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Dans l'ex-bunker d'El Gueddafi
Sur la route de Tripoli
Publié dans El Watan le 01 - 02 - 2012

Notre arrivée est saluée par une salve de tirs de kalachnikov, il faut s'essuyer les pieds sur une carpette à l'effigie de l'ancien guide avant de rentrer au café.
Libye.
De notre envoyé spécial

Une meute de chauffeurs de taxi clandestins assaille le bus bourré de voyageurs qui vient enfin de stationner à la gare routière crasseuse de Tébessa. La course pour le poste frontalier de Bouchebka est proposée à 1000 DA. Les pieds engourdis par des heures de voyage, nous nous accordons à peine le temps d'une pause-café avant de nous engouffrer dans la vieille guimbarde de Djamel Drid qui fonce vers la frontière algéro-tunisienne. Nous sommes le mardi 10 janvier, il est 17h30 et il faut franchir la frontière avant la nuit. Chemin faisant, notre chauffeur nous raconte les grands et les petits trafics qui se font, de part et d'autre, de la frontière. Alors qu'on roule déjà à 120 km/heure, 6 Toyota Hilux lourdement chargées nous dépassent lancées comme des torpilles. Ce sont des contrebandiers qui apparaissent sur la route quand leurs vigies leur signalent qu'il n'y a pas de barrages de gendarmes puis disparaissent à travers des pistes cahoteuses dans un nuage de poussière. «Si tu n'as pas de rétroviseur pour les voir arriver dans ton dos, tu es un homme mort. Ils te renversent facilement», dit Djamel.
Les stations clandestines de carburant algérien
A Bouchebka, beaucoup de femmes sont chargées de ballots. Une heure d'attente pour franchir le poste côté algérien. Un passeport, ce n'est jamais commode pour franchir une frontière. Le policier de service a appelé son supérieur à qui il faut expliquer le pourquoi et le comment du voyage, même si l'amabilité et la courtoisie sont au menu de l'entretien. Lorsqu'on franchit enfin la frontière côté tunisien, la nuit est tombée depuis longtemps. Une pleine lune irréelle est montée derrière les montagnes de l'Est, et il fait un froid sibérien. Il faut attendre que le fourgon pour la petite localité de Rifaya se remplisse de voyageurs attardés et de jeunes contrebandiers chargés de colis pour démarrer. Il est 10h15 lorsqu'on arrive enfin à Rifaya. Les rues sont désertes et la placette où stationnent les taxis pour la ville de Gafsa est désespérément vide. Un garçon de café appelle l'un de ses amis et lui propose une course. Amine, jeune diplômé chômeur, ne tarde pas à arriver à bord de son Partner. Au bout de quelques minutes de négociations, le prix est fixé à 40 dinars tunisiens. Il part chercher un ami pour l'accompagner, puis s'arrête pour faire le plein de gasoil algérien à l'une des nombreuse stations clandestines qui parsèment les routes tunisiennes.
En fait de station, il s'agit d'une bicoque, une lampe et une série de bidons alignés le long de la route. La route est très mauvaise, mais cela n'empêche nullement Amine de rouler à tombeau ouvert. Minuit est passé depuis longtemps lorsque nous atteignons enfin la ville de Gafsa. Dans un hôtel du centre-ville, nous attend un ami libyen, mais il n'est nullement question d'y passer la nuit. A peine le temps de se saluer qu'il faut s'engouffrer dans la voiture qui file en direction de Djerba. Il est six heures du matin lorsque, enfin, nous nous allongeons dans une chambre d'hôtel dans la fameuse île aux touristes. Cela nous fait un voyage de 24 heures sans interruption, sans déjeuner et sans dîner. Après quelques heures de sommeil et un déjeuner réparateurs, nous prenons enfin la route vers la poste frontière de Ras Jdir. Les points de contrôle de la gendarmerie s'intensifient à mesure que l'on s'approche de la frontière. A l'un des ces check-points, les gendarmes trouvent dans le coffre de la voiture une bouteille de vin. Ils se mettent alors à fouiller de fond en comble le véhicule et jubilent quand ils mettent la main sur une dizaine de canettes de bière et une flasque de whisky. «Tahrib», disent-ils à notre accompagnateur. En d'autres termes, c'est de la contrebande. «
C'est grave, vous savez bien que c'est formellement interdit par la loi !». Ils confisquent la marchandise et invitent Youcef à les suivre au poste. Au bout de quelques minutes, Youcef revient avec l'un des gendarmes qui a pris soin de mettre toutes les bouteilles dans un sac de jute qu'il remet dans le coffre de la voiture. Le gendarme réclame 30 dinars, mais Youcef ne lui en donne que 25. C'est ainsi que ces malheureuses bouteilles, qui risquaient de ruiner la fragile économie tunisienne, sont revenues à leur propriétaire qui fera le choix de les laisser sur le bord de la route quelques kilomètres plus loin pour la bonne raison qu'il restait encore des barrages à franchir. A ce jeu, Youcef risquait de payer sa canette de bière au prix du meilleur whisky.
«Impossible de vous laisser rentrer»
Arrivés au poste frontalier de Ras Jdir en fin d'après-midi, de longues files de voitures de ressortissants libyens qui rentrent chez eux. Youcef est nerveux. Nous nous séparons. Lorsque notre tour arrive enfin de tendre nos passeports au policier tunisien, celui-ci refuse de nous laisser passer. «Vous êtes Algériens et vous n'avez pas de visa d'entrée en Libye. Il est impossible de vous laisser rentrer», dit-il. Nous tentons de parlementer en lui expliquant que des amis libyens nous attendent côté libyen, mais rien n'y fait. Youcef a franchi les contrôles en voiture avec tous nos bagages. Il revient enfin au bout de quelques minutes et prend nos passeports. Au bout de deux heures d'attente et de négociations entre nos amis libyens et les policiers tunisiens, Ali, un jeune révolutionnaire, vient nous rassurer que tout se passe bien. Un quart d'heure plus tard, un homme d'une quarantaine d'années habillé d'un treillis militaire vient nous saluer chaleureusement. Il nous demande de le suivre dans un poste. Un jeune policier lui tend nos passeports en contrepartie d'une liasse de billets. Les négociations ont enfin abouti. Nos amis libyens nous font sortir par un chemin dérobé sans même passer par le poste douanier. «Les Tunisiens se sont montrés inflexibles pour faire monter les enchères», disent-ils.
La première image de la Libye est celle d'un drapeau amazigh flottant sur un pick-up sur lequel un fusil mitrailleur est vissé. De nombreuses personnes viennent nous saluer chaleureusement. Ali, jeune révolutionnaire de 25 ans, nous fait monter dans sa Chevrolet aux vitres arrière cassées. Il pose sa kalachnikov à sa gauche et une bouteille de «boukha» à sa droite et démarre sur les chapeaux de roues. En route pour Zouara, première ville berbère, à 60 km de Ras Jdir, trois voitures déchirent cette première nuit libyenne. «Si vous étiez arrivés plus tôt, on vous aurait fourni une escorte avec des ‘‘larbaâtache ou noss''», dit-il. «Larbaâtache ou noss» est une mitrailleuse 14,5 mm soudée sur un pick-up et utilisée contre les avions. Première halte dans un café à Zouara. Notre arrivée est saluée par une salve de tirs de kalachnikov. Il faut s'essuyer les pieds sur une carpette à l'effigie de l'ancien guide avant de rentrer au café. Nous sommes conduits dans une maison pour nous reposer. La soirée sera très longue et le sommeil très court. Chants et discussions jusqu'au petit matin.
171 milliards de dollars et un trou d'égout pour l'abriter
Deux jours passés à Zouara, puis cap sur Tripoli. Le clou de la visite de cette grande métropole est bien entendu Bab El Azizia, la citadelle d'El Gueddafi qui s'étend sur près de 14 hectares. Il ne reste pas un seul mur debout. Bunkers éventrés par des frappes de l'OTAN, immeubles affaissés, mobilier calciné, c'est un vaste champ de ruines livré aux touristes et aux visiteurs. C'est à croire qu'un séisme de très grande magnitude a frappé l'endroit. La piscine où barbotait El Gueddafi et les siens est remplie de détritus. Le très vaste «haouch» qu'il a longtemps habité n'est plus qu'un amas de ruines calcinées. Ecrite par une main anonyme, une épitaphe sur un pilier abattu rappelle à qui voulait l'entendre : «Il avait un crédit de 171 milliards de dollars, et au final, il n'a trouvé qu'un trou d'égout pour l'abriter». Dans la soirée, Youcef, accroché à son téléphone, apporte de bien mauvaises nouvelles. A Tripoli, les salafistes se sont attaqués aux zaouïas qu'ils détruisent à coups d'engins de terrassement. La confrontation avec les Amazighs de rite ibadite n'est pas à exclure. Dimanche 15. Nous sommes obligés de faire une croix sur Misrata à 200 km de Tripoli.
Trop de barrages sur la route. Cap sur Yefren au sud-ouest. A Bir Leghnem, des dizaines de carcasses de chars calcinés suite à un bombardement de l'OTAN gisent tout le long de la route. A Yefren, nous sommes reçus par des militants et les autorités civiles de la ville qui offrent un couscous traditionnel en notre honneur. Dans l'après-midi, visite guidée des fameuses habitations troglodytes qui ont donné son nom à la région. Ifri, Yefren. Dans la localité d'El Qalaâ, en bas d'un imposant monument numide, un nouveau cimetière vient d'être érigé. Il abrite les tombes encore fraîches de 40 civils exécutés par les sbires d'El Gueddafi. Le site culmine à 840 m d'altitude et le froid est vif. Une vieille femme en haïk sanglote sur la tombe de son fils. Une carcasse de char abandonné et des munitions de tous calibres, des missiles, des armes en tous genres sont exposés dans ce musée à ciel ouvert. La Libye n'a pas encore fini de panser ses plaies. La région de Yefren ressemble beaucoup à celle des Aurès et particulièrement aux balcons du Ghoufi.
Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont habité dans des grottes aménagées. Deux jours à Yefren, puis cap sur Djado la rebelle, 25 000 habitants regroupés dans une quinzaine de villages en dehors du chef-lieu. Mercredi 18 janvier. Direction Nalut, à 120 km de Djado. En dehors des centres urbains, point de vie. Il n'y a ni restaurants ni stations d'essence, et les oliveraies, quand elles existent encore, sont toutes abandonnées. C'est à se demander où sont passés les milliards de dollars du pétrole libyen. Retour de nuit vers Tripoli. Les check-points ne contrôlent pas vraiment les passagers.
Le plus grand danger en Libye ce ne sont pas les armes mais les routes. A voir comment nos amis libyens conduisent et les libertés qu'ils prennent avec le code de la route, on comprend que celle-ci fasse autant d'hécatombes qu'en Algérie.
Vendredi 20 janvier. Il faut entamer la route dans le sens du retour. Arrivée à Tébessa tard dans la soirée. Nous apprenons que deux contrebandiers se sont faits tuer. La boucle est bouclée.


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