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Pour un manuel d'histoire algéro-français
Rencontre avec Gilbert Meynier à la librairie des beaux-arts
Publié dans El Watan le 20 - 11 - 2011

On sait qu'il y a un contentieux, des rapports difficiles entre Français et Algériens (…).
Les Allemands et les Français, après s'être longtemps tapé dessus, ont réussi au bout de quinze ans à élaborer un manuel d'histoire commun franco-allemand. Mon vœu est qu'on aboutisse à un manuel d'histoire concerté franco-algérien.» C'est ce qu'a préconisé, hier, l'historien Gilbert Meynier lors d'une rencontre à la librairie des Beaux-Arts (rue Didouche Mourad) en compagnie de Khaoula Taleb Ibrahimi, linguiste et professeur à l'université d'Alger. Parmi l'assistance, notons la présence remarquée de Pierre Chaulet.
L'objet de la rencontre était la présentation d'un ouvrage réalisé sous la direction de Gilbert Meynier et Frédéric Abécassis, consacrant les travaux d'un important colloque qui s'est tenu en juin 2006 à Lyon sur le thème «Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l'histoire franco-algérienne». L'ouvrage vient de paraître en arabe et en français aux éditions Inas, dirigées par Ouadi Boussad, sous le titre Pour une histoire franco-algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de la mémoire. Khaoula Taleb Ibrahimi en a assuré la traduction vers l'arabe.
Un comité d'historiens «totalement indépendants»
Tout est dit, en somme, dans le titre de l'ouvrage : ce désir farouche de construire un récit à quatre mains entre Français et Algériens. «Il s'agit d'écrire une histoire… je ne dirais pas ‘commune', mais ‘concertée'», explique Gilbert Meynier. «Ce livre se veut une mise en perspective de possibilités d'écrire l'histoire à deux», appuie Khaoula Taleb Ibrahimi. Pour cela, Gilbert Meynier insiste sur la nécessité de monter un comité d'historiens «totalement indépendants». «Il faut que la décision soit librement produite par des échanges entre historiens indépendants de tous les pouvoirs, quels qu'ils soient», dit-il.
L'organisation du colloque de Lyon (qui s'est déroulé précisément du 20 au 22 juin 2006 sous l'égide de l'Ecole normale supérieure Lettres et Sciences humaines de Lyon) illustre parfaitement, si besoin est, cet état d'esprit, cette «liberté éditoriale» de l'historien ardemment jaloux de sa parole. L'auteur de L'Algérie révélée a livré en l'occurrence quelques confidences fort édifiantes quant aux résistances rencontrées dans les milieux officiels dès qu'il s'agit de sortir des sentiers battus et d'explorer de nouvelles narrations.
«Avec Frédéric Abécassis, nous avons voulu organiser ce colloque en réaction à la loi du 23 février 2005 sur l'enseignement de la colonisation et en particulier cet alinéa de l'article 4 qui incite les enseignants à glorifier les aspects positifs de la présence française outre-mer et en particulier en Afrique du Nord. Cet article nous a profondément émus. On a lutté pour obtenir son abrogation et l'article a été abrogé», raconte Gilbert Meynier. Dans la foulée, il prend l'auditoire à témoin de son refus d'intégrer les institutions mises en place pour favoriser une écriture à sens unique de l'histoire.
«Je n'ai jamais reçu l'aide de l'Etat (pour l'organisation de ce colloque, ndlr) ni côté français ni côté algérien», poursuit l'historien. Pour Gilbert Meynier, la force de ce colloque, son originalité résident au premier chef dans le fait qu'il a réuni un nombre important de chercheurs des deux rives. «Nous avons invité 23 (chercheurs) algériens dont 14 venaient d'Algérie», indique-t-il. «Il s'agissait pour nous de voir quels sont les enjeux de l'écriture de l'histoire franco-algérienne.»
Khaoula Taleb Ibrahimi estime pour sa part que l'importance de ce travail n'est pas tant à chercher dans la masse d'informations véhiculées par les actes du colloque que dans la démarche méthodologique initiée en ce qu'elle ouvre de nouvelles perspectives, à vau-l'eau des courants de pensée dominants, d'un côté comme de l'autre, et des «lobbies de la mémoire». «Lors de la tenue du colloque, il y a eu des manifestations de lobbies de la mémoire, notamment des gens du Front national qui criaient : ‘A bas les complices du FLN' !» témoigne G. Meynier. «La mémoire est un document comme un autre que l'on soumet à la critique, intérieure et extérieure», souligne l'historien, en mettant en garde contre une instrumentalisation politicienne d'un tel matériau.
En finir avec la guerre des récits
Après la présentation du livre et de sa genèse, le public s'est livré à un échange passionnant avec les deux éminents universitaires. La question des archives domine une partie des débats. Questionné sur l'accessibilité des archives de la guerre de Libération nationale conservées en France, Gilbert Meynier concède que «l'accès aux archives, aujourd'hui, est plus facile qu'il ne l'était il y a 30 ans». Quid du fonds archivistiques national ? «Je sais qu'il y a des archives ouvertes, mais elles ne sont pas faciles d'accès. J'ai travaillé pendant 8 ans sur le FLN. J'ai sollicité les archives algériennes et je n'ai jamais reçu de réponse», confie G. Meynier.
L'historien rapporte cette autre anecdote qui en dit long : «Ali Haroun a fait don de toutes ses archives, mais elles ne sont pas consultables car elles ne sont pas classées.» «Peut-être ne veut-on pas les classer ?» s'interroge Khaoula Taleb Ibrahimi, avant de lancer : «Ces actes manqués sont significatifs.» Et d'évoquer les difficultés rencontrées par les étudiants en histoire dans l'accès au fonds des Archives nationales. Rebondissant sur le poids des «pressions officielles», elle déroule un long chapelet de chercheurs illustres qui n'ont pas voix au chapitre, qui sont «persona non grata» dans les milieux académiques et ne sont jamais invités par nos universités.
Revenant à l'initiative lancée dans le sillage du colloque de Lyon, Gilbert Meynier dira : «Nous avons posé un premier jalon. Il y a, en France et en Algérie, de nouvelles générations d'historiens qui font preuve d'une grande indépendance d'esprit. C'est à cette nouvelle génération de prendre le relais.» L'historien s'est dit heureux de constater que certaines choses passent mieux aujourd'hui auprès du public, «des choses qu'il n'était pas possible de dire il y a 10 ou 15 ans». Il cite à ce propos le chiffre de «melioune oua nasf chahid» qui revient dans la rhétorique officielle, au moment ou des chiffres plus rigoureux parlent de 400 000 morts durant la Révolution. «J'ai pu le dire sans contestation aucune de la part du public. Il y a aujourd'hui une plus grande ouverture d'esprit», se réjouit-il.
Gilbert Meynier semble nous dire que la guerre des récits n'est pas une fatalité et qu'en alliant rigueur scientifique et liberté politique, il est permis de croire à un récit unique, un récit critique, serein, courageux, de la Guerre d'Algérie.

Pour une histoire franco-algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de la mémoire. Sous la direction de Gilbert Meynier et Frédéric Abécassis (Editions Inas 2011 - 500 DA)


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