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Nourredine Saâdi, la nuit des origines
Le tragique complot de la destinée
Publié dans El Watan le 06 - 04 - 2006

L'une des caractéristiques de l'écriture de Nourredine Saâdi, un travail pointu et sans relâche, sur la mémoire individuelle et collective. Une mémoire chargée et lourde de conséquences et de sens ; c'est d'elle qu'émane le phénomène identitaire complexe, elle abrite sous différentes couvertures, nos préoccupations les plus élémentaires, nos passions, mais aussi nos fantasmes les plus enfouis.
Les deux romans précédents de Nourredine, Nounou pour les intimes, explorent les dédales et les impasses d'une mémoire qui n'a toujours pas délivré ses secrets. Dans Dieu-le-fit (Albin Michel, 1996-Prix Kateb Yacine) ce sont les femmes, habituées à supporter les avatars de la vie, qui sont porteuses de mémoire et de rêves d'un monde légué par les ancêtres, mais qui s'éteint à une vitesse vertigineuse. Derrière le drame des déplacés du Bidonville Dieu-le-fit et les problèmes des citoyens déracinés, qui sont obligés, par la force policière, de rejoindre leurs douars d'origine, il y a une mémoire tissée dans la douleur et la déprime, face à l'absurdité d'un système qui s'est érigé en destructeur de tout ce qui fait de l'être son essence. Bizarrement, la « walachye » devient une métaphore ; elle ressemble à cette Algérie en panne d'imagination. Dans son deuxième roman La Maison de lumière (Albin Michel, 2000), Nourredine Saâdi ne quitte pas son registre principal en évoquant l'histoire de cette maison mauresque qui baigne dans un soleil magique, en face d'une mer constamment bleue. Une maison porteuse de toute l'histoire de l'Algérie traversée par des moments de bonheur et des blessures béantes. Construite tout d'abord pour le vizir du dey d'Alger durant la période ottomane, puis, devenue caserne au temps de la colonisation, occupée ensuite, par un marchant juif et par un général français, avant de tomber dans la déshérence à l'indépendance. Mais la mémoire de cette maison est restée intacte par les Aït Ouakli. Certes, le travail historique et narratif de l'écrivain renvoie à des lieux vrais, mais surtout à une vérité qui est soutenue par une narration qui repose sur les mythes, les symboles et sur des ingrédients enfouis dans la mémoire que seule l'écriture romanesque est capable de rendre visible. Dans son dernier roman La Nuit des origines (Editions de l'Aube, 2005-Prix Beur FM, 2006), Nourredine Saâdi continue sa quête de départ, en vrai explorateur, à la recherche et la reconstitution d'une mémoire fragmentée dans tous ses prolongements et ses histoires en évitant les idées réductrices qui font de l'identité un monde fermé sur lui-même. C'est tout simplement l'histoire d'une femme poursuivie par une ville, son ange gardien et son dément destructeur. Ta ville te poursuivra toujours et aucun bateau ne t'amènera jamais loin de toi, disait Constantin Cavafy. Une destinée presque inévitable. Le roman s'ouvre sur une première phrase déclencheur qui encadre, en même temps, le récit et qui l'installe dans un passé qui fonctionne en flash-back. « C'est arrivé chez un antiquaire des puces - on aurait écrit : comme par un complot de la destinée. » (Page 9) Arrivée d'Algérie en détresse, Abla est recommandée par une association féminine, occupe une chambre du palais de la femme, foyer créée par l'Armée du Salut pour accueillir les femmes en difficultés. Elle passe ses journées dans les lectures dans la bibliothèque afin de s'évader d'un présent pesant. Sinon, elle se lâche dans le marché aux puces de Saint-Ouen, meublé par des curiosités mais aussi par des hommes et des femmes avec lesquelles elle tisse des relations très humaines : Jacques et Elie, Nez-creux, Mme Jeanne la patronne du bar, Ali-Alain le Constantinois et l'enfant de la DASS, amoureux de cette insaisissable Abla ou Alba, et qu'il n'aura jamais qu'après la mort de celle-ci, paraphrasant ainsi, dans un moment de douleur, Gérard de Nerval. « D'ailleurs, elle m'appartient bien plus dans sa mort que dans sa vie » ; il y a d'autres aussi, Carlos attiré par le lit à baldaquin tout comme Abla, Kader Belmedi, Mme Flavier, Emile le marchand d'anciennes armes à feu... Abla, dans ce récit, n'est que l'outil déclencheur qui va tisser - à partir de deux objets, infiniment intimes - toute l'histoire du roman : Le lit à baldaquin semblable à celui qu'elle avait laissé derrière elle à Constantine et le vieux manuscrit venant de son grand père. L'espace bigarré du marché aux puces la renvoie à la médina de son enfance tendre mais perdue à jamais. C'est un lieu d'imaginaire, dans lequel tout se fait et se défait, sur fond d'un amour difficile où les rebondissements sont inévitables et déjà tracés. Abla, malgré les moments d'oubli et d'absences sporadiques, elle est attrapée par une mémoire hantée par une ville, un père et surtout par un présent réduit à l'état primaire par des tueurs sans scrupules, mais aussi par passion amoureuse (Alain) impossible, qui la poussent vers le tragique et la perdition. Une fin qui renvoie à Anna Karénine ou même à une Madame Bovary sans repère véritable. Au moment où Trakian, le commissaire priseur évalua le manuscrit à un quart de million d'euros, Abla perd tout équilibre et calme. « Elle marmotta des paroles décousues entre les dents et eut le sentiment que sa voix ne correspondait plus à son corps. Alors, soudain, avec une violence inouïe, défaisant sa coiffure, elle se leva en hurlant et s'enfuit en emportant son manuscrit. L'enveloppe de velours noir semblait un nid vide devant des yeux ahuris. » (La Nuit, page 193) Une dernière remarque, au-delà de ce que représente la Nuit dans ce roman et qui est facilement repérable, elle renvoie dans l'inconscient du lecteur averti à une tradition narrative orientale, les Milles et une Nuits, par exemple. La nuit, c'est le lieu de l'histoire mais aussi celui de tous les fantasmes amoureux et les histoires cachées. Abla, peut être facilement assimilée à une fille d'un marchant de Samarkand ou d'un conteur dans un souk de Baghdad du Xe siècle qui faisait circuler le savoir par ses histoires racontées. Ce qui accentue cette oralité, à l'origine des grandes œuvres arabes de narration, une absence totale, dans La Nuit des origines, des dialogues. C'est comme dans le théâtre de la Halqa, où l'histoire repose essentiellement sur le conteur qui met, en racontant, le masque des autres. Tout s'imbrique dans l'histoire mère qui coule comme une eau de source. Même Constantine n'est que littérature et métaphore d'une Algérie revisitée, à la recherche d'une identité à réinventer constamment pour éviter le suicide. Là où on va, on est rattrapé par notre mémoire comme le dit si bien Abla avant son suicide, dans ses derniers écrits : « J'ai toujours imaginé ma ville de naissance venue de la nuit des temps, comme un des signes de la création attestée. Attestée par trois mille ans - stèles, outils de pierre ou de métal, lampes votives, meules à grain, squelettes, manuscrits - elle poursuivit son éphémère éternité et, après tant de sièges destructeurs, tant de tremblements de terre, elle semble impassiblement vivre dans l'attente du dernier qui détruirait son rocher. » (La Nuit, page 204) En main de maître, Nourredine Saâdi explore non seulement les mythes, mais aussi les fantômes des ancêtres et leurs légendes. La Nuit des origines est surtout une majestueuse reconnaissance de ceux qui ont fait, en partie, notre mémoire et notre identité tumultueuse et multiple d'aujourd'hui. Chapeau.

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