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L'Affaire contant devant la 17e chambre du tribunal de Paris
La tragédie algérienne et son traitement médiatique
Publié dans El Watan le 19 - 01 - 2006

Une fois de plus, le « qui tue qui ? » ravageur est devant les tribunaux dans une affaire de diffamation. Le directeur de l'hebdomadaire Marianne a comparu, mardi après-midi, devant la 17e chambre du tribunal de Paris pour répondre d'une plainte en diffamation du journaliste Jean-Baptiste Rivoire de Canal + contre Marianne pour un article, en date du 14 mars 2004, sous le titre de « Un étrange suicide » faisant référence à un « lobby médiatique » et à « une campagne » contre le journaliste Didier Contant qui enquêtait sur l'assassinat des moines de Tibehirine ; il s'est suicidé le 15 février 2004.
Jean-François Kahn, directeur de l'hebdomadaire, a, d'emblée, affirmé devant le tribunal « assumer complètement » cet article bien qu'il ne l'ait pas écrit.« Qu'il existe un lobby médiatique, ce n'est pas diffamatoire, c'est vrai », ajoute le directeur de Marianne. Il poursuit que « cette polémique entre dans le cadre de notre défense de la déontologie ». « Je suis convaincu que ce sont leurs convictions avec un additif qu'en Algérie tout ce qui tend à dire que des islamistes ont commis des crimes, c'est être complice des militaires et faire leur jeu. A partir de là, ils ont une attitude militante, ils refusent de prendre en compte des éléments qui n'entrent pas dans cette grille. » Jean-Baptiste Rivoire indique avoir été pris à partie par des journaux algériens. A signaler que la plainte de Rivoire et Patrick Beaudoin contre El Watan qui avait fait part des pressions subies par Didier Contant est tombée sous le coup de la prescription.
Complexité
« On n'avait pas écrit cela à la légère, mais sur la base de faits et de témoignages », rappelle à la barre Omar Belhouchet, témoin de bonne foi pour Marianne. Modérant son propos - fait nouveau -, Jean-Baptiste Rivoire affirme : « Si la majorité des crimes étaient le fait des islamistes, il y avait des massacres qui posaient problème. C'est complexe, il y a eu des cas où les islamistes étaient responsables directement, ou étaient manipulés ou infiltrés, des cas où des agents des services étaient habillés en islamistes et des cas où les services intervenaient directement... Ce qu'on a découvert ne correspondait pas à ce qui était dit officiellement... » Le directeur de Marianne interroge alors : « Rivoire dit que la majorité des massacres sont le fait d'islamistes, pourquoi ne le rapporte-t-il pas dans ses reportages ? » Florence Bourg, avocate de Marianne : « Je trouve ici Rivoire modéré. » Et : « Vous nous dites que vous vous posez des questions. Dans Attentats à Paris (qui venait d'être visionné à la demande de la partie civile), vous allez plus loin que poser des questions, vous posez une thèse : ‘‘Voici l'histoire d'une manipulation : le GIA au service des généraux'', affirmez-vous. » « Il a été dit par un témoin de la partie civile (Habib Souadia, auteur de la Sale guerre, ndlr) que Marianne ne dénonçait jamais les exactions du régime algérien, les collections de Marianne sont à la disposition de ceux qui veulent les consulter. Nous avons dénoncé aussi bien les exactions des forces de sécurité que les crimes des islamistes », intervient Jean-François Kahn. Le président du tribunal en vient aux imputations sur le suicide de Didier Contant.
Opération en deux temps
« Les investigations de Contant tendaient à mettre en cause les déclarations de Tigha » (déserteur de l'armée, réfugié à l'étranger), demande-t-il. « Tigha n'a témoigné que de la première nuit de l'enlèvement des moines, répond le plaignant. « J'ai l'intime conviction que si Didier n'est pas parmi nous aujourd'hui, c'est qu'il a réussi à identifier la véritable identité de Tigha », affirme Rina Shermann, la compagne de Didier Contant, avec laquelle il était en contact plusieurs fois par jour pendant son séjour en Algérie. « Didier avait dit qu'il enquêtait sur Tigha, Jean-Baptiste Rivoire a appelé dans les rédactions (Gamma, Capa, le Figaro Magazine, France 2). Il a opéré en deux temps, d'abord dans les rédactions où Didier travaillait pour dire que c'était un agent des services et qu'il détenait un courriel d'Amnesty International. Tigha m'a dit personnellement que Didier n'a pas harcelé son épouse. Il a fait une lettre au Monde, j'en ai une copie. Jean-Baptiste Rivoire a ensuite instrumentalisé Jean-Mari Montalli, rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine. Jean-Baptiste Rivoire m'a dit qu'un journaliste ne peut pas être libre en Algérie de ses mouvements sans être appuyé par les services ? » Rina Shermann se porte partie civile contre Jean-Baptiste Rivoire et Paul Morera, son supérieur hiérarchique, pour violences volontaires. Le parquet a, dans un premier temps, ouvert une instruction contre X. « Le jour où j'ai appelé Le Figaro Magazine pour demander si un journaliste travaillait pour eux en Algérie, je ne savais pas que Contant avait publié un article déjà. Je dis au rédacteur en chef adjoint Jean-Mari Montalli qu'une famille s'inquiète en Algérie de la visite d'un journaliste français accompagné d'un journaliste algérien et qu'elle a saisi Amnesty International à Londres », déclare Jean-Baptiste Rivoire. « Qu'est-ce qui a motivé votre démarche ? », lui demande maître Florence Bourg. « Est-ce déontologique d'appeler un employeur ? » Rivoire : « Vous n'imaginez pas le contexte algérien, la terreur d'une famille. » Joseph Macès Caron, rédacteur en chef du Figaro Magazine à l'époque, témoin de Jean-François Kahn, déclare avoir subi au téléphone de la part de Jean-Baptiste Rivoire un « véritable interrogatoire », « le ton était inquisitoire », le « questionnement était insistant ». « Vous voyez les risques que vous prenez en faisant confiance à une telle personne », lui dit Rivoire, parlant de Didier Contant. « Quand j'ai eu cet échange, j'ai été paniqué, j'ai été tellement choqué, j'ai appelé le directeur de Capa pour lui demander s'il connaissait Rivoire, puis d'autres personnes. Il m'avait qu'il ne travaillait plus pour Capa », raconte Joseph Macès Caron. « J'ai passé la communication à Montalli qui suivait la partie grands reportages. Il avait lu la première partie du reportage de Didier Contant. » Serge Faubert, journaliste, est un ami assez proche de Contant. Les deux journalistes se sont rencontrés une semaine avant la disparition de Didier. Au moment de payer l'addition, Didier reçoit un coup de fil de Jean-Baptiste Rivoire. « Préalablement à cet appel, Didier reçoit un coup de fil de Montalli. Didier est très inquiet, craignant que ses relations commerciales avec Le Figaro Magazine soient compromises. Jamais Didier ne s'est piqué d'être un analyste de la situation algérienne, il ne comprenait pas pourquoi on s'intéressait tant à lui. C'était un excellent photographe et pas du tout un journaliste militant », raconte Serge Faubert. « Dans un entretien que j'ai eu avec lui, Jean-Baptiste Rivoire s'étonne que Contant ait séjourné pendant de longues périodes en Algérie. Cela lui paraissait suspect. Il part ensuite sur une analyse sur les moines de Tibéherine, me disant que Contant est en train de cautionner la thèse des militaires. Il me dit aussi que Didier a menacé un témoin, en compagnie d'un journaliste du régime et de personnes peu recommandables. Je ne connaissais pas les détails de cette affaire, mais cela me semblait déconnecté de la personne de Didier », ajoute le témoin. « J'ai été à l'initiative d'un rendez-vous de Didier avec Paul Moréra auquel assistait Rivoire. Didier me l'a racontée, me disant qu'il avait l'impression de se retrouver dans un commissariat, en sale posture avec un bon et un méchant flics et non avec deux confrères. »
« Notre rôle... »
Mohamed Sifaoui, qui a travaillé « un peu » avec Jean-Baptiste Rivoire, raconte qu'« il n'agissait pas comme un journaliste d'investigation, mais comme un militant ayant des certitudes, et il lui fallait des interlocuteurs pour alimenter ses convictions. Rivoire a refusé le témoignage qui a vu ses 9 enfants et sa femme massacrés sous ses yeux, il ne le considérait pas comme crédible ». Et « j'ai moi aussi songé au suicide », rappelant les pressions qu'il a eu à subir dans certaines rédactions. Selon François Gèse, témoin de la partie civile, qui se présente comme un éditeur engagé, « on était accusés de faire le jeu des islamistes dès lors qu'on disait qu'il existe des violations de la part du régime algérien ». « J'ai beaucoup travaillé en tant qu'éditeur de ceux qui cherchent la vérité »... « Ces livres et d'autres sont au cœur de mon travail d'éditeur engagé. » Il a pourtant rompu le contrat avec un ancien militaire qu'il devait éditer parce qu'il avait refusé de témoigner en sa faveur dans un procès devant la 17e chambre. « La visite de Contant à la famille Tigha est destinée à forcer ce dernier au silence », selon l'éditeur. « Ce journaliste français s'était rendu chez Mme Tigha avec un journaliste lié au DRS. » « On a l'impression que chaque fois que quelqu'un donne une information qui ne répond pas à vos convictions, vous le suspectez d'être un agent », observe maître Dupeu. Saïd Sadi, au titre de témoin de bonne foi pour Marianne, déclare qu'il a eu à « observer que Rivoire appartient à ces journalistes qui ont une vision arrêtée. Dans un documentaire sur Matoub Lounès, Rivoire dit que mon parti est derrière son assassinat. Or dans sa dernière chanson post-mortem, Maatoub Lounès me cite nommément et rend hommage à mon combat. J'ai cité Rivoire en diffamation, mais une bataille de procédure a fait que le procès n'a pu se faire. Si j'étais un journaliste tenant la preuve de l'assassinat d'un chanteur, un mythe dans son pays, je n'éviterais pas ce procès, au contraire. Il y a cette thèse selon laquelle il ne peut y avoir des élites autonomes capables de produire une démarche démocratique. Ceux qui sont contre l'islamisme ne peuvent être que les indigènes manipulés par l'armée algérienne, si vous êtes vivant, opposant impertinent, vous êtes suspect. Ce n'est parce qu'il y a des militaires corrompus que les islamistes sont innocents. Je m'interroge sur les raisons de cet acharnement à refuser aux Algériens de récupérer un jour leur destin. Le peuple algérien peut-il être éligible à la démocratie ? » Omar Belhouchet rappelle qu'El Watan a beaucoup travaillé sur la tragédie algérienne de ces dernières années, en faisant des recoupements, en enquêtant. « C'est notre rôle. » Il relève « une position dogmatique et une thèse simpliste, une vision arrêtée sur la nature de la crise, sur les responsabilités des différents acteurs. Cette vision tend à faire croire à l'opinion française que le conflit se situe entre militaires et islamistes et qu'il faut soutenir les islamistes pour se débarrasser du pouvoir. Tous les autres points de vue qui contredisent cette thèse sont sévèrement combattus ». Et il fait remarquer qu'« il n'y a pas que Didier Contant qui a été victime de cette campagne. Les journalistes algériens l'ont été. Les journalistes qui disaient que l'islamisme était une mauvaise solution étaient dénigrés. Rivoire est un des journalistes ayant cette vision qui continuent à considérer que la presse algérienne est aux ordres, ne sont pas indépendants », souligne Omar Belhouchet. A une question de maître Dupeu, Omar Belhouchet rappelle qu'El Watan a été suspendu à six reprises, qu'il a une centaine d'affaires devant les tribunaux, que lui-même a été emprisonné avec six collègues près d'un mois, qu'il a été dix fois interdit de sortie du territoire national. « Je suis journaliste depuis longtemps, dans ma carrière de journaliste, je n'ai jamais été confronté à quelque chose d'aussi héroïque, d'aussi merveilleux que le travail des journalistes démocrates algériens, on devrait leur ériger des monuments alors qu'on les injurie. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons pris cela à cœur », dira Jean-François Kahn. Le tribunal entendra les plaidoiries des avocats et le réquisitoire du ministère public mardi prochain, eu égard au fait que l'audience, commencée à 14h, a été suspendue à une heure tardive (21h30).


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