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Frantz Fanon que j'ai connu
Devoir de mémoire
Publié dans El Watan le 26 - 10 - 2011

50e anniversaire de sa disparition le 06 décembre 2011
Entre toutes les rencontres qui ont jalonné ma vie, une m'a particulièrement marqué, celle de Frantz Fanon. C'était en février 1959, à Oujda, où je servais dans une formation paramédicale. Il arriva, envoyé par l'ALN, pour soigner quelques frères souffrant de surmenage. Aussitôt, il installa dans une ferme à Madagh, distante d'une quarantaine de kilomètres, un hôpital de fortune, où je devins son adjoint. Très vite, une franche amitié s'établit entre nous. Il était si simple, si humain, si fraternel qu'il devenait facilement l'ami de tous ceux qui le connaissaient. Comment trouver les mots qui conviennent pour vous dire la conscience professionnelle, l'amour qu'il mettait dans son travail de médecin. Il nous a appris l'hibernation artificielle, qu'il avait découverte en URSS et qui consistait à endormir les patients pour leur permettre de récupérer.
La nouvelle de sa présence et de son action se répandit rapidement. Les malades venaient, pleins de confiance et d'espoir. Lui se dépensait sans ménager son temps, ses forces, sa peine et sans craindre le risque, le danger, n'hésitant pas à se rendre jusqu'à la frontière pour y chercher des malades. Partout présent, infatigable, il ne pouvait rester assis, tranquillement à donner des consultations ou à les attendre. Avec cela, il était toujours modestement habillé d'une chemise kaki d'un bleu ordinaire, chaussé de vieilles pantoufles. Après une journée harassante, il nous arrivait de faire ensemble quelques pas, dans la paix du soir. Alors, avec une candeur bien africaine, il disait ce qui l'avait poussé à quitter son pays et à connaître le monde, à consacrer sa vie à défendre, à servir les malheureux, les victimes et à lutter contre toute misère et toute injustice.
Voici quelques-unes de ses paroles : «Un peuple qui se voit exploité se révolte et se soulève tôt ou tard. Quitte la terre où ton honneur est piétiné, même si ses murailles sont faites de rubis.» Fanon, très modeste, parlait rarement de lui-même, de sa famille de ses affaires personnelles. Pourtant, il lui arrivait de faire des confidences. Ainsi, un jour, il me dit en
souriant : «A Joinville, j'ai reçu plusieurs fois la visite d'un hôte illustre, devine ! Jacques Soustelle». Parfois même, il me demandait de le renseigner, de le conseiller, à propos de notre guerre, de l'Algérie et des Algériens, de notre politique. Un peu confus, je m'efforçais de répondre de mon mieux.
C'est un accident de la route qui mit fin à son séjour parmi nous, et fut sans doute à l'origine de la maladie dont il ne put guérir. Un soir, il reçut mission d'aller chercher les malades. Il partit vers Kabdani, à bord d'une Opel, conduite par le commandant Si Nasser Bouizem Mokhtar. A la sortie de Berkane, la voiture dérapa sur le gravier de la chaussée. Il fut projeté dehors et tomba sur le dos, ce qui provoqua un déplacement des vertèbres. Dès que j'appris l'accident, plusieurs heures après, je me rendis sur les lieux, Fanon n'était plus là. On me raconta comment tout s'était passé, avec quel calme il avait dit à ceux qui le secouraient de le soulever, en douceur à cause de sa colonne vertébrale blessée, et qu'il se trouvait maintenant à l'hôpital d'Oujda. Aussitôt, j'y suis allé, et je l'ai vu, détendu, confiant, courageux, comme toujours. Il me donna tranquillement ses instructions au sujet de notre hôpital de campagne, les patients devaient retourner à leur unité, la section chargée de sa propre sécurité devait aussi rejoindre son corps. Je n'ai plus revu Fanon qui mourut moins de trois ans plus tard. C'est la mort, bien souvent, qui nous fait découvrir les qualités, la vraie grandeur des personnes que nous avons fréquentées, ce n'est qu'après qu'on les ait perdues que l'on mesure toute la place qu'elles tenaient dans notre vie, tout le bien qu'elles nous ont fait.
C'est quand elles ne sont plus là, près de nous, que nous avons le plus grand besoin de leur présence, de leur enseignement, de leur affection. Alors, on les ressuscite en quelque sorte par la magie de la mémoire et la fidélité du souvenir, mais aussi, et même mieux, par la fréquentation de leurs écrits, surtout lorsqu'il s'agit d'un véritable et grand écrivain comme Fanon.
J'ai donc lu les livres de Fanon où je le retrouve tel que je l'ai connu, lui qui ne séparait pas le médecin psychiatre du combattant et du théoricien de la décolonisation. Cette lecture me rappelle et me fait mieux saisir tout ce qu'il enseignait par la parole et par sa vie, son message de fraternité universelle, sans frontière, dans la liberté.
«Tous les peuples opprimés sont frères de combat pour la liberté ; ma patrie, c'est le pays qui lutte pour cette liberté.» Et pour lui, c'est l'Algérie qui fut ce pays. Justement, un autre luttait pour sa libération, en même temps que notre Algérie, Cuba, qui commença un peu après nous, et parvint au but, un peu avant nous. De là, les liens étroits qui unirent toujours les deux révolutions. A Cuba, il y avait un autre théoricien de la guérilla, médecin, combattant, écrivain. Tout comme Fanon. Jamais je n'ai pu m'empêcher de les réunir, les associer ; l'un me rappelle sans cesse l'autre et me renvoie toujours à l'autre. En terminant, permettez-moi de vous dire pourquoi. L'un et l'autre sont fils du Nouveau monde, de cette Amérique latine soumise alors à la pire colonisation, celle qui n'ose dire pas son nom et se cache sous une indépendance purement formelle. L'un, en Argentine, l'autre à la Martinique ; ils ont pu voir la misère, l'analphabétisme, l'injustice et l'impuissance des pauvres, des opprimés.
L'un et l'autre ont fui la terre natale pour connaître d'autres horizons, rencontrer des hommes et des femmes qui ne se résignent pas à la servitude et qui se révoltent, les armes à la main. Guevara rencontre au Mexique une poignée de jeunes cubains qui se préparaient à libérer leur pays. Fanon arrive en Algérie où il trouve ce qu'il cherchait, un mouvement de révolte, et de libération. L'un et l'autre étaient médecins, et c'est le contact quotidien avec la souffrance humaine qui en fit des révolutionnaires partisans de la lutte armée. Guevara disait et Fanon le pensait également que la libération de 1'homme «ne peut se faire que par la violence, c'est comme un accouchement, la femme souffre beaucoup pour donner la vie.» L'un et l'autre montrèrent un grand courage physique et surtout moral. Volontaires pour les missions dangereuses, ils restaient calmes devant le risque. Malades, ils demeuraient confiants et continuaient leur besogne, sans se plaindre. Guevara était asthmatique, et Fanon savait que sa leucémie était incurable. Les deux furent jusqu'au bout fidèles à leur travail, et quand vint 1'heure du grand départ, on les vit fermes devant la mort, car ils étaient certains que leurs vies avaient servi l'humanité. Oui, l'un et l'autre ont mis leur vie d'accord avec leurs convictions, ils ont dit ce qu'ils faisaient, ils ont fait ce qu'ils disaient. Ils ont réalisé la difficile et rare synthèse de la pensée et de l'action où se reconnaissent la vraie grandeur, le véritable héroïsme. Pour eux, la vérité c'était la pratique, non les belles paroles, le discours ronflant, démagogique et creux. Tout ce qu'ils ont dit, tout ce qu'ils ont écrit, ils l'ont signé de leur vie et de leur mort. Chez l'un et l'autre, quel désintéressement vis-à-vis de la richesse, des honneurs, de la publicité, de la gloire ! Ils n'ont laissé aucune fortune ; ils ont vécu dans la simplicité ; l'oubli de soi, le dépouillement.
Pourtant, ils appartenaient à des familles aisées, de la bonne bourgeoisie ; ils avaient fréquenté le monde universitaire et ce qu'on appelait alors le grand monde, celui des riches et le monde aussi des intellectuels, des écrivains. Mais ils n'étaient esclaves de rien, ni de confort, ni de la renommée, ni de leur culture, ni de leurs livres, ni de leur patrie, car Guevara l'Argentin devint cubain et mourut en Bolivie ; Fanon le Martiniquais choisit l'Algérie et son corps trouve d'abord sépulture dans une terre de personne, à notre frontière avec la Tunisie. Voilà deux hommes, vraiment libres, qui avaient le droit de parler de la liberté, qui ont tant travaillé, combattu et souffert pour la liberté des peuples, enfin qui restent nos deux meilleurs théoriciens de la guérilla, de la guerre de libération. Justement, dans la collection Maspero qui s'est spécialisée dans les publications concernant le Tiers-Monde et qui a édité les livres de Fanon et de Guevara, on trouve la suite n° 19 Le Socialisme et l'homme de Che Guevara, n° 20 Les Damnés de la terre, De Frantz Fanon. En conclusion, je voudrais vous inviter à lire et méditer l'enseignement, l'exemple et le message, que ces deux livres adressent à tous les hommes et spécialement à la jeunesse du monde. Fanon et Guevara, plus vivants que jamais dans les cœurs. Didouche Mourad disait : «Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires.»
-N. B. : Frantz Fanon a été exhumé après l'indépendance et enterré à Aïn El Kerma, wilaya de Taref, à l'est du pays.

Boukri Amar. Ex-adjoint de Frantz Fanon, membre de l'ALN, zone 6-7 et 8 (base arrière) Cité Radouane, coopérative En Nahda,
villa n°100 Es Senia Oran.


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