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Pris en étau entre deux révolutions, Choucha angoisse
Ils sont près de 4000 personnes à vivre dans le camp de réfugiés
Publié dans El Watan le 20 - 08 - 2011

Planté en plein désert, à quelques encablures du poste-frontière de Ras Jedir, seul point de passage vers la Jamahiriya, l'endroit est devenu, depuis, synonyme d'angoisse pour ses 3800 occupants. Une dizaine de nationalités y sont encore recensées.
Choucha (Tunisie)
De notre envoyé spécial
Les esprits commencent à s'échauffer à Choucha, l'un des deux camps installés par les Nations unies (HCR) le long de la frontière tuniso-libyenne pour accueillir les dizaines de milliers d'étrangers chassés par la guerre de Libye, où ils avaient émigré depuis des années. Planté en plein désert, à quelques encablures du poste-frontière de Ras Jedir, seul point de passage vers la Jamahiriya, l'endroit est devenu, depuis, synonyme d'angoisse pour ses 3800 occupants. Une dizaine de nationalités y sont encore recensées. Pourtant, les conditions de vie à Choucha sont devenues moins pénibles après le rapatriement, en juillet dernier, de 200 000 (45 nationalités) d'entre eux dans leurs pays d'origine et une réorganisation du camp par secteurs qui tient compte désormais de la nationalité – et parfois même de la confession – des réfugiés afin d'éviter les heurts entre résidents, comme cela s'est produit à de nombreuses reprises ces trois derniers mois.
Au plan de la prise en charge médicale, le HCR et l'armée tunisienne, avec le soutien des Emiratis, ont mis en place un dispositif de consultation et de soins qui leur permet de faire face aux situations les plus critiques. Ce dispositif, dont la gestion est confiée au colonel-major Mohamed Soussi de l'armée tunisienne, a également pour vocation de prendre en charge les victimes militaires de la crise libyenne. Le quotidien à Choucha reste tout de même un calvaire, surtout en ce mois d'août (période de jeûne pour les musulmans), où la chaleur suffocante transforme, dès les premières heures de la journée, leurs abris, des tentes de toile blanc, en fournaise. «Je préfère marcher sous le soleil plutôt que de rester dans ma tente. Dehors il y a au moins un peu de vent. Vers midi, c'est intenable à l'intérieur. Et puis nos tentes ont été mal installées.
Elles ne protègent ni du vent ni de la poussière… c'est la galère, mon frère», se lamente Kodjo Kassi, un Ivoirien de 38 ans, magasinier à Tripoli, surpris en train de converser avec sa mère et sa sœur, en bordure de la route, à l'ombre d'un arbre. Se comptant par centaines, les tentes comme celle dans laquelle vivent Kodjo Kassi et sa famille, sont éparpillées de part et d'autre d'un petit tronçon de la route reliant Ras Jedir et Ben Guerdane, première ville tunisienne à faire face à la frontière avec la Libye. Et partout la même complainte revient sur toutes les lèvres : «La vie est un supplice à Choucha. Le temps s'y écoule de manière affreusement longue.» «J'ai l'impression d'être là depuis une année. Je ne sais plus comment tuer le temps. Ici, il n'y a rien d'autre à faire, à part dormir ou regarder passer les voitures ou les troupeaux de chameaux. Le problème, c'est qu'il nous est même interdit d'aller à Ben Guerdane, histoire de voir autre chose. Nous avons bien tenté de nous y rendre, mais on nous remballe à chaque fois dès le premier point de contrôle», se plaint Ali Mohamed Ali, un jeune Tchadien, âgé d'à peine 22 ans, qui indique être sorti in extremis de Libye où il exerçait depuis 2007 comme soudeur pour le compte d'une compagnie pétrolière.
Les tentes… bouillonnantes
Ali Mohamed Ali et les autres résidents de Choucha ont mis une croix sur Ben Guerdane depuis qu'un groupe de jeunes originaires de la localité a fait, il y a quelques semaines, une «descente punitive» dans les camps, qui s'est soldée par des morts, des blessés et plusieurs tentes brûlées. Cet épisode dramatique a d'ailleurs poussé le HCR et l'armée tunisienne à renforcer la sécurité autour de Choucha. Les entrées et les sorties y sont désormais scrupuleusement filtrées. De son côté, l'Unicef et le Croissant-Rouge tunisien se sont fixé le dur pari d'apporter un peu d'humanité dans ce lieu pris dans les crocs effilés du climat inhospitalier de la région en organisant notamment des activités de distraction au profit des enfants des familles de réfugiés. Aidé d'un manche à balai, lui faisant office de canne à l'entrée de sa kheïma (tente, ndlr), à côté de son épouse assise à même le sol, Mohamed Hocine, un sexagénaire originaire de Somalie, l'air anémique, n'arrête pas de faire les cent pas et de se lamenter sur son sort comme le millier de ses compatriotes que le «destin» à fait échouer à Choucha.
«Comment voulez-vous que je ne m'inquiète pas. Cela fait presque 5 mois depuis que nous sommes là et nous ne savons toujours pas ce que nous allons devenir. Ma famille et moi sommes confrontés à un vrai dilemme : ni nous ne pouvons rentrer chez nous où il y a la guerre, ni nous ne pouvons rebrousser chemin. Ajouter à cela, on (le HCR) tarde à nous accorder le statut de réfugiés qui pourrait nous permettre de trouver un pays qui pourrait nous offrir la chance de rebâtir notre vie… de redémarrer de zéro, car nous avons tout perdu», lâche-t-il d'une voix triste en lançant un regard impuissant à son épouse qui tente, tant bien que mal, de distraire son nourrisson en pleurs qui n'arrêtait pas d'être harcelé par une nuée de mouches. A lui seul, Mohamed Hocine résume le drame de la majorité des réfugiés de Choucha. Ce qui est difficile à supporter, pour eux, ce ne sont pas tant les caprices du climat désertique de Ras Jedir ou la qualité de la «tambouille» des camps et dont les occupants se plaignent parfois.
C'est le fait de n'avoir aucune idée sur le sort qui leur sera réservé qui les démoralise chaque jour un peu plus. Pris en étau entre les «révolutions» tunisienne et libyenne et pour certains bannis de leur pays d'origine, ils ne savent à plus à quel saint se vouer. «Las d'attendre» et «excédés» par la «lenteur du traitement» de leurs demandes d'asile, de nombreux réfugiés vont chaque matin mettre la pression sur les employés du HCR, dont les bureaux sont isolés du reste du camp par un épais grillage ou solliciter untel pour s'enquérir de l'évolution de la situation. D'autres veulent tout simplement discuter et… être réconfortés. Par moments, il arrive que le ton monte avec les gardiens chargés de veiller à la «tranquillité» des lieux, quand ceux-ci refusent de les laisser accéder au responsable qu'ils sont venus voir. Se sentant «otages», les réfugiés ne vont toutefois jamais jusqu'à la confrontation, regrettant juste «le déficit en communication» qui caractérise le fonctionnement du camp (ou dirions-nous des camps) de Choucha.
Les nerfs à fleur de peau
«Vous voyez, c'est la énième fois que je viens voir quelqu'un et à chaque fois on me demande de revenir au prétexte que la personne en question n'est pas ici. A ma place, comment auriez-vous pris la chose ? Qu'on nous dise au moins ce que l'on va faire de nous. Cela fait plusieurs mois que j'attends. Pourquoi nous laissent-ils dans la flou», s'indigne un jeune Erythréen. «Statut de réfugié ou pas, de toute façon je ne retournerai pas dans mon pays. Je n'ai pas fui la misère pour y retomber en plein dedans», promet-il avec des trémolos dans la voix avant d'être brusquement interrompu par un vent poussiéreux qui venait de le frapper en plein visage. Kodjo Kassi, l'Ivoirien, qui est également venu aux nouvelles, craint lui aussi de se voir «expédier» en Côte d'Ivoire, alors que l'on y signale toujours des «problèmes» entre d'anciens pro-Gbagbo et le gouvernement de Ouattara dans certaines régions.
Les craintes de Kodjo se sont faites plus grandes depuis que deux de ses camarades se sont vu refuser leur demande d'asile. «Ils sont fous… ils veulent apparemment nous renvoyer en Côte d'Ivoire, alors que la violence y sévit toujours. Alors non seulement ils nous laissent des mois durant sans aucune ressource financière, mais ils veulent maintenant nous tirer d'un enfer pour nous placer dans un autre. C'est intolérable !», s'exclame-t-il visiblement découragé. Il dit ne pas comprendre pourquoi le HCR met tant de temps à statuer sur leur cas alors qu'ils ne sont que 42 Ivoiriens à Choucha et «qu'il y a des pays comme les Etats-Unis qui sont prêts à accueillir un maximum de réfugiés».
Où aller ? Les «réfugiés» s'interrogent
Face à l'incertitude des lendemains, certains réfugiés se disent prêts carrément à reprendre le chemin de la Libye en guerre. Quitte à y laisser leurs vies ! Quelques-uns y seraient déjà même repartis. Mais impossible de vérifier l'information qui circule dans le camp, dans lequel quelques émigrés clandestins trouvent également refuge. C'est que les gestionnaires de Choucha sont, certes, très aimables mais très peu diserts. Certains groupes de tentes sont même purement et simplement interdits d'accès à la presse sans autorisation préalable des responsables du HCR. «Ce sont les consignes de nos responsables hiérarchiques. On nous a dit de ne faire aucune déclaration aux journalistes. Désolé. Il y a quelqu'un qui s'occupe de cela. Il s'agit de M. Rocco, notre responsable», explique, gêné, un employé tunisien du HCR qui avait consenti à sortir de son bureau pour aller à la rencontre du petit groupe de réfugiés qui s'était formé à l'entrée de la direction HCR depuis le début de la matinée.
«S'il vous plaît, gardez votre sang-froid. Nous nous occupons de vos cas. Cela fait un bout de temps depuis que je suis dans l'humanitaire. Je puis vous assurer que dans certaines régions du monde, des réfugiés ont dû attendre une année et parfois même davantage avant de trouver un pays d'accueil. Alors soyez patients. Cela ne dépend pas que de nous. Nous faisons ce que nous pouvons», rétorque-t-il à un Somalien qui avait déploré le fait de ne pas avoir encore été «interviewé» par les responsables du HCR. «Ils (les réfugiés) pensent que nous prenons plaisir à les garder ici alors que le vrai problème, contrairement à ce qu'ils croient, est que très peu de pays se sont manifestés à ce jour pour les accueillir. Ils doivent savoir que cette situation nous peine aussi», argumente notre employé tout en insistant sur son souhait de ne pas être cité.
De Choucha aux States ou l'espoir fou des réfugiés
M. Rocco Noni, qui a pris ses quartiers en compagnie d'une partie du staff du HCR dans la ville de Zarzis, une coquette station balnéaire située à environ 60 km au nord de Ben Guerdane confirme en tout point l'analyse faite de la situation par son élément. «Le nombre de réfugiés à Choucha est maintenant tombé à 3800. Il est constitué en majorité de Somaliens, d'Erythréens, de Soudanais et d'Ethiopiens. Nous comprenons leur douleur et leur impatience, surtout que le climat n'est pas facile à supporter dans cette partie de la Tunisie. Mais vous devez comprendre que le HCR ne ménage aucun effort pour leur rendre la vie aussi supportable que possible», soutient cet expert de l'Afrique auprès du HCR qui a tenu à préciser que son organisation «travaille selon des standards stricts» et qu'elle œuvre chaque jour avec le PAM et l'OIM à l'amélioration des conditions de vie. Quid des perspectives qui s'offrent aux réfugiés à moyen terme ?
A cette question, Rocco Noni explique que l'octroi du statut de réfugié doit répondre à des critères précis et qu'il s'agit d'une procédure qui peut parfois prendre un peu temps. Une durée qui s'explique, selon lui, par la nécessité de vérifier les informations recueillies auprès des personnes interviewées. Il fera observer en revanche s'agissant des réfugiés du ccamp de Choucha que les pays d'accueil ne se bousculent pas au portillon.
M. Rocco relèvera tout de même qu'il y a des possibilités de placer une partie des réfugiés au Canada, aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe occidentale avec lesquels le HCR est actuellement en contact. Bref, l'espoir reste encore permis pour les résidents de Choucha. Mais que se passerait-il dans le cas où tous ces pays n'honoreraient pas leur promesse de soulager le HCR de quelques centaines de réfugiés, comme c'est le cas de l'Italie et de l'Allemagne ? «A ce moment-là, il ne restera plus à ces milliers de pauvres gens qu'à prier très fort pour que la révolution libyenne tienne toutes ses promesses et que les autorités de ce pays les sollicitent pour les aider à construire la nouvelle Jamahirya», lâche spontanément un autre cadre du HCR… toujours sous couvert de l'anonymat. Dans le cas contraire, dit-il, leur calvaire est bien parti pour durer.


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