C'est un parcours atypique que celui de Belaid Chaâbane, ce professeur de dessin et «barbouilleur» de toiles à ses heures perdues. Une occupation dont il a fini par faire son violon d'Ingres. «Passer de l'aquarelle au burin, il n'y a qu'un pas que j'ai tout naturellement franchi, sitôt confirmé dans mon poste de fonctionnaire de l'éducation», nous explique-t-il. Les œuvres de Belaïd, réalisées sur une dizaine d'années, mettent en valeur un savoureux langage graphique, dans une palette de formes et de couleurs, montant en épingle l'existence torturée de l'enfant de la Soummam. La quarantaine bien entamée, cet homme à la silhouette charpentée et à la tignasse en bataille, se sert essentiellement de la technique du collage de la gravure en plat (sérigraphie) et de la gravure en creux (burin et gaufrage sur papier). «Mon ambition est de travailler à la réhabilitation d'un pan de notre patrimoine ancestral, tout en gardant à l'esprit le souci de le mettre au goût du jour, pour coller à l'air du temps», nous confie Belaïd, sur un ton empreint d'humilité. Eludant délibérément de verser dans les artifices et les fioritures, les compositions de l'artiste invitent à une escapade dans le somptueux univers de la peinture expressionniste. «Je suis tout le temps habité par l'idée d'explorer de nouveaux sentiers, de travailler sur d'autres substrats, afin d'apporter une touche novatrice à mes œuvres», dira-t-il. La plupart de ses peintures donnent à voir une représentation humaine mais déformant les silhouettes ordinaires. Le trait féminin est effacé par une aura monacale, la touche sobre laissant transparaître une atmosphère de solennité. «Femme fatale», «Stress et détresse», «Homme de luxure»,… sont autant de tableaux chromatiques convoquant la métaphore et l'allégorie et conviant à la méditation.Les gravures et les sérigraphies de l'artiste-peintre suggèrent les «spasmes» d'un temps et les profondeurs «insondables» de la vie. Une vie loin d'être un «fleuve tranquille». Quelques unes de ses œuvres, à l'image de «Egérie» ou «Ange Gardien» déclinent une symbolique de dévotion. D'autre part, la technique du burin met en relief un récit pictural labyrinthique, que l'artiste tient à classer dans «l'entre deux ères». Le procédé de collage utilisé confine ces compositions dans un substrat empreint du triptyque : humilité, sobriété et originalité. La subtilité de la touche en général dénote une puissance de suggestion. Elle ressort clairement dans cette synergie des formes et des tons, puisées dans la quintessence de l'esprit et forgées dans le moule de la création.
