Au lendemain de sa visite officielle en Algérie, Yamina Benguigui, Ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères françaises, chargée de la Francophonie, nous a accordé un entretien où elle aborde tous les aspects de sa mission. - Quel sentiment personnel vous a habité en posant le pied sur le sol natal de vos parents, auréolée du titre officiel de ministre de la République française ?
J'ai éprouvé beaucoup d'émotion car, soudain, l'histoire de mes parents, le pays d'origine, mon histoire, le pays d'accueil, les deux rives, les deux mondes, ici, là-bas, tous mes souvenirs se sont ravivés dans cette mission de rapprochement entre la France et l'Algérie que j'allais avoir la fierté d'accomplir comme ministre de la République.
- Quelle était votre feuille de route pour ce voyage officiel en Algérie ?
Ma feuille de route s'inscrit dans la préparation du voyage que le président François Hollande doit faire avant la fin de l'année 2012 en Algérie. Ma mission comportait un volet concernant la culture et l'éducation et un volet économique.
- Quels enseignements tirez-vous de cette visite après avoir été reçue par plusieurs ministres et d'avoir clos ce voyage par une entrevue avec le nouveau chef du gouvernement algérien ?
Cette visite fut riche et efficace. Dans les différents entretiens avec plusieurs ministres, nous avons pris le temps de l'écoute mutuelle qui était nécessaire pour renouer le dialogue. Avec le ministre de l'Education nationale, nous avons insisté sur des points essentiels comme la formation des formateurs en langue française. Nous mettrons en place une commission bilatérale pour faire régulièrement un bilan en vue de l'aboutissement des projets. Avec Khalida Toumi, la ministre de la Culture, nous avons abordé la coopération culturelle et convergé vers l'organisation d'une structure de concertation permanente indispensable pour l'avancée des dossiers. Enfin, avec le Premier ministre, nous avons eu un dialogue de très grande franchise, témoignant de notre volonté réciproque d'aborder avec sérénité et confiance l'avenir économique entre nos deux pays.
- Croyez-vous à une véritable relance des relations franco-algériennes qui n'ont guère connu de lune de miel depuis de nombreuses années ?
S'il n'y a pas eu de lune de miel récemment, je crois à notre désir ardent de repartir sur de nouvelles bases. En tant que ministre de la Francophonie, je veux réaffirmer ma confiance dans cette langue française qui a fait sa mutation, qui est aujourd'hui une langue solidaire, égalitaire, débarrassée des haillons de la colonisation et de la domination et, comme j'aime à le répéter, la langue française n'appartient pas à la France. Aujourd'hui, elle est indépendante et majeure dans l'espace francophone où toutes celles et tous ceux qui la pratiquent la font évoluer. Elle se parle à hauteur d'homme.
- C'est un fleuve nourricier et une chance pour la France et pour l'avenir économique des peuples qu'il rassemble. Vous avez tenu à visiter la Cinémathèque algérienne, pourquoi ?
C'est à la Cinémathèque d'Alger que j'ai ressenti cette passion pour le cinéma qui ne m'a jamais quittée. C'est le cinéma qui a façonné mon identité, qui m'a permis d'aller vers l'autre, de changer de regard sur l'autre, d'ouvrir la parole. Mes valeurs humanistes viennent du cinéma. Je voudrais rendre hommage à Boudjemaâ Karèche, le directeur de la Cinémathèque, un être d'exception, pétri de culture, qui m'a poussée un jour à devenir réalisatrice. Je suis particulièrement heureuse de voir que la Cinémathèque a été entièrement rénovée, tout en gardant son authenticité et qui va servir d'agora moderne pour les nouveaux échanges franco-algériens.
- Que peut-on attendre du prochain voyage officiel en Algérie du président François Hollande ?
Le voyage officiel du président François Hollande marquera le début d'une nouvelle ère, d'un avenir débarrassé des fantômes du passé et des peurs, qui nous permettra de dire que la lune de miel avec l'Algérie, c'est maintenant…
