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La ville est sortie péniblement de l'anonymat
Khenchela Le visage mutilé du développement
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2006

Sur la rue de Constantine, l'une des plus fréquentées de Khenchela, la recette des impôts brille grâce à la noblesse des matériaux qui composent sa façade. Tout comme le siège de la mutualité agricole situé à une dizaine de mètres, elle a été retapée et complètement transformée comme pour faire oublier totalement le sinistre qu'elle a connu il y a quelques années.
C'était en juin de l'année 2001. Khenchela, la ville oubliée, venait de sortir de son anonymat à la faveur de très violents événements qui ont forcé le gouvernement à reconsidérer le plan de relance économique. Les Algériens, par le biais de la presse écrite, ont dû découvrir, à l'époque, une wilaya déshéritée jusqu'à l'os, accumulant au moins vingt ans de retard par rapport au reste du pays avec une population totalement abandonnée. Khenchela, promue au statut de wilaya en 1984, devait rester un cul-de-sac, dépendant de ses voisines Batna, Oum El Bouaghi, Tebessa et jusqu'à Constantine. Même le terrorisme de la décennie écoulée n'a pas trouvé d'intérêt à s'implanter sur son territoire. Les émeutes, conduites par les jeunes Khenchelis, étaient d'une telle violence traduisant un ras-le-bol insoupçonné d'une situation sociale misérable. Une explosion sans précèdent en application d'un verdict sans appel envers toutes les formes d'autorité et d'un rejet total des traditionnels intermédiaires représentés en premier lieu par les notables. Les jeunes voulaient se faire entendre, et leur cri a retenti dans les bureaux des décideurs forcés de réagir face à la pression de la rue qui brûlait. C'était un moment charnière dans l'histoire de Khenchela, longtemps bernée par le populisme officiel et les discours en langue de bois fredonnés sur les cordes sensibles chères à la région. Ces jours de dissidence semblent loin aujourd'hui. Depuis quatre ans et demi, la ville de Khenchela, avec ses 120 000 âmes, a reçu trois fois la visite du président de la République et assiste régulièrement à un ballet ministériel très généreux, il faut le dire, en matière d'enveloppes financières et de projets de relance. Tous programmes confondus, la wilaya entière a bénéficié de 44 milliards de dinars (plus qu'elle n'en a eu en 20 ans) pour des équipements destinés à traduire le plan de développement. Les émeutes ont cela de bon ! Grâce à cet argent, le visage de la ville a bien changé. Le fameux quartier Chabor, celui-là même où le Premier ministre Ali Benflis avait prononcé l'un de ses discours de précampagne en 2003, n'existe plus. Sur le même terrain d'assiette, une nouvelle conservation forestière est érigée à côté d'autres projets alors qu'en bas, on ne craint plus les crues provoquées lors des intempéries par les eaux de ruissellements, et ce, depuis les opérations de drainage. Le chantier de logements sociaux participatifs installera une nouvelle classe sociale à la place des 1375 familles qui occupaient le bidonville. Ces derniers, tous extraits de milieux ruraux fuyant le terrorisme, ont été relogés avec un grand tapage médiatique dans des appartements neufs à la faveur d'un projet offert par Benflis. La rivalité entre les deux principaux candidats à la présidence en 2004 allait avoir des retombées positives sur la wilaya. Le fort plébiscite exprimé à chaque fois en faveur du candidat du consensus motive, selon certains, l'attention particulière prolongée par le gouvernement. De l'autre côté de la ville, ici même où jaillit l'étincelle des émeutes de juin 2001, le quartier de Boudjelbana tente lui aussi sa mue en profitant de la manne étatique. Les centaines de familles qui occupent le quartier ont reçu chacune une somme de 200 000 DA destinée à la réfection des façades de leurs maisons, alors que la voirie a été plus ou moins réparée en plus de la création d'un centre de santé. Le tout destiné à améliorer le cadre de vie des citoyens. Un peu plus haut, l'ancien siège de la wilaya, cible de la colère des jeunes, a été transformé en résidence d'hôte. Un luxe jadis inespéré à Khenchela qui s'est offert un nouveau siège de wilaya, objet de la fierté de ses responsables. En réalité, toutes les directions ou presque se sont fait construire de nouveaux sièges pour améliorer leurs prestations, dit- on, en plus d'autres projets structurant pour la ville et pour toute la wilaya. Des projets énumérés par Mebrouk Bellouz, nouveau wali, qui évoque le projet de construction de 16 500 logements sociaux pour atténuer une demande qui avoisine les 20 000, l'alimentation en eau potable en constante amélioration dans les foyers qui goûtaient auparavant une fois tous les quinze jours l'eau du robinet. Cela grâce aux neufs retenues collinaires réalisées sur un total de dix en attendant une meilleure alimentation dès le branchement au barrage de Coudiat M'douar. Tous les secteurs semblent avoir reçu leur part du gâteau. Dans le domaine de la santé publique, 44 spécialistes dont quatre étrangers, ont été affectés ce mois-ci à Khenchela, et la majorité devra assurer le service au chef-lieu de wilaya en attendant la réception en juin prochain du nouvel hôpital de 120 lits. Une véritable révolution dans une ville qui ne disposait même pas d'un gynécologue pour assurer la garde.
La richesse à deux vitesses
Pour M. Bellouz, l'avenir de cette région agropastorale réside dans le développement de l'agriculture pour la transformer d'une culture de subsistance à un outil performant capable de révolutionner l'économie locale. Une tentative est déjà amorcée grâce à la naissance de petites unités de production et de conditionnement, le développement de l'industrie du miel et la diversification des cultures à l'image de la production de pommes. On compte énormément sur ces activités pour relancer la vocation de la région et donner de l'espoir aux jeunes en leur offrant du travail. Les avis d'appel d'offres portés sur les journaux pour la réalisation de projets confirment cette tendance effrénée et la « richesse actuelle » de la wilaya. Le secteur du BTPH concentre à lui seul une bonne partie de l'investissement de l'Etat, mais profite, au désespoir des Khenchelis, à des entreprises venues d'ailleurs. Il reste par conséquent sans attrait pour les jeunes demandeurs de travail et relativement fermé aux entreprises locales dépourvues de l'expérience requise pour décrocher les grands chantiers. L'absence de main-d'œuvre qualifiée est aussi à l'origine des retards accumulés dans la réalisation des programmes de logements sociaux. Autant dire que la dynamique enclenchée n'est pas prête à absorber les 27 à 35% de chômeurs, c'est selon, et engranger le métier et le savoir-faire au sein de la population. Un paradoxe qui risque de laisser Khenchela au même point où elle était en 2001 avec davantage de murs pour accueillir les hittistes. Le blocage n'est pas contenu, à ce niveau, nous dit un journaliste, correspondant d'un quotidien francophone. « L'exécutif est bourré d'incompétents en déphasage avec la dynamique tentée par le wali précèdent », souligne A. Maâchi, en insistant sur l'idée que les projets inscrits dans le plan quinquennal ne seront pas réalisés à temps à l'image des plans précédents. Le problème des ressources humaines et de l'encadrement est sérieusement posé à Khenchela. Idem pour les élus, ajoute notre interlocuteur en ironisant, « si le RND est synonyme d'émeute, les rejetons du FLN ont acheté pour la plupart leurs mandats et sont venus pour s'enrichir ». Cela explique peut-être le divorce qui caractérise les relations entre la population et ses représentants et l'échange d'accusations au sujet de la responsabilité dans la dégradation du cadre de vie. Falek K., enseignant de langue arabe dans un CEM, fait remarquer l'amoncellement des immondices sur les trottoirs et le ramassage catastrophique des ordures par les services communaux. Un fait que reconnaît le docteur Benkhelifa, P/APW, tout en imputant la cause à « l'incivisme de la population et à la faiblesse du budget de wilaya qui n'atteint même pas celui du comité des fêtes de la wilaya d'Alger, ou encore les frais de recrutement chez les grands clubs de football ! » Le spectacle est, en effet, le même autour de la cité Ibn Rochd, la rue de la Palestine ou celle de Meskiana. La question de l'hygiène et de la propreté a, semble-t-il, été omise, à tel point que la wilaya ne dispose pas et jusqu'à aujourd'hui d'une décharge publique. La grève des enseignants observée dans tout le pays au milieu du mois de janvier a eu un écho considérable ici. Le malaise social qui tourmente les Algériens n'épargne guère la population locale et la crise transforme la population. Les mœurs changent pendant que la légendaire rivalité entre les deux tribus qui forment la base sociale de la ville, Amamra et Nememcha, cède les premières loges et ne détermine plus les rapports sociaux avec la même importance que naguère. La rivalité entre les deux équipes de football, USMK et IRBK l'emporte souvent. Et Khenchela, c'est aussi le taux élevé de déperdition scolaire, les vendeurs à la sauvette qui squattent les trottoirs et les centaines de familles dans l'incapacité de payer leurs arrêtés d'attribution de logements sociaux et les factures de Sonelgaz. C'est aussi la pression insoutenable subie par les correspondants de presse, aujourd'hui rattachés pour la plupart au cabinet du wali au détriment de l'objectivité, les grèves répétitives dans les entreprises en faillite à l'image de la Société nationale de liège et bois (SNLB), paralysée depuis une semaine par le débrayage des 200 travailleurs rescapés de la grande compression, qui revendiquent cinq mois de salaires non payés. Les paradoxes ne s'arrêtent pas là chez les Chaouis de Khenchela, fervents consommateurs de programmes télé numériques et de communication sur le réseau mobile. Les jeunes demeurent encore livrés à eux-même en dépit du fatras d'équipements culturels offerts par Khalida Toumi lors de sa récente visite. Pourquoi ? « Parce que la culture ne se décrète pas », selon le P/APW, qui estime que la population doit se saisir de ces outils et montrer sa créativité, comme elle doit sortir de sa torpeur et s'impliquer dans l'effort de développement. Pour lui, « Khenchela traverse une phase de mise à niveau en attendant le décollage, mais l'argent injecté ne crée pas encore de dynamique et la wilaya n'est pas encore attractive ». Des propos qui reflètent l'amertume de leur auteur et renvoient à cette contradiction de la difficulté de traduire l'embellie financière par le bien-être social. L'investissement productif, moteur du développement, est au point mort, en effet, si l'on ne compte pas la rumeur sur la reprise par le groupe de Rebrab de la SNLB. En attendant aussi le décollage de l'agriculture par l'investissement local, les Khenchelis ne goûtent pas aux fruits du développement et se posent des questions en voyant leurs enfants naviguer à vue et peupler les cafés. Le P/APW ne voit pas la chose sous cet angle et estime qu'il y a à boire et à manger dans ce problème du chômage excepté chez les diplômés universitaires qui en souffrent vraiment. L'économie informelle brouille la vision. Mais existe-t-il une stratégie dûment élaborée pour un développement durable de la région et un souci de bonne gouvernance ? La question fait sourire plus d'un dans ce café où nous avons rencontré un échantillon de la population sur la rue de Constantine. A la sortie de la ville, une fillette, au regard vague et un visage aux traits vieillis, cheveux en l'air et habillée de haillons, traverse la station d'essence en poussant sa brouette. Le ciel est clément ce jour-là pour elle qui va charger sa bouteille de gaz à l'heure où les enfants rentrent d'école. Plus loin, la nouvelle caserne de brigade de police garde l'entrée de la ville. Le pouvoir s'est payé les moyens de protéger ses biens et dissuader toute nouvelle volonté de soulèvement. Les fruits des émeutes ont cela d'amer !


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