Abdelmalek Cherid est un artiste de prime abord qui s'exprime par la peinture mais qui en fait touche à tout ce qui prête support à ce qui est en lui : les états d'âmes affectant sa personne et son entourage, le souvenir, le legs identitaire et culturel, le rêve, les habitudes, l'engagement,… C'est le portrait que laisse dresser en préambule l'exposition tenue dernièrement au théâtre Abdelmalek Bouguermouh de Béjaïa. Toiles, aquarelles, écriture, dessins sur terres cuites, travail du bas relief sur métal, et à des heures perdues, le peintre affectionne les arpèges sur guitare solo. Il y a pour cette exposition au moins une trentaine d'œuvres. Les huiles «postées» à l'entrée du hall cadrent tout de suite les éléments identitaires. Sont repris sur toiles, détachés de leurs supports traditionnels, les motifs graphiques et autres figures géométriques perpétrés encore de nos jours dans les intérieurs de maisons kabyles, la poterie, l'habit, le tatouage, le tapis, la literie. Un langage symbolique que Cherid semble assez bien maîtriser, à voir les précisions qu'il distille savamment au visiteur. Les compositions reprennent plusieurs signes à la fois et au niveau des couleurs, même s'il est abusé de permanentes, celles-ci sont généreusement dosées dans le vif et le contrasté. Après, le figuratif prend le relais. Le regard s'arrête curieusement sur la reprise d'une gravure datée de 1940 et représentant l'isthme du Cap Carbon. Une autre gravure nous plonge dans le cœur d'une ancienne maison kabyle, dans ce qu'elle renvoie comme valeurs d'intimité et de partage, de simplicité et de notoriété. Les affres de l'histoire et du quotidien s'adjugent une grande part dans l'inspiration du plasticien. Cela est rendu par un travail minutieux de l'expression transparaissant des visages peints. A l'exemple de la peine éprouvée lors de la corvée d'eau, et la panique lors de l'évacuation d'un village. Des aquarelles légères mais où le détail importe vont chercher le sens dans le vécu même de leur auteur. La couleur mate vient s'imposer alors. Des visages blêmes, sans regard, ceux de ses propres enfants. Encore en bas âge, confie Cherid, ils perdent leur maman, emportée par la maladie. L'expo, disposée en ligne, termine sur des scènes travaillées sur métal. Des scènes vivantes, des personnages dans leur milieu respectif ; ici, une femme de Boussaâda, se mettant du k'hôl, là, une mariée mozabite, une targuie jouant de l'imzad, un chasseur enthousiaste des oasis, une rencontre de femmes en Kabylie... La peinture convive de la poésie, un chevalet est réservé à un texte écrit par Cherid. Il y relate ses souvenirs, sa propre construction, ses joies et ses peines. «C'est une peinture écrite» infère-t-il simplement.