C'est une histoire de femmes, vue au prisme de quatre générations. La pièce Quatre à 4, donnée au Festival Off d'Avignon, parle de la transmission. Un thème universel qui résonne en chacun de nous. Avignon (France) De notre envoyé spécial Quatre femmes ne se voient pas, car elles ne sont pas de la même époque. Par le miracle de la mise en scène, elles se parlent, racontent un destin commun, celui d'une famille par delà les générations. L'auteur québécois, Michel Garneau, donne à voir et entendre quatre générations, et secoue l'arbre généalogique. Elles sont de la même lignée, du même sang et de la même histoire qui se perpétue, avec ses secrets de famille, parfois douloureux et gênants, qui se transmettent malgré soi. Justement, comment se passe ce passage des émotions et des interdits d'une génération à une autre ? Comment se fait-il qu'en découvrant un trait de caractère d'un enfant, on lui dise, «tu as tout de ta grand-mère». Il ne l'a jamais vue, mais on lui dit qu'elle garde un petit quelque chose indicible qui saute par delà les gènes. Enfin, comment les traces de la vie sont-elles marquées du pluriel féminin ? «On est tous fait de ça», nous explique Nicole Dogue, une des comédiennes bien dans la peau d'une ancêtre. «L'atavisme a une place importante. On a une ascendance qui nous a constitués, qui nous fait agir de telle ou telle façon. On est fort d'où on vient. Malgré les mémoires qu'on a en nous, il faut se servir de ça, se décharger de ce qui est trop encombrant, faire avec, mais avancer, se dire, je prends ma valise et j'avance». Pour elle, l'une des plus belles phrases du texte, c'est lorsqu'elle dit à son arrière-petite-fille : «Ce que j'ai vu de plus beau dans ma vie, c'est l'arc-en-ciel que tu n'as jamais vu, que tu ne verras jamais, que j'étais toute seule à voir, je ne te demande même pas d'y croire, c'est juste tout ce que j'ai à te dire». Une émotion intime qui revient Sur la scène de ce théâtre, Le Petit chien d'Avignon, c'est une jeune fille de 20 ans qui est la dernière génération. Mal à l'aise face à son devenir, elle revendique sa liberté loin du carcan du passé qu'on lui impose comme modèle. Peu à peu, les aînées, à savoir sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère vont s'animer sous ses yeux. «Souvent, sur scène, je pense à ma mère, ma grand-mère, je leur parle. Ce n'est pas les comédiennes que je vois, c'est elles. Il y a une émotion intime qui revient et je joue avec ça. La part personnelle, cela renforce et cela donne plus d'intensité au personnage. Je suis celle qui est le lien avec ces ancêtres et le public», nous souffle Nabiha Akkari, jeune et brillante comédienne d'origine tunisienne. Si c'est sa première apparition au théâtre, elle a déjà joué dans des films et téléfilms, en Italie et en France sur France 2. On la verra d'ailleurs prochainement sur le grand écran dans New York, aux côtés de Leïla Bekti, dans une sorte de suite de Tout ce qui brille. Le film est en tournage en ce mois d'août. Pour la metteuse en scène et comédienne dans la pièce, Marjorie Nakache, «ce texte est plein de poésie et en même temps raconte beaucoup de choses sur les femmes. La pièce date de 1973, mais reste d'actualité. On ne peut pas être soi-même tant qu'on ne sait pas d'où viennent nos racines et de quel héritage on est détenteur, même si on se cherche aussi dans la révolte et dans l'affrontement». Enfin, la comédienne Agnès Debord explique que c'est «fascinant que ce soit un homme qui parle aussi bien des femmes et de la transmission intergénérationnelle. J'ai appris dans ce rôle, et cela me nourrit, toute sorte d'héritage. Il y a des phrases qui résonnent dans la tête tout le temps, comme ''ça m'a pris la mort moi, pour que je comprenne l'amour''». Une pièce tout terrain qui peut être comprise par n'importe quel public, en tout lieu. C'est cela la magie du théâtre.