de barbelés ? En partant de cette histoire simple, Palestine check point dénonce courageusement l'arbitraire. Avignon (France). De notre envoyé spécial
Palestine check point ! Oeuvre écrite par Jacques Mondolini, est jouée à Avignon jusqu'à la fin du mois de juillet, avec une mise en scène de Robert Valbon. Florence, jeune femme française, veut rejoindre dans les territoires palestiniens son mari Yacine. Prise dans les mailles policières, désespérant de ne pas l'avoir au moins au téléphone, elle est entourée de fils barbelés. Au lieu de débarquer à Tel Aviv, chemin le moins mal aisé pour rentrer dans ce pays blockhaus, elle préfére refaire le même chemin que Yacine : «Tu es passée par la Jordanie, tu as voulu te couler dans mes empreintes, faire corps avec moi, lui dit-il. Tu as voulu connaître le pont Allenby que je t'ai décrit de nombreuses fois, tu as voulu voir, par solidarité, quels obstacles le Palestinien, l'indigène, devait surmonter pour rejoindre son village, sa maison, sa femme, et ses enfants.» Florence arrive à l'avoir au téléphone lorsque le brouillage cesse : «Je savais par cœur l'itinéraire, les noms en arabe des étapes que j'allais rencontrer, mais sur le terrain, on foule le sol d'une autre planète.» Yacine lui répond : «Un véritable parcours du combattant, bien repérable, balisé, et en même temps fluctuant, imprévisible… Mais tu as toujours dit qu'il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.» Le décor est planté. Dans la salle du théâtre des Corps Saints, dans cet Avignon qui grouille de liberté de circuler et de dire à voix haute, certains découvrent l'innommable broyage des individus. Avec courage, la compagnie ATP (Argenteuil Théâtre Public) dénonce l'inhumanité par le biais d'une simple et douloureuse histoire d'amour contrariée. «Toi, tu étais du côté des opprimés, parvient à signifier Yacine à Florence, tu représentais la mauvaise conscience de la gauche occidentale, cela m'aidait. Peut-être que tu m'aimais, parce que j'étais une victime, l'incarnation du peuple palestinien humilié, abandonné à son sort. Peu à peu, je suis devenu une espèce de traître car absent du champ de bataille (…) Il a fallu la mort de mon frère tué à un barrage, lors d'un bouclage, pour que je me réveille : oui, je me dois de reprendre sa mission de chargé de famille, sinon c'est la misère… Je renfile mon habit de Palestinien enfermé dans sa prison à ciel ouvert, par ma présence je fais acte de résistance…» Il clame à son épouse : «Repars en sens inverse quand il est encore temps… et ne fais pas comme si tu ne comprenais pas… j'ai honte d'insister, mais nous n'avons pas vécu dans le mensonge, et ce serait un mensonge d'affirmer que nous pouvons être heureux, que notre couple peut survivre sous ce ciel de représailles.» Déterminée, elle répond : «Le mariage, c'est pour le meilleur et le pire, à ce qu'il paraît, le pire, c'est maintenant, tous ces obstacles dressés entre nous que je dois franchir… L'avenir de notre couple, c'est l'enjeu du voyage.» Ce qu'elle veut, c'est concevoir un enfant. Yacine lui demande : «Tu te vois lui donner naissance sous des décombres, à la lueur de représailles… T'as peur que je ne revienne pas en France, t'as peur que je te retienne, au nom de la solidarité, sur cette terre inhospitalière.» Chacun peut imaginer à cette pièce la suite qu'il lui convient. Qu'ils se retrouvent ou non, peu importe, car le théâtre a rempli sa mission de faire réfléchir le public à cette partie du monde traumatisée. Les réactions et les discussions fécondes à la sortie laissent comprendre que les comédiens ont fait mouche. * Pour en savoir plus: http://atargenteuil.free.fr